Au café du poète maudit
230 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Au café du poète maudit , livre ebook

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230 pages
Français

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Description

A la fin des années cinquante, dans un pays ruiné par une guerre sans merci, une jeune fille d'un milieu modeste et paysan lutte pour se faire une place dans la société. La froideur et l'ironie de son nouvel entourage belgradois, ses problèmes familiaux, ses difficulté matérielle, ses doutes idéologiques à l'endroit du nouveau régime politique, son amour tenace pour un proscrit bien plus âgé qu'elle, s'entremêlent dans ce combat pour la vie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2011
Nombre de lectures 43
EAN13 9782296455801
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Au café du poète maudit
Zlata Zivadinovic


Au café du poète maudit

Roman


Traduit du serbe par l’auteur
Du même auteur :

Lubiotte , L’Harmattan, 2005


© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-54191-7
EAN : 9782296541917

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Comment ces noms se prononcent-ils ?

Bačina
Banja-Luka
Božidar
Božović
Brakus
Budva
Ćićevac
Ćuprija
Despotovac
Ðilas
Doboj
Dobričevo
Dorćol
Dragi
Dragiša
Držić
Dušanovac
Grabovac
Juca
Kalenić
Klet
Kolunđija
Kruševac
Ljubinka
Miljković
Moše
Niš
Nišava
Pantelić
Pijade
Prešeren
Prešernova
Prošek
Rajković
Rakovica
Ravanica
Saša
Senje
Slavija
Špricer
Stanić
Stradun
Šujica
Tašmajdan
Temnić
Terazije
Tomić
Topčider
Tucaković
Ujević
Voja
Vojkan
Vućković
Zavidovići

se prononce

Batchina
Banya-Louka
Bojidar
Bojovitch
Brakous
Boudva
Tchitchévatz
Tchoupriya
Despotovatz
Djilas
Doboye
Dobritchévo
Dortchol
Dragui
Draguicha
Derzitch
Douchanovatz
Grabovatz
Youtsa
Kalénitch
Klett
Koloundjiya
Krouchévatz
Lioubinka
Milkovitch
Moshé
Nish
Nishava
Pantélitch
Piyadé
Préchérenn
Préchernova
Prochek
Raïkovitch
Rakovitsa
Ravanitsa
Sacha
Ségné
Slaviya
Chpritzer
Stanitch
Stradoun
Chouïtsa
Tashmaïdan
Temnitch
Téraziyé
Tomitch
Toptchider
Toutsakovitch
Ouyévitch
Voïa
Voïkann
Voutchkovitch
Zavidovitchi
1.
En automne, la lumière du jour s’éteint vite. Le médecin est parti. Milisav est isolé dans sa chambre, gravement malade. Je me tiens là, près de lui, muette, ne sachant que dire ni faire, ressentant le poids de ma responsabilité. Par la fenêtre, j’observe la lune qui danse sur les toits voisins pendant que ses ombres caressent les cheveux de mon frère. Demain, tôt, il me faut avertir nos parents. Fatiguée et assoiffée, je tends la main vers la table.
Tu ne dois pas boire de mon verre ! – me prévient-il, à peine audible.
Secoué et touché, il continue :
Et pourtant, dans la famille, tout le monde boit des mêmes verres. Dans les champs, tous boivent à la même bouteille, essuyant tour à tour le goulot de leur manche souillée de boue et de sueur. Tu te rappelles comment Père a sculpté une courge, pratiqué une ouverture sur le côté, et percé deux trous au sommet pour y faire passer une cordelette, avant de la suspendre à la branche qui se penche sur la source. Tous les passants en profitent. Et, dans les fêtes, les convives se congratulent « à la tienne ! » en tétant à tour de rôle le bec du cruchon d’eau-de-vie, sans dommage apparent.
Ce n’est pas le moment de lui dire que, selon les récits de Mère, beaucoup de paysans pensent qu’être malade est une faiblesse et une honte. Ils cachent leur peine et ne cherchent du secours que quand il est déjà trop tard.
Reste jusqu’à ce que je m’endorme.
Ses paupières alourdies se referment. J’observe sa fatigue, et réfléchis. Je le revois à chaque instant de notre enfance, quand nous étions inséparables. J’aimerais n’avoir rien à me reprocher, l’ai-je blessé sans le savoir ? Les enfants font des bêtises innocemment. Peut-être, par étourderie, ai-je prononcé des mots qui lui ont fait mal ? Je suis troublée. Comment, d’un coup, rassembler toutes les mauvaises actions que j’ai commises, et m’agenouiller pour lui demander pardon ?

