Le combat impossible 1938-1944
200 pages
Français
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Description

A partir de notes prises chaque jour pendant la Deuxième Guerre mondiale, Jean-François Dreyfus décrit son existence de façon imagée, ce qui rend son "journal" infiniment vivant. Il mêle, au compte rendu d'événements factuels, mille petits détails de sa vie, en France durant la débâcle, en Espagne pendant son internement de six mois, à Alger dans le bourbier politique ou à Londres sous les bombardements.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2010
Nombre de lectures 117
EAN13 9782296263727
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

REMERCIEMENTS Ce « Combat impossible » n’a pu être rédigé que grâce à la confiance que m’ont accordée mes sœurs Lucile Dreyfus et Muriel Sizun en me laissant tous les documents retrouvés après le décès de nos parents. Ce texte a été l’objet de différentes interventions à divers moments de son élaboration. Aussi je tiens à remercier vivement tous ceux qui ont participé à ce « Combat impossible » : Tout d’abord, Lucile qui a patiemment dactylographié le journal de JeanFrançois sous sa dictée et qui en a été ainsi le premier maître d’œuvre. Puis, Lucile, Muriel, Dominique, Nicolas, Patrick, Marion, JeanFrançois et de nombreux amis qui ont tour à tour scanné ces pages dactylographiées, éclairci la généalogie familiale, complété la bibliographie, traduit quelques sentences et relu ce texte. Béatrice et Stéphane, particulièrement curieux et pointilleux, m’ont permis de préciser certains points. Je sais gré à Claudine Wellhoff, Ariadne Elisséeff et Maguy Albret pour leurs interventions jusqu’à la publication de ce texte. Mais cet ouvrage n’aurait pas eu la même ambition, ni sans doute la même structure, s’il n’était le fruit d’un travail commun, s’il ne s’était nourri de nombreuses discussions dont celles menées en toute complicité avec Danièle et Michel Gervais à Paris ou en Ardèche. J’ajoute que sans leurs chaleureux encouragements, j’aurais sûrement flanché en cours de route. Je suis également très reconnaissante à Laurent Douzou de l’intérêt éclairé qu’il a bien voulu m’apporter dans ma détermination à faire revivre cette période qu’il compare, avec tant de pertinence, àl’Outrenoirde Soulages.
PRÉFACE  Le présent ouvrage retrace le parcours tourmenté d’un homme qui, au cœur des années noires, consacra tous ses efforts à rester maître de son destin. JeanFrançois Dreyfus, auteur et personnage principal de ce récit, était typiquement ce qu’on appelait dans le langage de l’entredeuxguerres un israélite français se définissant, selon les critères exposés par Renée Poznanski, par son intégration au tissu social, une large imprégnation des valeurs fondamentales de son entourage immédiat, la conviction que la judéité relevait de l’intime. Cet avoué parisien commença vraiment son journal dans les affres de l’exode de juin 1940. Démobilisé fin juillet, il rentra à Paris. Il dut alors affronter une période extrêmement difficile, les politiques et persécutions antisémites de l’occupant et du régime de Vichy conjuguant leurs effets pour rendre la vie impossible et dangereuse aux Juifs. Brûlant de prendre part au combat, JeanFrançois Dreyfus franchit les Pyrénées en novembre 1942 et fut interné au camp de Miranda de Ebro. Libéré au bout de plusieurs mois, il arriva en Afrique du Nord et intégra le service du Blocus qui dépendait du Commissariat à l’Économie du Comité Français de la Libération Nationale. Bientôt admis à l’examen d’officier de liaison administrative pour accompagner les Alliés dans la métropole, il attendit un départ pour Londres qui n’intervint que le 26 juin 1944. Il rentra en France début octobre 1944. Eûtil souhaité qu’on exhumât de la malle où il l’avait enfoui son journal des années noires ? MarieClaire Cauvin est trop avisée pour apporter une réponse tranchée à cette question. Elle fait tout de même observer que son père s’était bien gardé de détruire ce témoignage, fort utile au demeurant pour une compréhension au ras de la quotidienneté de la période de la deuxième guerre mondiale. Le trait distinctif de l’ouvrage ici proposé au lecteur est d’être écrit à quatre mains. De la période de l’occupation au cours de laquelle il s’était pourtant engagé en prenant de grands risques, JeanFrançois Dreyfus ne parlait pas, ou peu, aux siens. C’est, comme souvent, après la mort de ses parents, que sa fille, Marie Claire Cauvin, a redécouvert le texte que son père avait laissé. Ce faisant, elle a dans le même temps retrouvé son père tel qu’elle le connaissait et rencontré une individualité assez éloignée de la
