Semblables à des Corbeaux
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Nouvelle policière

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Publié le 21 décembre 2011
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Langue Français

Extrait

SEMBLABLES A DES CORBEAUX
L’homme se tenait debout alors qu’elle dormait paisiblement, le souffle régulier, un sourire sur ses lèvres. Il écarta quelques mèches venant la gêner, dessina le contour de son visage : « Couteau, Ficelle, Clous, Gants ». L’homme avait tout ce dont il aurait besoin. Il avait revêtu à son accoutumé, un costume trois pièces, classique acheté sur Oxford Street. Il déposa un baiser sur le front de la vénitienne et s’apaisa à ce contact familier, en pensant que c’était la dernière fois qu’il devrait s’éloigner d’elle. Il s’en alla lorsque la blonde ouvrit les paupières. La porte ayant claquée, elle les referma aussitôt, le cœur léger sachant qu’à son réveil, tout serait fini. La boucle serait bouclée….
Un brigadier de police attendait le lieutenant devant la gare, et avant même de le saluer, le lieutenant lui tendit la feuille de renseignements qu’il avait rempli en hâte dans le train car étant parti précipitamment, il avait oublié la quasi-totalité du nécessaire qu’il devait emporter avec lui. -Donc, vous êtes le lieutenant de la brigade criminelle de Londres : Abraham Owards. Un mètre quatre-vingt-trois. Vous êtes grand ! Soixante-seize kilos de… Passons ! Vous avez trente-sept ans, brun, yeux noirs, peau clair et vous possédez un grain de beauté au niveau de votre arcade sourcilière droite. Nous allons vérifier tout cela je vous prie, mais au commissariat.
-D’accord. Excusez-moi du retard, mais le train eu un léger problème lors du trajet. Expliqua Owards, qui tendit la main pour saluer son collègue. -Vous êtes pardonnés ! S’exclama le policier. Je me présente : James McAvoy. Et au Kent, on ne se sert pas la main mais on se fait la bise. Allez, grimpez vite ! Il va bientôt pleuvoir et je déteste conduire sous la pluie. Abraham Owards était un homme qui malgré sa grande taille, restait chétif. Le brigadier l’avait remarqué et le lui avait clairement montré. Il ne faisait quasiment plus de sport mais il fut un temps, où on ne le remarquait que par son imposante musculature. Mais les humains changent, et le jour où Abraham apprit que sa femme s’était donné la mort, son corps s’abandonna et son esprit se développa. Il était originaire de Kent mais néanmoins, lorsqu’on lui demandait le nom de sa ville natale, il se contentait de hausser les épaules. Abraham n’avait plus de repère. Son style vestimentaire était plus que négligé, sa personnalité devint vaporeuse et incertaine, il pensait, chose nouvelle pour lui, il avait des craintes, il rêvait. Le lieutenant avait changé… La veille au soir, il avait reçu un coup de fil alarmant de Derrick, un ancien ami de l’école de Police de Kent. Une triste histoire. Neuf morts. Assassinés sauvagement. Une mise en scène morbide laissant apparaître la folie et la cruauté sans limite de l’assassin. Une affaire qui laissait toute l’Angleterre perplexe. Tout sauf Abraham car au moment où il ouvre un dossier, son corps est parcouru par de violents frissons, le brouillard devant ses yeux se dissipe et Owards Abraham revit. Le lieutenant n’attendait que cela : voir des clichés d’horreurs, des corps déchiquetés, des familles déchirées, des larmes coulées. Il voulait voir la souffrance, la palper, la frôler, la contempler, la surveiller. Perdu dans ses pensées, le lieutenant n’entendit pas tout de suite les nombreux appels du brigadier qui voulait lui signaler qu’ils étaient arrivés : -Lieutenant Owards ? Lieutenant ! Nous sommes arrivés ! Beugla le brigadier. -Ah …Oui ! Hésita Owards. Le lieutenant se présenta à l’accueil du commissariat principal de police de Kent et attendu que le Shérif Derrick vienne le chercher. Le bâtiment n’était pas très grand, et les pièces mal insonorisées, si bien qu’Owards pouvait facilement écouter la conversation entre deux brigadiers assis au bureau qui lui faisait face. Ils avaient décidés de parler « Foot » au lieu de parler de ces neuf corps qui attendaient que justice soit faite. La porte du bureau du Shérif s’ouvrit et un couple âgé de la cinquantaine en sortit, les traits déformés par une déchirante tristesse qui traduisait leur immense rage. -Les parents d’une des neuf victimes… Murmura Owards croisant le regard fou de la mère. -Les parents d’Aphrodite Leroy. Expliqua aussitôt Derrick, en voyant l’expression soucieuse de son ami d’enfance. -Stefan ! Salua Owards. -Abraham ! Salua le Shérif derechef. Cela fait si longtemps que je ne t’ai pas vu. Mais je voudrais surtout m’excuser de ne pas avoir pu venir lors de l’enterrement d’Esmée. Tu sais comment nous sommes ici, on …. -Déteste sortir le nez de sa ville, coupa le lieutenant. Je sais. Pouvons-nous passez directement à l’affaire ?
