Miss SMART
165 pages
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Miss SMART , livre ebook

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Description

Valérie s'ennuie mortellement dans une entreprise de distribution de produits d'entretien.
Fraîche, naturelle et enjouée, elle finit par « péter un câble » et créer un « gros bordel » dans un monde à mille lieues du sien, celui des nantis.
Le lecteur, auquel elle se confie, amusé par son comportement, sourit et devient au fil des pages le complice de ses aventures.
L'auteur campe ses personnages avec tendresse et humour, dans un langage qui contraste avec ses deux livres précédents, de facture beaucoup plus classique.
Après son roman « L'homme qui voulait rester dans son coin » et son pamphlet « Habemus Praesidem », tous deux publiés en 2013, voici qu'en 2014, dans une verve moderne et savoureuse, Manou Fuentes, à nouveau, nous surprend.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 septembre 2014
Nombre de lectures 460
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0034€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Miss SMART

Manou Fuentes



© Éditions Hélène Jacob, 2014. Collection Littérature . Tous droits réservés.
ISBN : 978-2-37011-163-0
À Juliette, Valentine, Andrew, Baptiste
Chapitre 1


Trois ans, que je suis dans la même boîte.
Trois ans, vous vous rendez compte !
Non, vous pouvez pas vous rendre compte.
Pour savoir ce qu’il en est, il faut que je vous l’explique.
Le jour de mon embauche dans cette entreprise, c’est ma future chef qui m’a reçue dans son bureau. Un bureau genre administratif, froid et sympathique comme un hall de gendarmerie. C’est la secrétaire qui a tapé et ouvert la porte pour me faire entrer. Elle a refermé derrière moi et s’est éclipsée, sans rien dire, me laissant seule avec la chef qui, bien que prévenue par téléphone de mon arrivée, n’a pas bougé un cil. Histoire, sans doute, de me mettre à l’aise…
Elle avait des doigts gras, boudinés et des ongles pas nets. Des cheveux graisseux avec une raie tordue d’où partaient des mèches grises sur un centimètre et rouge brun ensuite. Son corps hyper-dodu débordait du fauteuil dans lequel elle était avachie. Ses fringues, elle avait dû les acheter d’occase ou les porter depuis plusieurs jours, tant elles étaient luisantes… Pour parler franchement, elle était tellement moche et faisait si peu chaud au cœur, la chef, que j’avais envie de prendre mes jambes à mon cou. Foutre le camp. Claquer la porte. Lui dire merde… Vous êtes trop moche. Vous avez l’air trop con. Je me casse.
Or, je n’ai pas bougé. Je suis restée là, plantée, comme une andouille, à attendre qu’elle veuille bien s’intéresser à mon cas. C’était drôlement lourd, l’atmosphère. Des tonnes, ça pesait. Sous le poids de cette chape, rien n’est sorti de ma bouche, pas même une toux discrète pour signaler ma présence. Au bout de longues minutes qui m’ont paru des plombes, ma délicieuse chef a fini par me tendre le contrat avec un stylo, comme ça, toujours sans me reluquer ni dire un mot. Du coup, j’ai oublié de dire merci et je me suis contentée de lire. En diago, bien sûr ; le langage administratif, c’est pas mon truc. J’y comprends rien. Et, quand, par hasard, un contrat se présente sous mes yeux – ce qui est hyper rare heureusement –, je lis vaguement et je signe, en espérant à chaque fois que je vais pas me faire entourlouper par quelque alinéa de merde. Ça m’est arrivé une fois pour une assurance, alors…
Cette fois-ci, même topo. Une vingtaine de pages, peu engageantes, avec plein de lignes minuscules numérotées en bas de page. À la fin, accroché avec un trombone, il y avait un truc supplémentaire, intitulé addendum . Le bla-bla était long, touffu… J’avais la flemme de lire toute cette paperasse. La seule chose que je voulais, c’était qu’on me file le boulot ! Je voulais en finir, débarrasser le plancher, prendre l’air… Avec sa tronche pas possible et son silence à couper au couteau, la bonne femme avait fini par me flanquer les foies… Je crois que j’aurais tout donné, à la seconde, pour être ailleurs. Une voix hyper faiblarde me soufflait : « Tu es folle ou quoi ? C’est quoi, cette boîte ? Faut poser des questions, te rancarder ! T’as en main un contrat que t’as même pas lu, tu vois que l’entreprise est détestable et la chef odieuse ! Et tu vas signer ce machin ? »
Oui, je suis folle, timbrée, déjantée ! Tout le monde le dit. C’est mon caractère. Ça vous est jamais arrivé, à vous, d’accepter un truc merdique sans moufter ? Eh bien moi, oui, des tas de fois. Et puis, la grosse, c’était plus fort que moi, je pouvais pas la piffer. Ça me tétanise, ce genre de nana, je perds mes moyens… C’est comme pour les exams. Limite, à chaque fois, j’ai failli mettre les voiles. Alors, oui, je l’ai signé ; et j’ai même paraphé chaque page de son torchon. Je manquais d’air. Il fallait que ça s’arrête. Y avait urgence.