raideur qu’elle lui prêtait. MarieClaire Cauvin a eu à cœur de laisser entendre la voix de son père telle que le texte, vivant, alerte, précis, la fait résonner. Elle a aussi décidé de l’émonder des détails qui, selon ses dires, l’envahissaient parfois. Il en résulte, pardelà la mort et la séparation, un récit en canon où père et fille cheminent main dans la main. Cette harmonie improbable – alchimie entre le récit d’un acteur de l’histoire et la quête d’intelligibilité de sa fille qui met en œuvre ses compétences de chercheuse de profession est une belle réussite. L’itinéraire de JeanFrançois Dreyfus est remarquable par la détermination dont il témoigne. Voilà un homme bien inséré socialement, hautement éduqué, élevé dans l’idée qu’on devait montrer réserve et maîtrise dans sa vie, qui n’a pas hésité à couper les ponts pour prendre sa place au combat. Les étapes de son parcours disent une lutte menée pied à pied contre un antisémitisme promu au rang de priorité gouvernementale et, de ce fait, synonyme d’arrêt de mort. Mais le parcours de ce bon citoyen devenu rebelle dit aussi, comme l’écrit MarieClaire Cauvin, « la recherche vaine de combats impossibles ». Il est assez probable que JeanFrançois Dreyfus souffrit de cet état de fait. Si l’amertume affleure ici ou là dans les pages qu’il écrivit, ce qui frappe, en dernière analyse, c’est le sangfroid et la retenue de leur auteur. Le vaetvient entre macrohistoire et micro histoire, entre le récit du père et la mise en contexte de sa fille produit un texte qui, loin des clichés et des représentations convenues, permet de mieux comprendre la complexité et la dureté d’une période à tous égards exceptionnelle. Il faut savoir gré à MarieClaire Cauvin d’avoir préservé la voix singulière du témoignage de son honnête homme de père tout en l’éclairant de façon distanciée et sensible. La trajectoire de JeanFrançois Dreyfus, telle que l’acteur qu’il fut et sa fille la restituent ici, est précieuse pour quiconque tente de scruter « l’outrenoir », pour reprendre le néologisme du peintre Pierre Soulages, des années 19401944 : « Outrenoir : noir qui cessant de l’être devient émetteur de clarté, de lumière secrète. » Laurent Douzou Professeur des universités en histoire contemporaine Institut d’Étude Politique de Lyon
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LE COMBAT IMPOSSIBLE Il y a un temps pour vivre et un temps pour témoigner de vivre. (Camus, Noces) Un homme qui crie n’est pas un ours qui danse. (Aimé Césaire, Cahier d’un retour au pays natal) Car il n’est pas de salut sans une part de sacrifice; ni de liberté nationale qui puisse être pleine, si on n’a travaillé à la conquérir soimême. (Marc Bloch, L’étrange défaite) AvantPropos  Mon père, JeanFrançois Dreyfus, n’évoquait presque jamais son engagement contre les nazis durant la Deuxième Guerre mondiale. Cet ouvrage,Le combat impossible,constitue un témoignage de première main sur son itinéraire, celui d’un honnête homme pendant ces années de cendres. Il décrit avec fidélité, parfois avec humour, ce que pouvait être la vie quotidienne au milieu du chaos de 1938 à 1944.  1938, j’avais cinq ans. Je n’en ai aucun souvenir mais les notes familiales, les photos me permettent de me rendre compte combien mes parents nouaient des liens très forts avec les différents membres de leur famille. Ces liens nous amènent une première fois à quitter Paris pour nous réfugier en Gironde, lors de l'invasion de la Tchécoslovaquie par Hitler.  19391940, de nouveau pour moi la Gironde, Arcachon, les jeux avec mes cousins, l’école où ma grandmère venait me chercher, la librairie où ma mère travaillait. J’avais 6 ans. Mais quels souvenirs de mon père ? Rien. Pourtant, il tient déjà
minutieusement le journal de son exode, lui, le sousofficier de cavalerie partant de Paris avec les chevaux de son régiment vers le sudouest de la France. Il souligne l'absurdité de la situation, et page après page, on croirait suivre un véritable film.  Automne 19401942, les écritsde mon père m’étonnent. L’attitude de mes parents retournant à Paris me stupéfie tant ils sont persuadés qu’à eux, Français, républicains et laïcs dans l’âme, rien ne peut arriver. Leur judéité relève de l’intime. Pourtant les lois et ordonnances de Vichy tombent, l’étude d’avoué de mon père est atteinte. Années de peur, hiver 41 glacial, le poêle ronfle avec difficultédans la pièce où on se calfeutre, rue de l’Université à Paris, les couches de ma sœur sèchent péniblement, les problèmes scolaires, le port de l’étoile jaune, l’appartement qu’il faut fuir, l’arrivée en zone libre… On s’échappe grâce aux trèsnombreuses interventions d’amis, de proches, de voisins. Merveilleuse entraide.  19421944, je suis ballottée entre Lyon et l’Auvergne, deux changements d’identité successifs, le lycée, « Maréchal nous voilà » qu’il faut chanter, les gâteaux vitaminés, l’huile de foie de morue qu’il faut avaler. Pas d’angoisse viscérale grâce, là encore, aux chaleureuses marques d’affection de cousins ou d’amis, mais une grande tristesse… Les souvenirs s’estompent, sans doute inconsciemment effacés pour m'en protéger. Absence de mon père.  Après la guerre, à peine, de loin en loin, faisaitil quelques allusions à son incarcération au camp de Miranda en Espagne, où Franco rassemblait les hommes qui, comme lui, avaient réussi à s’évader de France. Il ne parlait presque jamais du séjour forcé qu’il fit à Alger avant de parvenir à Londres, son objectif initial. Ses paroles alors n’étaient ni très précises ni très claires. Pourtant, dans les années 1960, il avait éprouvé le besoin de revenir sur cette période noire. Il entreprit de dicter à l’une de mes sœurs un texte élaboré à partir de l’incroyable quantité de notes qu’il avait prises au jour le jour, sur des feuilles de papier, des pages de livres ou encore au verso de photos qu’il gardait sur lui. Son propos était sans doute d’en faire un journal de guerre. Mais il ne mena pas cet effort à son terme.
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