Derrick lui fit signe de le suivre dans son bureau, referma ensuite la porte et l’invita à s’assoir.
-Je voudrais juste prévenir : lorsqu’on m’appelle pour s’occuper d’une affaire non-résolue, j’ai coutume de prendre le dossier avec moi, le premier jour et de le lire chez moi … Donc ce soir, le dossier vient avec moi ! Précisa Owards.
-Tu as bien changé ! Soit, tu l’auras. Un café pour commencer ? Proposa le Shérif, conscient d’avoir irrité son collègue en parlant de la mort de sa femme. . -Je veux bien merci ! Répondit-il Stefan se rendit à la machine à café qui se trouvait dans le Pub d’en face, puisque celle du commissariat était en panne. Pendant ce temps, Owards inspecta discrètement le bureau de son coéquipier et remarqua un désordre qui laissait entendre qu’il était complètement dépassé par l’affaire. Penché sur le dossier que Stefan avait mis en premier sur une haute pile, il lut « l’affaire des Corbeaux ». Etrange… Owards avança sa main pour attraper le dossier mais il entendit des pas pressants et se ravisa. Il se rassit et la porte s’ouvrit à la volée : -Et un café décaféiné ! Un ! S’exclama Stefan, sur de connaître les goûts de son ami. -Je déteste. Rétorqua aussitôt le lieutenant. -Ah… Derrick ne savait plus quoi répondre et un lourd silence, aussi violent que froid s’installa entre les deux hommes. Owards avait beau avoir l’air d’être un homme « blasé », perdu constamment dans ses pensées, en intense réflexion à chaque instant, il pouvait se révéler très perspicace. Il posa son regard vert sur le dossier, ce qui ne laissa pas le shérif indifférent qui le saisit et l’ouvrit. Derrick commença à ouvrir sa bouche pour lire le rapport inachevé de l’enquête lorsqu’Owards le devança : -Pourquoi l’affaire des Corbeaux ? Interrogea –t-il, en se penchant en avant pour entendre le plus d’informations. -Au début, nous appelions cette affaire, « La disparition des neuf » mais lorsque nous les avons retrouvés, ce n’est pas grâce à une informatrice ni à une erreur de la part du ravisseur. Loin de là…, répondit Stefan. Ce sont les corbeaux qui nous ont aidés… -Les corbeaux ? Comment ? Pourquoi ? -Nous nagions dans le flou. Aucun indice ne pouvait nous communiquer le lieu où les neuf victimes étaient ! Nous n’étions même pas sûrs qu’il y ait un lien entre eux. La seule chose qui pouvait nous l’indiquer était la fausse piste que le ravisseur avait voulu que nous suivions : celle du suicide. Les neuf victimes avaient laissés une lettre expliquant le motif de leurs suicides. La première victime qui a été enlevé s’appelait Kaname Kura : un homme d’origine japonaise, âgé de vingt-trois ans qui travaillait dans un supermarché, le soir pour payer ses études de droit. Son dossier est vierge. Aucun antécédent criminel. Il habitait à Édimbourg, avec sa petite amie qui fait son deuil chez ses parents au Texas. Un homme tranquille, très discret. Sa soi-disant lettre de suicide date du huit Septembre. Et le lendemain, il n’est pas venu en cours et a raté son rendez-vous pour un entretien d’embauche chez un célèbre cabinet d’avocat. Beaucoup de ses amis ont pensé qu’il allait réapparaitre alors, ils n’ont signalé sa disparition qu’une semaine après. -Connaissez-vous le lieu où il s’est fait enlever ? -J’y viens ! Après avoir constaté sa disparition, nous avons ouvert une enquête et nous avons passé un message à la télé tous les jours à vingt-deux heures. Nous n’avions pas assez d’argent pour avoir un autre créneau. Mais nous avons eu de la chance car une vieille femme a reconnu Kaname Kura et est venue faire sa déposition chez nos collègues d’Edimbourg. Elle avait remarqué que l’homme prenait comme elle, tous les matins le métro à six heures et vingt-sept minutes. Mais quelques jours avant sa disparition, elle avait remarqué une femme qui fixait constamment Kaname Kura… Mais ce qui l’a perturbé est l’accoutrement de la femme : elle portait chaque jour un tailleur marin, des chaussures à talons vertigineux et un manteau à capuche, qu’elle n’enlevait jamais.