Le lendemain, pour la première fois de ma vie, je dois téléphoner. Au guichet, l’employé me dit :
Va t’asseoir, ton tour viendra. Je t’indiquerai la cabine où tu auras ta communication.
La salle est pleine de monde, il n’y a plus de place. Je suis morte de fatigue. Tous les regards pèsent sur moi, comme sur ordre. Je suis face à quelque chose d’inconnu. Dans l’attente, mes paumes sont moites,. En fait, je ne sais pas pourquoi j’ai peur, puisque tout le monde ici est tranquille.
Cabine 7, appel de Dobričevo – annonce l’employé derrière son comptoir.
J’entre et m’arrête, comme terrassée, devant une boîte de métal noir sur laquelle est accroché un téléphone. Par bonheur, un homme sortant de la cabine voisine s’approche, paternel, et me le place dans la main. Je le serre bien fort, comme s’il allait s’envoler. De l’autre bout du fil me parvient la voix de Père :
Allo, allo, Zlato, c’est toi ? Qu’est-il arrivé ?
Emportée, je crie à pleine gorge que Milisav est tombé malade.
Viens, Père, ta présence est indispensable. On demande ta signature pour l’hôpital et le traitement. Ils nous disent que nous sommes mineurs. Je t’en supplie, Père, viens. J’ai peur.
Calme-toi, ne t’inquiète pas, j’arrive demain matin.
Mes larmes de soulagement noient ses derniers mots. Je raccroche malaisément et affronte un mur d’yeux moqueurs. Une femme me demande :
Pourquoi cries-tu autant ? Tu nous as écorché les oreilles.
Ma bouche s’ouvre avec difficulté :
Pour qu’il m’entende !
Tous s’esclaffent. Ce n’est pas la première fois que les autres se rient de mon ignorance, de ce que je n’ai pas vécu. Mais chaque fois leurs rires me brûlent comme des braises.

Milisav est étonné de voir Père, et prononce tristement :
Suis-je donc si malade ?
Muets, impuissants, nous le regardons sans répondre, mais le cœur plein d’amour. J’étouffe ma douleur, et cherche des paroles de consolation avec lesquelles diluer la couleur rouge de la vérité sur le mouchoir bien serré dans la main de mon pauvre frère. Ses poumons saignent. La voiture l’emporte vers l’hôpital, tandis qu’il nous lance :
Je vous aime. Ne m’abandonnez pas.
Nous aussi, ne t’inquiète pas, nous viendrons sûrement demain.
Hélas, Père doit rentrer tout de suite.
Je me rends aux travaux pratiques, fatiguée, à court de sommeil, écrasée de pensées sur le moyen de consoler mon frère. Il me semblait que notre maladie ancienne était oubliée. Ni Père ni Mère n’aimaient ni ne voulaient que nous en parlions. Ne sachant comment m’y prendre, je n’osais briser ce silence funeste, et nous avons continué à souffrir. Le jour du départ avait été le plus difficile. J’avais tant bien que mal surmonté l’éloignement, alors que mon frère était arraché de la famille pour la première fois. Je me rappelle encore clairement combien il était apeuré, en route vers Kruševac, en me confiant sa détresse, jaune comme la cire des abeilles de Père. Pour le peu d’argent que Mère nous avait glissé entre les mains, dès notre arrivée, nous nous sommes risqués à acheter un billet de loterie. Je crois peu à ces choses-là. Mon frère hésitait et, bien évidemment, nous avons perdu notre mise. Il se plaignait tristement :
Il ne faut plus jouer mes chiffres. À moi, tout échappe. Je n’ai de chance en rien.
Il n’accepte pas, il ne veut pas croire qu’il est condamné à vivre loin de la famille. Je passe une nuit sans sommeil et, très tôt le matin, me voilà auprès de lui. Je remarque en lui une surprenante tranquillité. Il est libéré de la toux dérangeante qui le tourmentait. L’hôpital lui paraît être « un endroit formidable ».
Ici, il se passe toujours quelque chose, tout le monde est attentionné envers moi. La nourriture est extra, jamais je n’ai mangé autant de mets si savoureux, apportés sur un plateau spécialement pour moi. Et entre les repas, on me donne un fruit ou un gâteau.
C’est pour mieux supporter les médicaments, pensé-je en le regardant avec compassion. Je crois que l’hôpital est le seul lieu où nous sommes tous &

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