De la France
126 pages
Français

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De la France , livre ebook

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Description

Roman politique, Les chemins de terre nous plonge dans les sentiers des Pyrénées, où Hélène -institutrice en sabots- rejoint chaque jour son école pour enseigner la France à ses petits paysans. En "promeneur solitaire", le narrateur entreprend un pèlerinage parmi les grandes questions de notre temps : la fin de la France, la mondialisation, le partage des richesses, l'écologie, l'éducation, le renouveau spirituel... Ce roman s'inscrit dans une série, De la France, dont le prochain épisode abordera, à Paris, Les allées du Luxembourg.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2008
Nombre de lectures 63
EAN13 9782336264950
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2008 5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296062085
EAN : 9782296062085
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Dedicace I II III IV V VI À propos de l’auteur
De la France
Les chemins de terre

Jean-Luc Pujo
À Hélène
Quittez donc le village par une de ces routes et, dès que vous verrez un tout petit sentier, engagez-vous !
Sur le sentier de terre, vous marcherez, entre les arbres — chênes ou châtaigniers —.
Et si l’effort vous peine, regardez la vallée peu à peu s’éloigner ; des prés, écoutez les eaux claires et les sources chanter.
Et si vous persistez, un tout petit vent frais bruissant dans les feuillages répondra en écho à ces mots qui vous peinent : Quel est donc ce pays ? Quelle est donc cette terre ?

Et le petit vent frais : “C’est la France !”,
“La France !” ...
I
Souvent j’ai glissé de ce monde vers l’autre.
Angoissant aux premières minutes, puis lentement — la surprise passée — apaisant, salutaire, fortifiant même.
Il suffisait d’emprunter un de ces sentiers abandonnés pour pénétrer un monde extraordinaire, fabuleux, presque irréel ; plonger dans l’oubli...
À bien humer l’air, on pouvait même se dire : ça sent comme une odeur prononcée — non pas forte — mais prononcée, subtile presque — sûrement — : ça sent la France, la vieille France.


Ici, la terre, les arbres parlent de l’Homme. Ça sent la France, au détour de ces granges abandonnées, démolies — cité paysanne sacrifiée — où survivaient, cent ans à peine, des familles grosses de leur nombre.
La ronce et l’ortie, comme les arbres, ont poussé entre les quatre murs.
C’est un peu d’humanité arrachée, comme reniée...

Pourtant, ces lieux respirent l’Homme.
Je le sais, je le sens : il y eut ici autant d’amour que de haine ; d’espoir et de patience que de honte bue et de bassesse. Là, autant d’humanité que d’animalité...
Il y eut la vie, en somme !
À chaque pas, tout me revenait à l’esprit.
Il me suffisait de convoquer le temps passé ; toute cette marche, tous ces espoirs, tous ces combats.
Depuis la fin des temps — les grottes du magdalénien en témoignaient plus bas dans la vallée — l’Homme avait ici construit un monde. Il avait révélé peu à peu son humanité.
Ici, l’homme était devenu l’Homme.


À cette source — devenue fontaine — où coule un mince filet d’eau, combien de petits garçons ont éclaboussé des petites filles criardes ? Combien plus tard ont-ils volé un premier baiser ? Combien ont-ils écrasé leurs premières larmes ?
Que de joie, que de peine...
Dans ce silence assourdissant, la conscience inutile du temps me laissait immobile et muet.
Pourquoi l’Homme avait-il fui ce berceau naturel ?
La question prétentieuse était accusatrice.


Déjà, l’après-midi touchait à sa fin.
Du fond de la vallée, les cheminés — qu’enfant je croyais fabriques de nuages — libéraient leurs formes blanchâtres.
Qu’il était beau ce pays, paisible !
Combien les Hommes avaient-ils dû être heureux !

Là-bas, les troupeaux regagnaient à la hâte leur étable sous la férule toujours agitée des chiens.
Le flegme affiché du berger conjuguait avec harmonie et l’espace et le temps.
Rien, en cet instant, ne semblait pouvoir troubler cette quiétude.
Immuable, elle s’imposait maintenant à moi.
De ce spectacle, j’étais saisi comme d’éternité ; elle pénétrait au plus profond de mon âme.
Je me sentais — un instant — immortel.