-Est-ce que le témoin se souvient du visage de cette femme ? Et les caméras de surveillance ? -La femme prenait soin de se mettre dans les angles morts et de ne jamais enlever sa capuche. -Intelligente… -La deuxième victime s’appelait Janet Booth. Dix-sept ans. Londonienne. Adepte des soirées et de la drogue. Un casier judicaire assez rempli : vols à l’étalage, prise en possession de cannabis, taux d’alcoolémie très en dessus de l’autorisé à chaque test. Mais en soit, elle n’était pas une criminelle. Elle était plus influencée. Sa lettre de suicide date du dix-huit Septembre. Ce sont ses parents qui ont prévenu la police, trois jours après qu’elle n’est plus donnée de nouvelles. Elle découchait souvent donc pour ses parents, c’était normal qu’ils ne la voient pas chaque soir, mais ils ont réellement commencé à s’inquiéter lorsque ses amies ont cherché après elle. -Un témoin quelconque ? -Non aucun, mise à part une lettre qu’elle aurait reçu le treize janvier. Une lettre que Kaname Kura a aussi reçue cette date-là… -Kaname Kura a aussi reçu une lettre ? Et c’est maintenant que tu me le dis ? Abraham continua de noter d’une écriture très rapide et illisible, des informations et barrait et soulignait et écrivait. Ainsi, les deux premières victimes avaient reçu une lettre le même jour. -Oui, pour moi qui ai lu ce dossier des centaines de fois, je le connais par cœur alors forcément je n’arrive pas à tout t’expliquer. Je vais essayer de ne pas faire omission de ce genre de lien. Alors cette lettre était blanche, l’adresse était écrite à l’imprimante. Une seule empreinte au même endroit dans les deux enveloppes ainsi que dans toutes les autres que les neuf victimes ont reçu et avec pour toutes, le même message : « Festinatio justitiae est noverca infortunii ». C’est du latin mais pour l’instant, personne n’a réussi à déchiffrer ce message. Nos traducteurs nous ont dit que le message portait sur le malheur, la justice. -Du latin… Notre tueuse est donc très intelligente et a un réel dessein. -Terrifiant lorsque l’on sait comment il a tué ses victimes. Le soleil se couche et j’aimerais rentrer chez moi : ma femme est enceinte et a besoin d’aide. -Félicitation ! -Un garçon ! Je vais avoir un garçon ! Rajouta l’inspecteur qui n’avait pas remarqué l’indifférence de son coéquipier. -Félicitations… Troisième victime ? -Jason Armstrong. Cinq ans. Habitant de Belfast. Comme lettre de suicide, il a fait un dessin représentant sa mort : il se plantait un couteau dans le cœur. Jason c’est fait enlever à la célèbre fête foraine annuelle du vingt-huit Septembre. Il faisait le palais du rire… Il est entré mais n’est jamais ressortit… Ses parents ont tout de suite appelés la police de Belfast. Aucun témoin à part son meilleur ami qui dit avoir vu un fantôme qui n’avait rien d’artificiel. Nous avons pensé que l’assassin, s‘était déguisé mais la gérante de ce manège a affirmé et signé que la porte pour accéder à l’intérieur du manège et la seule par laquelle un adulte pouvait passer, était fermée à double tour et elle seule en avait la clé. -Lui aussi a reçu une lettre ? -Recevoir ne serait pas le mot exact : la lettre a été glissée dans son cartable. -Comment savez-vous que la lettre date du treize janvier alors ? -L’enfoiré a fait tamponner sa lettre et l’a récupérer par je ne sais quel moyen ! S’en prendre à un gosse de cinq ans ! Le tuer ! C’est un monstre ! -Ce n’est pas un saint.