Une fois sortie de son bureau craignos, j’ai repris ma respiration et mes esprits. Appuyée au mur de l’étage, loin du secrétariat, j’ai tout pigé. J’avais signé n’importe quoi sans avoir décodé une seule ligne. Une bourde débile de plus, faite les yeux fermés. Pourquoi elle m’avait paralysée, cette grosse daube ? Je vous le demande. C’était pourtant simple de poser les questions qui viennent à l’esprit de tout le monde. S’agit-il d’un CDD, d’un CDI ? Quelle est la durée du contrat ? Quand arrive-t-il à échéance ? Eh bien non, ce jour-là, j’ai rien dit. La seule présence de cette enflure a malaxé mon ciboulot en un tas de gélatine. À croire que ses sales pattes avaient transformé ma cervelle en tambouille. Ça m’énerve d’être comme ça. C’est un gros défaut. Souvent ça m’arrive. Je réagis avec un temps de retard. À contretemps, quoi. Parfois, j’arrive à rattraper le truc. Parfois, pas. Dans ces cas-là, non seulement je suis emmerdée, mais je culpabilise. Je m’en veux et je broie du noir.
Bon. Ce jour-là – allez savoir pourquoi –, alors que je suis en train de me tirer, vite fait, de l’entreprise, l’hôtesse d’accueil me balance – juste à moi, il n’y a personne d’autre dans le hall d’entrée – un grand sourire.
Bonne journée, elle dit.
Bonne journée, je réponds, surprise…
Elle est fondante, cette hôtesse, jolie, bienveillante, bien coiffée… Tout le contraire de l’autre thon. Je prends mon courage à deux mains et m’approche d’elle.
Je viens d’être embauchée.
Ah bon, félicitations !
Encouragée par son sourire, je lui dis :
Mais je comprends rien au contrat.
Ah, ça m’étonne pas, moi par contre, c’est mon job, les contrats.
Ah bon ? Et pourquoi vous êtes à l’accueil, alors ?
Il n’y a pas de poste correspondant à mes compétences, dans cette boîte. Vous voulez que je jette un œil sur le vôtre ?
Je sors le contrat de mon sac.
Voyons, elle dit.
Elle met ses lunettes et parcourt le document. Sagement, j’attends son diagnostic. Elle en connaît vraiment un bout, l’hôtesse. Après avoir tout étudié, elle me met au parfum :
Voilà, pour faire bref, vous êtes engagée pour remplacer un salarié en longue maladie. Comme on ne connaît pas la durée de son absence, vous pourrez être amenée, si la maladie dure, à signer des contrats successifs. Ce sont des CDD. Par contre, au retour du salarié, vous dégagerez sans espoir de récupérer la moindre prime de précarité.
Ah bon ? Et pourquoi ?
C’est un contrat d’usage et, dans ce cas, il n’y a pas de prime. C’est la loi.
Est-ce que j’aurai droit au chômage, au moins ?
En fin de contrat, on vous remettra une attestation pour faire valoir vos droits…
Bon. Elle est drôlement bien, cette fille. Avec elle, j’ai tout compris. Elle est tellement aimable qu’elle me propose de me faire visiter les locaux. Impossible de refuser. Elle range ses lunettes, s’empare d’une pancarte double-face qu’elle fait pivoter en un tour de main. Elle s’emmerde pas, la nana. Au recto, on peut lire son nom – Edmonde Dentret, elle s’appelle. Au verso de la pancarte, celui qu’elle affiche en son absence, y a écrit : « je suis en visite, je reviens dans dix minutes ».
On y va ? elle dit.
OK. On a le droit ?
Mais oui, et si on l’a pas, on le prend.
Moi, ça m’en bouche toujours un coin, les gens culottés. Et du culot, Edmonde n’en manque pas. Grâce à elle – j’en ai pas vu d’autres de cette trempe dans l’entreprise, elle a d’ailleurs été licenciée peu de temps après –, je prends connaissance des lieux. Elle explique très bien la topographie et l’empilement des étages de responsabilité. Je découvre les longs couloirs, les sept étages avec les portes numérotées. En fait, il y a huit étages en tout, si on compte le sous-sol. Comme son nom l’indique, cette standardiste prend la peine de vous apporter son aide. Et elle se montre douée pour vous faire saisir l’ambiance.
Comprenez bien qu’à partir du moment où vous êtes embauchée, vous devez connaître la philosophie de l’entreprise, son état d’esprit. Plus une personne est importante dans la hiérarchie, plus l’étage dans lequel elle est logée est élevé. Moi, ça m’énerve, mais quand vous savez ça, vous savez tout.
Bon. Moi, j’ai tout compris. Enfin l’atmosphère. Son laïus éclaire parfaitement la situation et a le mérite d’être franc. Ici, on sait d’emblée qu’on ne mélange jamais torchons et serviettes, et que les derniers ne seront jamais les premiers.
Après avoir éclairé ma lanterne, Edmonde continue à me faire visiter les lieux. D’abord le sous-sol. Pas de fenêtre et une chaleur d’enfer. Sauf l’hiver, où il fait un froid de gueux – dixit Edmonde. Les portes s’ouvrent et se ferment, laissant passer des courants d’air d’un autre monde ! Les pauvres magasiniers, ils sont pas gâtés. Le premier jour, j’ai bien senti que c’était dur. Il y a des jeunes, des vieux, des blancs, des jaunes

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