Ce pays était le pays de mes ancêtres.
C’est dire que, les pieds dans la terre comme dans le passé, je guettais, à chaque instant, chaque signe de la nature, témoin subtil des racines de l’Homme, de mes racines.
Quoi ? Ne pouvais-je imaginer, un instant, croiser quelques vieux paysans ? Un soldat de 14 rentrant chez lui ?
La terre ne pouvait-elle pas me livrer cette histoire ? Mon histoire ?
II
Hélène avait grandi dans ces vallées ; elle les avait hantées des années encore, divulguant le savoir acquis à l’École normale.
Orpheline, elle avait ainsi appris à lire â des générations de paysans, qui gardaient une vénération respectueuse pour leur institutrice en sabots.


Chaque matin, comme en enfance, Hélène se levait tôt. Le matin froid ne devait, ne pouvait être un obstacle à l’accomplissement de sa mission civilisatrice : faire la classe !
Pour cela, Hélène quittait le hameau des Oustrigous, descendait au fond de la vallée, passait la rivière au pont d’Ales, puis reprenait le chemin menant au hameau de la Ruse ; là, elle bifurquait vers le bois du Taïl, plus haut encore, au-dessus de la Pourteille, elle reprenait le chemin du Picou de la Reille ; elle redescendait vers le hameau de Arac, au fond de la vallée, au pied des grands sommets du Pic des Trois Seigneurs, dont les chaînes de montagnes disparaissaient à l’horizon.

Là, une classe de 45 élèves l’attendait.


Jour après jour, habitée du devoir de transmettre et d’instruire, Hélène avait ainsi arpenté ces chemins.
Je devinais, à mon tour, les souffrances intimes qu’une vie — que la sienne — avait dû, chaque jour, magnifier, transcender.
Je pouvais maintenant découvrir combien ce dur chemin avait pu fournir de pensées et de rêves à cette infatigable militante, croisée d’une France en terre de conquête...
N’avait-elle deviné le doux secret du vent dans les feuillages ? Entendu le bruissement subtil des bois dans les futaies, les branches déchirées par les forces démiurges ?
Ces chants doux, inquiétants, ne célébraient-ils pas une nature humaine ?
Une jeune pucelle, bergère de troupeau, n’avait-elle pas ainsi entendu des voix lointaines lui parler de la France ?
Dans ce chemin chaque jour parcouru, Hélène avait pu connaître — je le savais maintenant — le secret de la passion.
Dans le doute, elle avait pu tenir ces chants pour le message exalté d’une mission mystique : instruire la France, pour bâtir un pays.


Le chemin était rude. La tâche chaque jour accomplie relevait de l’exploit que seule permettait la conviction profonde.
Dans les chemins de boue, combien de fois glissant dans cette terre sale, humide, n’a-t-elle dû évoquer son passé, notre histoire ?
La boue collait au sabot, les habits se déchiraient... Mais jamais Hélène n’aurait pu se plaindre.
Comme toute souffrance, la sienne devenait expiation, communion avec cette force qui l’habitait.
Elle devait alors penser à la boue de Verdun, à nos jeunes soldats survivant dans des tranchées humides...

Dans “ le fond tapissé d’une couche visqueuse d’où le pied se décolle à chaque pas avec bruit ”. L’on apercevait “des espèces d’ours qui pataugeaient (...) embroussaillés de barbes non taillées. ”

Elle devait alors penser à son père blessé, trop vite mort. À cet oncle enlevé par cette foutue guerre.
Cette terre se révélait, alors, comme lien consubstantiel avec tous ces hommes.

“Je prends ces fleurs... dans l’ombre où, tombés avec joie, vous frissonnez, pâles et nus, c’est à vous que je les envoie, Ô soldats, Ô morts inconnus... Le sol tout entier de la France nous sera désormais sacré ”.
Et si la tristesse, parfois, l’envahissait, elle affichait pourtant, à l’heure du découragement, une volonté irrésolue, une croyance absolue dans le progrès.

“J’accepte tout, pluie, boue, orage, mais que du ciel et de la terre l’idée du mouvement me revienne ; l’idée de rénovation ”.
Hélène sentait plus cette terre qu’elle ne la ressentait.
Elle semblait éprouver, comme les soldats de l’an II, comme le soldat Bricart, cette volonté farouche qui, à Valmy, renversa l’ennemi — chez elle tout symbolique — qui menaçait la France.

“ Ô soldat de l’an II ! Ô

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