-C’est la seule chose que tu trouves à dire ?! Il a coupé l’annuaire droit et gauche de chacune de ses victimes ! Leur à graver la lettre « J », sur leurs corps et les a ensuite attachés à des pieux ! -La première règle qu’on apprend à un policier est l’abstraction de tous sentiments qui pourraient nuire au bon déroulement de l’enquête. -Bon déroulement de l’enquête ?! Va le dire à d’autre ! Cela fait quatre mois qu’on nage en plein pacifique et ils croient tous qu’en appelant le célèbre Owards Abraham, l’assassin sera démasqué ! A présent, Stefan était debout, les poings serrés, complètement dépassé par les évènements. La colère et la rage qu’il avait dû contenir durant deux cent quarante jours refit surface et la dirigea contre la personne qui était la proche de lui. Abraham le regarda calmement et esquissa un sourire. -Pourquoi tu souris ? -Tu n’as pas changé Stefan ! Sauf sur un point : ta fierté a augmenté ! Déjà à l’époque, tu détestais faire appel à mon aide sur tout point. Tu préférais trimer que de m’appeler ! -Cette affaire nous met tous à bout. Je ne sais plus quoi faire. Et tu me connais, je déteste perdre la face devant mes collègues de bureau qui me côtoient tous les jours. Il n’y a que le brigadier McAvoy qui est au courant du « pourquoi » de ta présence. Pardon de m’être emporté… -Je crois que tu devrais rentrer te reposer. Quant à moi, je vais prendre le dossier et le ramener chez moi. -Chez toi ? La maison de tes parents ? -Oui, ils me l’ont légué à leur mort. Et j’ai demandé à une femme de ménage de la nettoyer pour mon séjour ici. Je déteste les hôtels ! -T’as des cafards chez toi ? -Non. Jamais eu! -Alors estime-toi heureux de ne pas avoir été obligé d’aller au seul Hôtel de Kent ! Tu l’as échappée belle ! Owards se leva, prit le dossier sous son aisselle, plaça entre ses pieds le carton avec à l’intérieur les photos du meurtre, les pièces à conviction et tendit la main à son coéquipier : -Excuse-moi, mais à partir de demain, tu ne me verras guère. Pour accepter de reprendre cette enquête, j’ai donné comme condition de travailler seul. Tu t’en rappelle. Je t’appellerai sûrement lorsque j’aurai des analyses à faire faire rapidement ou des questions sur l’enquête. Merci en tout cas de m’accorder ta confiance ! -Fais comme tu le sens mais je te le demande au nom de notre amitié : Coince ce fumier ! -Je l’aurai, si Dieu le veut. Abraham quitta le bureau de son collègue et héla un taxi qui l’emmena chez lui. Son quartier avait changé. Son dernier souvenir du Kent était de dix-neuf années. Dix-neuf longues années pendant lesquelles il n’avait jamais plus posé les pieds sur ce sol et n’avait pas respiré cet air, imprégné de l’odeur des Pins, de l’odeur de la nature. En réalité, Abraham haïssait ce compté, mais plus exactement cette partie de sa vie qui lui rappelait douloureusement sa rencontre avec Esmée. Toutes les maisons du quartier qui n’en comptait que sept, semblaient toutes habitées. Le véhicule s’arrêta devant une vieille bâtisse, style baroque. Elle s’engagea dans un chemin en demi-cercle, bordé de roses. Le lieutenant donna ce qu’il avait comme monnaie dans sa poche, prit ses bagages et observa l’entrée, hésitant à entrer. Rien n’avait changé en fin de
compte. Il passa la clé dans la serrure, la tourna, actionna le mécanisme d’ouverture et s’introduit dans la maison. Comme prévu, une senteur de propreté enivra le maniaque qu’était Abraham. Il monta à l’étage et déposa ses affaires tout en ayant laissé au préalable, le carton et le dossier dans le salon. La froideur de Décembre se laissa peu ressentir mais en grand frileux, il alluma un feu de cheminée et jeta un coup d’œil par la fenêtre. Il remarqua que la maison qui se trouvait à l’autre bout de son quartier avait trouvé un occupant et grâce à sa très bonne vue, il remarqua que dans le salon de celle-ci, un magnifique sapin de noël trônait.
Depuis quand n’ai-je pas fêté noël ? Depuis quand n’ai-je pas décoré de sapin de noël ? Depuis sa mort. Esmée… Pensa l’homme qui nostalgique, se laissa envahir par des souvenirs qui oppressèrent un peu plus son cœur.
