Un homme se lève
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Description

Le temps qui passe sur un corps laisse des marques et pourtant l'homme reste entier et humain si l'on peut dire.

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Publié le 24 janvier 2012
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Langue Français

Extrait

7 Heure. Le réveil sonne. Ce n’est pas tout à fait une sonnerie au sens ou l’on pourrait
l’entendre, disons plutôt un braillement continu. Sonner est malheureusement un verbe bien
trop doux pour désigner le son qu’émet cet objet de mauvais augure.
J’aurais du réellement installer une sonnerie informatique ou bureautique ressemblant au
tintement des cloches ou à la sirène d’un paquebot. Quand j’y pense j’aurais bien aimé être
réveillé par le timbre sucré de la voix d’une femme. Tout particulièrement celle nous
indiquant quelle voie prendre lorsque nous activons notre GPS. Une femme ayant le sens de
l’orientation, quelle ironie.
Arrêtons donc ce fantasme matinal et revenons donc à notre sonnerie. Du moins par sonnerie
je sous entends les sons émis par cet animateur de radio dont j’oublis toujours le nom.
Insupportables… Trop de mots, de rires, de cris, un homme beuglant, braillant ou vociférant
comme vous l’entendez vient cogner à ma tête dés le matin. J’attends tout simplement que le
bruit s’arrête. 7 Heure 5 minutes. Il cesse enfin.
C’est souvent à cet instant que mes sens reprennent le dessus. Je ressens le froid qui
m’entoure marquant le contraste avec la douce chaleur de la nuit. Cette tiédeur qui souvent va
de paire avec sueur… Une nuit agitée, encore une. L’érection matinale entre en jeux, cette
dernière du même ordre que le fantasme montre mon humanité. Je suis un homme. Mon
premier membre est en activité, je suis vivant.
Tous les matins j’ouvre les yeux. Sur une fissure. Celle qui vous coupe un plafond en deux
permettant à l’humidité de s’insinuer chez vous. C’est une fissure préoccupante, vraiment. Je
vais la boucher… Enfin je devrais la boucher…
Je crois que tous les matins après la même voix insupportable la même réflexion s’impose à
moi comme une évidence. Une fissure… Une fissure et une voix.
Généralement je replonge la tête dans l’oreiller en me disant que 5 minutes de plus ne me
retarderont pas. Je frotte mon visage contre le tissu essayant de retrouver la chaleur qui
m’envahissait quelques instants plus tôt.
Là à cet instant. C’est exactement à ce moment que je me souviens. Le souvenir me frappe
tous les matins telle ma conscience qui se réveille. J’aperçois les courbes d’une bouteille de
whisky, celle d’une de vin blanc. Il me semble. Je crois apercevoir d’autres cadavres
abandonnés sur le cadre de mon lit. Bien sûr le cendrier est plein et il règne une douce odeur.
Douce et enivrante, corsée et belliqueuse. Une odeur vous prenant à la gorge tel un agresseur.
Elle se fait violente. Dés le matin mes sens se trouvent pris au piège, ma conscience chuchote
et me pointe du doigt, un inconnu rit de moi. Une routine matinale.
Je tends mes muscles, craque mes os, gratte ma peau, étire et chauffe mes membres… Je
m’étends regardant fixement ma fissure… Je suis une machine usée, mal huilée, en fin de
course, abandonnée de ses ouvriers, mais qui se dresse.
J’entends un son. Un son qui ne m’appartient pas, pas plus qu’à l’animateur qui s’est tu
quelques instants plus tôt. Le souvenir revient encore plus fort. Une femme. Malheureusement
pour moi ce n’est pas celle du GPS. Constatons qu’en plus d’avoir le sens de l’orientation les
femmes savent aussi émettre les mêmes grognements masculins nous caractérisant. La belle
au dois dormant de notre enfance est partie bien loin. Un peu trop peut être. Une femme, de
l’alcool, de la fumée… Une matinée de débauché.
Sans jeter un regard à ma concubine d’un soir je lève les couvertures et émerge nu du lit. Une
machine usée… Oh miroir mon beau miroir renvoi moi mon image. Le corps est fripé,
retombant sur lui même, la peau est détendue, le ventre sort, les muscles tombent, les cheveux
grisonnent, les rides se forment, le regard est vide. Vide… Même mon sexe retombe à la vue
de cette image. Dépité.
Tu sais Lucy, au moment où je t’ai rencontré je ressemblais à cela. La vie m’était déjà passée
dessus alors que tu n’en étais qu’aux prémices de la tienne. Tu as ouvert tes grands yeux sur
ce corps, sur moi. Il est rare de voir une personne au plus profond d’elle même, de rompre
toute les barrières, toutes les façades que nous nous imposons, tous ces faux semblants et ces
paraîtres. Sincèrement je ne sais pas ce que j’ai vu à l’intérieur, peut être que cette question
t’est destinée, je sais simplement qu’il y avait quelque chose de profond … Tu as vu en moi,
en nous, tu nous connaissais juste avec un regard tu nous possédais.
Tu avais cette lumière qui m’avait quitté il y a bien longtemps, ce feux brulant qui te dévorait,
cette envie de donner à autrui ce que tu ne pouvais plus contenir en toi. Il fallait que tu laisses
cette chose se déverser, se rependre, sortir de ton corps, qu’elle s’insinue dans les fissures de
nos mauvaises constructions. Qu’elle nous prenne à la gorge et nous embrasse avec force,
transmettant ainsi toute la puissante qui était cristallisée en toi depuis trop longtemps.
Tu ne savais pas pourquoi, mais tu devais le faire, tu n’en pouvais plus. Ces yeux qui voyaient
au plus profond de moi me troublaient. Je devais petit, frêle, timide, j’avais honte, je cachais
mon corps comme un enfant surpris ou pudique. Je ne savais comment me comporter,
l’homme viril que j’aurais du être me semblait bien lointain. En effet tu ne connaissais pas ma
vie que je t’ai souvent gardée secrète, j’ai voulu te protéger, tu pensais que je te cachais toi,
que j’avais honte. Oh non mon dieu, je tremblais sous tes caresses, je perdais toute puissance.
Ce jour là tu as rompu ma monotonie. Fougueuse et insouciante jeunesse que je retrouvais sur
ton corps, sur ta douceur, ta peau lisse. Tes cheveux que j’agrippais, ton cou que je mordais,
tes seins que j’embrassais… Ma routine était si différente, les femmes d’un soir ou d’une nuit
se levaient doucement pour prendre leurs vêtements éparpillés un peu partout dans mon
appartement. Cherchant leurs chaussures ou leurs sous vêtements. Elles s’habillaient
rapidement, se coiffaient encore plus rapidement en s’aidant de la vitre teintée de ma
chambre. C’est après cet enchainement qu’elles ouvraient délicatement la porte pour partir,
me laissant utilisé dans les draps souillés. Je n’ai que très peu connu l’amour d’une femme
sans pour autant être seul un instant. Je courrais, je n’arrêtais pas…
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