Devant son assiette de pâtes, Abraham n’arrivait pas à se concentrer. Pas tant qu’il ne connaitrait pas les noms des six autres victimes. Ils connaissaient déjà Jason, Kaname et Janet. Les autres n’avaient pas eu le temps de se présenter. Il jeta ses pâtes qu’il jugea d’infecte pour se donner bonne conscience. Il fonça vers le salon et s’installa sur le canapé mais quelque chose le tracassa. Abraham enjamba les escaliers, n’enfila en vitesse qu’un caleçon plus large et se retrouva torse nu, en position indienne sur le canapé de son salon. Tout était à son honneur de maintenant, lire et se remplir d’interrogatoires, de photos, de dépositions et de rapports d’enquêtes inachevés. Il éparpilla sur le sol toutes les photos, puis posa sur ses côtes, les autres documents et laissa en dernier le dossier qu’il cala, ouvert entre ses cuisses. Tout était là, devant lui, et son cœur battait si fort qu’Abraham avait l’impression qu’il allait sortir de sa poitrine. Il prit la fiche résumé correspondant à la quatrième victime et il dit à voix haute comme si il faisait la lecture pour d’autres personnes : -Aymeric Villé. Agé de quinze ans. Très bon élève. Populaire chez les filles. Réputé pour une très grande maturité. Sa lettre de suicide date du huit octobre et sa disparition a été signalée par sa mère qui l’a faite le lendemain. A aussi reçu la lettre dont le cachet de la poste date du treize janvier. Aucun témoin. Il nota sur un postit quelques notes en vrac qu’il colla sur le bord de sa cheminée, là où la famille Owards accrochaient leurs chaussettes, jadis. Abraham prit la fiche de la cinquième victime : -Verity Devilles. Deux mois. C’est fait enlever pendant la nuit du huit octobre. Avait reçu une lettre à son nom car la mère l’avait déjà décidé avant le treize janvier.
Il fit un postit pour une victime. Les noms défilaient : Kaname Kura, puis Janet Booth, puis Jason Armstrong, puis Aymeric Villé, puis Verity Devilles, puis Dan Thomas, puis Lova Mercus, puis Guillaume Bordier et pour finir Enma Ai. Maintenant ils connaissaient toutes les victimes et devant lui, neuf postits étaient collés à la cheminée, neuf vies arrachées, neuf familles détruites. Le lieutenant passa un coup de fil à son bureau mais ne trouva personne : « Quand le chat n’est plus là, les souris dansent ! » Pensa ardemment le lieutenant. Le sommeil venait titiller son esprit et avant d’aller se coucher, il se promit de faire une conclusion de l’enquête sur les points communs des victimes et sur le portrait physique et psychologique de l’assassin. Il écrivit : -Points commun des victimes : Toutes âgées de deux mois à trente et un an. Toutes ont reçus une lettre avec un message assez étrange, datant du treize janvier. Toutes ou presque - mis à part le bébé de deux mois - ont écrites une lettre de suicide. Tous les dix jours. Toutes n’avaient aucune raison de disparaitre. -Témoins ou preuves : une vieille ayant vu une femme, élégante, cachant son visage grâce à sa capuche. Un enfant aurait vu une personne d’assez grande taille, portant une longue cape à capuche. L’empreinte digitale du pouce sur chaque enveloppe.
-Portrait physique de la présumé tueuse : un mètre soixante * soixante-dix / élégante/ maniaque (on peut le déduire par la propreté, la netteté de sa tenue et par le dessein de ses homicides. Son plan a l’air infaillible.) mince/ raffinée/ blonde (le témoin a remarqué qu’elle avait une peau très blanche et que les poils de ses bras étaient très clairs. Presque imperceptibles. Et Belle car étant fine, et étant une femme elle n’avait pas plus compté sur sa force pour enlever des hommes de trente ans. Elle devait être assez attirante pour pouvoir les isoler et les enlever. -Portrait psychologique : sûre d’elle/ calculatrice/ ingénieuse (très) / prévoyante/ sait se camoufler, se cacher, se dissimuler dans la foule/ a donc un visage commun. Il ne connaissait pas assez l’assassin mais il réussit à s’endormir en pensant que demain, lorsqu’il verra la scène de crime, il l’a comprendra un peu plus et taira sa soif de connaissance. Il éteignit la lumière… A l’aube, Abraham Owards se leva plus frais que jamais. Il enfila rapidement ce qui lui tombait sous la main. Il attendit sept heures pour appeler le laboratoire et demander après l’empreinte commune des neuf enveloppes. L’homme à l’accueil lui répondit qu’elle correspondait à une femme blonde mais qu’il ne pourra lui envoyer son portrait et les résultats qu’un peu plus tard. Abraham grogna et raccrocha. Il prit dans sa sacoche, le dossier de l’affaire des Corbeaux et glissa dans une pochette plastique - qui était occupée anciennement par les nombreux actes de divorce de sa mère - les photos des corps et de la scène du crime. Son téléphone sonna, ce qui le fit sursauter. Le répertoire d’Abraham n’avait qu’une seule catégorie : boulot. Pas d’amis. Pas de compagne. Plus de parents. Plus de famille.
-Abraham Owards j’écoute ! -Bonjour, c’est le brigadier McAvoy. Stefan m’a demandé de vous prévenir à propos de la scène de crime… -Oui et ? -Nous, à Kent, on est pas très riche et les salles d’autopsie sont trop petites pour accueillir neuf corps en même temps…Vous comprenez ? -J’ai bien peur que oui… Vous voulez dire, que les corps sont toujours là-bas ? -Oui, mais nous les avons recouverts de couvertures spéciales qui conservent les corps et les éventuelles preuves. -Les familles sont au courant ? -Non mais nous transporterons les corps dans l’après-midi. On les a découverts il y a tous justes deux jours. Donc normalement, elles ne seront jamais au courant ! Vous me suivez ? -Je dois me taire. J’ai compris ! -Donc voilà… -C’est tout ? -Euh… Oui. Désolé de vous avoir dérangé. -Au revoir. Abraham raccrocha sec. Il trépignait d’impatience de jouer à l’enquêteur. Il n’avait pas eu d’affaire aussi intéressante depuis des années. Mais c’était la première affaire, où il ressentait l’étrange sensation que l’assassin était tout près de lui. Qu’il pouvait le croiser à tout moment. Et cette sensation commençait sérieusement à l’étouffer. Il regarda sur la pendule dans l’entrée : sept heures cinquante-trois. Abraham partit grâce à la vieille Dodge Challenger RT quatre cent vingt-six Hémi datant des années soixante-dix, en direction des quais du Kent.
Garé à côté d’un véhicule de police, le lieutenant fouilla ses poches à la recherche d’une petite boîte métallique qui conservait des sortes de chewing-gum. Il commença à en mastiquer un et une chaleur envahit tous ses membres, il se laissa aller jusqu’à que le brigadier McAvoy frappe à sa vitre de porte. Abraham le regarda avec des yeux ronds avant de déverrouiller sa porte, d’en sortir et de le saluer. Mais quelque chose le tracassa, il remarqua dans le regard de James, une lueur qu’il lui semblait familière. Une lueur qu’il avait remarquée dans les yeux de son père lorsqu’il regardait sa mère. Une lueur qu’il avait remarquée dans le regard d’Esmée lorsqu’elle le regardait. Mais il ne savait plus la signification de cette lueur : cela faisait trop longtemps qu’il ne l’avait pas vu. En marchant jusqu’au hangar, le lieutenant ne fit pas la discussion, il se contenta d’observer à haute voix sous le regard attentif du brigadier : -Endroit isolé. Endroit très reculé. Endroit tranquille. Calme. Peu de fréquentations. Idéal pour cacher ses victimes. Odeur très forte de moisi. Forte concentration de corbeaux… De corbeaux ?? A Kent ? -Les corbeaux nous ont vachement aidés. Sans eux, on ne les aurait jamais retrouvés. A Kent ? Ils sont venus pour eux. Pas pour nos beaux yeux ! A votre avis, à quoi est dû cette odeur insoutenable ? Pourquoi les corbeaux viendraient ? -Oh mon dieu… -Heureusement, ils ne les ont pas touché ou même pire, dévorer ! Mais j’ai comme l’impression que tout est fait pour nous, comme si l’assassin, nous avait inclus dans son plan. -Toute conjecture est dressée sur un indice qui vous la confirme, vous l’appui. Pourquoi pensez-vous, qu’elle nous avait prévus ? -Suivez-moi, tout est à l’entrée… James augmenta sa vitesse de marche et ils se retrouvèrent devant une grande porte coulissante qui séparait le brigadier et le lieutenant, de neuf âmes bafouées et torturées. L’odeur devenait de plus en plus insoutenable si bien qu’Owards du couvrir son nez de son écharpe en laine pour pouvoir tenir. -Prêts ? -Quand il le faut ! La porte se coulissa sur le côté droit, et derrière la porte, dix-huit bâtonnets pendaient dans toute la longueur de l’entrée. Dix-huit bâtonnets qui pendaient à des fils pourpres. Intrigué, Owards s’avança et lorsqu’il approcha son visage à quelques centimètres des étrangetés, il comprit alors l’horrible vérité. Derrière lui, le brigadier était à croupis, dos au malheureux spectacle, la tête dans ses genoux et tentait en vain d’étouffer ses sanglots. Le lieutenant, avait les jambes qui tremblaient, sa vision qui se brouillait mais son cœur lui demandait d’aller plus loin. Il passa sous ses choses, dont ils ne savaient attribuer un quelconque surnom et entra dans le hangar et là, il comprit alors la monstrueuse affaire des corbeaux … Sur le coup, Owards aurait tout donné pour pouvoir fermer les yeux et oublier, ou au mieux, fermer les yeux et se réveiller dans son lit, à Londres. Mais son corps restait choqué par tant danimosité -Victimes accrochées. Bras écartés. Jambes repliées sur les côtés droits. Mares de sang en dessous de chaque corps laissant paraitre que les victimes se sont vidées de leurs sangs lorsqu’elles étaient accrochées sur les poteaux. Table en bois. Neuf couteaux. Empreinte d’un talon à aiguille dans une des mares de sang... Ce fut pour la première fois qu’Abraham Owards fit ses premières constatations sur une scène de crime, la voix tremblante et les larmes coulantes. Après que le lieutenant et le brigadier reprirent leurs esprits, le légiste arriva et conclut que la mort des neufs victimes datait de deux mois mais que grâce au climat et à la température très basse, les corps sont presque intacts. Un cortège de neuf brancards passèrent devant le lieutenant mais il l’arrêta et se jeta sur le plus
petit. Verity Devilles, un nouveau-né qui avait deux mois… Mort comme tous les autres. Les veines des poignets acérées, le corps troué, le visage défiguré. Les humains sont des créatures si tristes…
Le légiste s’en alla en emportant la table et toutes les possibles preuves, et Abraham enfila à son tour des gants en latex, inspira une bouffée d’air et entra à nouveau dans le hangar. Il inspecta les places qu’occupaient les corps. La tueuse les avait obligées à se couper les veines et à se couper la chair afin de former la lettre « J ». Elle était obsédée par la lettre « J » qui devait surement être la raison de tous ces meurtres. Le soleil tapait très fort, et le toit du hangar était fait en verre, alors le lieutenant chercha un endroit à l’ombre pour pouvoir écrire ses notes sans transpirer. Il trouva au fond du hangar, un coin d’ombre et commença à écrire lorsqu’une lumière aveuglante brouilla sa vision. Tout au bout du bâtiment, était un objet qui brillait. Il marcha lentement vers lui, s’accroupit et se pencha en avant et vit avec surprise un bouton de manchette. Il le prit au creux de sa paume et l’observa sous tous les angles : -Lourd. Argent. Blason représentant un serpent qui se mord la queue. Initiales. H et E et J… On les a !! Abraham plongea sa main dans la poche de son Trench et y attrapa un chewing-gum qu’il mâchouilla quelques minutes avant de courir vers James, en brandissant tel un trophée, le bouton de manchette. -Des initiales ! J’ai des initiales ! Et une empreinte de talons à aiguilles ! -Comment ? -J’ai trouvé dans un coin du hangar, un bouton de manchette où il y a les initiales de l’assassin. Quant à l’empreinte, on peut en conclure que la personne est bien une femme. Mais ils sont deux ! -Donc, on a deux tueurs. Un homme et une femme. -Une femme ne porte pas de boutons de manchettes. Je pense que l’empreinte sur les enveloppes appartient à la femme. Elle est trop petite pour être celle d’un homme. Le style d’écriture, la finesse et l’intelligence assez poussée correspond à l’attitude féminine. La perfection, l’élégance. Rien n’est laissé au hasard ! Neuf victimes, neuf meurtres ! Certes, mais personne ne s’est demandé comment une femme qui porte des talons aiguilles et des tailleurs peut tuer neuf personnes ! Le domaine intellectuel du meurtre correspond à la femme et tout le domaine physique correspond à l’homme ! C’est logique ! -Le lieutenant courut à sa voiture laissant James, la bouche ouverte et s’en alla dans un épais brouillard. Arrivé chez lui, il installa le logiciel officiel des forces internationales policières et put ainsi accéder à toutes les informations dont il aurait besoin. Quelque chose vibra dans la poche gauche de son pantalon, il se souvient alors qu’il avait emmené son portable avec lui : -Abraham Owards, j’écoute ! -Bonjour, c’est le laboratoire de Kent. -Vous avez mes résultats ? -Alors j’ai l’identité de la personne à qui appartient l’empreinte qui est, et je tiens à le préciser officiellement, la même pour chacune des enveloppes. Donc la personne s’appelle Holly Joruri -Elle est fichée car elle a porté plainte contre X pour coups et blessures. Elle habite deux rues des encolures dans le Kent à Folkestone.
-Merci beaucoup ! Le lieutenant décolla de son siège, attrapa son trench à la volée et composa le numéro de Stefan. Il lui demanda des renforts pour arrêter Holly Joruri. Stefan s’en chargea et Abraham se rendit au commissariat pour prendre la déposition d’un nouveau témoin en attendant l’arrivée d’Holly. Aux bureaux, une ambiance de fête s’installait progressivement. Tout le monde savait désormais que le lieutenant Abraham Owards enquêtait sur l’ affaire des Corbeaux. Cela avait été dit aux infos-télé. Il se dirigea vers son bureau temporaire et l’observa en faisant totale abstraction du nouveau témoin : -C’est vous le témoin ? -C’est vous Abraham Owards ? Le lieutenant resta choqué de voir qu’une femme qui devait avoir trente-cinq ans, pouvait être aussi belle. Il la regarda de la tête au pied, inspira et commença à écrire l’en-tête obligatoire d’une déposition. -Bonjour, je suis effectivement le lieutenant Abraham Owards et je vais me charger de prendre votre déposition. Il me semblerait que vous venez témoigner pour l’ affaire des Corbeaux, si je ne m’abuse … -C’est exact ! -Avant de commencer à vous poser vos questions, je vais d’abord vous demander quelques renseignements sur vous. -D’accord ! -Votre prénom ? Nom ? Date de naissance ? Age ? Adresse ? situation particulières : mariée, divorcée, veuve, enfants… ? -Je m’appelle Maria Florentin. Je suis nez le dix-huit octobre mille neuf cent soixante-seize. J’habite au quatorze rue Freiburg. Quant à ma situation est bien, je suis célibataire mais… Vous n’avez pas l’air de le marquer donc j’en conclus que cette information est pour vous et nous pour l’enquête si je ne m’abuse… La vérité était que le lieutenant n’écrivait pas aussi. Il lui fallait un temps pour trouver chaque touche. -Perspicace ? -Très ! -Qu’avez-vous vu, ou entendu qui aurait un rapport avec mon enquête ? -Verity Devilles, le bébé qui s’est fait …assassiner. Eh bien, je suis la voisine d’en face, des parents de la pauvre petite fille. Le couple Devilles est un couple sans histoire, très gentil, et qui ont eu des problèmes pour avoir des enfants. Après maintes tentatives, ils ont eu Verity mais j’ai prévenu Sharon. Je lui ai dit que se vanter de sa fille qui n’était pas encore née, pouvait apporter le mauvaise œil. Elle ne m’a pas cru bien sûr. Je sentais une présence malsaine qui rodait dans le quartier jusqu’ au jour où je l’ai aperçu ; la tueuse ! Le vent s’est levé et j’ai pu voir son visage. Elle portait une longue cape marine, avec une capuche. Une longue chaine était tressée avec ses cheveux plus blonds que le blé, et tout au bout un grelot. Elle épiait par la fenêtre du salon qui se trouve au rez-de -chaussée, Sharon qui pliait les vêtements de sa fille sur lesquels, elle avait brodé son prénom sur chacun d’entre eux. Elle était tellement belle que malgré le fait qu’elle espionnait ma voisine, je n’ai pas réussi à la héler ou à lui parler. On aurait cru que sa beauté n’appartenait pas à ce monde. Puis lorsqu’elle a remarqué que je l’observais, il me semble qu’elle a souri comme pour me défier. J’ai trouvé sa réaction assez étrange. Peut-être qu’elle voulait me montrer qu’elle n’avait pas peur. Ou peut-être qu’elle voulait me mettre en confiance. Mais je tiens à préciser qu’elle était assez loin donc je ne suis pas sure de ma vue.
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