ETRANGER CHEZ SOI
148 pages
Français

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ETRANGER CHEZ SOI , livre ebook

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148 pages
Français

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Description

"Nous n'allons quand même pas couper nos orteils pour trouver chaussure à notre pied ?" bredouilla-t-il. Sa voix éteinte susurrait, sans véritablement formuler une question. Ahakpala pensait vivre en dehors de ce monde importé, qui enchaîne les hommes avec ses promesses et ses illusions. Il croyait en des valeurs autres que l'argent. Mais, très vite, il comprit que son monde à lui n'existait plus.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2011
Nombre de lectures 104
EAN13 9782296713529
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Étranger chez soi
Encres Noires Collection dirigée par Maguy Albet et Emmanuelle MoysanDernières parutions N°345, Matondo KUBU TURE,Des trous dans le ciel, 2011. N°344, Adolphe PAKOUA,La République suppliciée, 2011. N°343, Jean René OVONO MENDAME,zombis de la capitale Les , 2011. N°342, Jean René OVONO MENDAME,La légende d’Ebamba, 2011. N°341, N’do CISSÉ,Les cure-dents de Tombouctou, 2011. N°340,Fantah Touré,Des nouvelles du sud, 2011. N°339, Harouna-Rachid LY,Les Contes de Demmbayal-L’Hyène et Bodiel-Le-Lièvre, 2010. N°338, Honorine NGOU,Afép, l’étrangleur-séducteur, 2010. N°337, Katia MOUNTHAULT,Le cri du fleuve, 2010. N°336, Hilaire SIKOUNMO,Au poteau, 2010. N°335, Léonard MESSI,Minta, 2010. N°334, Lottin WEKAPE,Je ne sifflerai pas deux fois, 2010. N°333, Aboubacar Eros SISSOKO,Suicide collectif. Roman, 2010. N°332, Aristote KAVUNGU,Une petite saison au Congo, 2009. N°331, François BINGONO BINGONO,Evu sorcier. Nouvelles,2009. N°330, Sa’ah François GUIMATSIA,Maghegha’a Temi ou le tourbillon sans fin, 2009. N°329, Georges MAVOUBA-SOKATE,De la bouche de ma mère, 2009. N°328, Sadjina NADJIADOUM Athanase,Djass, le destin unique, 2009. N°327, Brice Patrick NGABELLET,Le totem du roi, 2009. N°326, Myriam TADESSÉ,L’instant d’un regard, 2009. N°325, Masegabio NZANZU,Le jour de l’éternel. Chants et méditations, 2009. N°324, Marcel NOUAGO NJEUKAM,Poto-poto phénix, 2009. N°323, Abdi Ismaïl ABDI,Vents et semelles de sang, 2009. N°322, Marcel MANGWANDA,Le porte-parole du président, 2009. N°321, Matondo KUBU Turé,Vous êtes bien de ce pays. Un conte fou, 2009. N°320, Oumou Cathy BEYE,Dakar des insurgés, 2009. N°319, Kolyang Dina TAÏWE,Wanré le ressuscité, 2008. N°318, Auguy MAKEY,Gabao news. Nouvelles, 2008. N°317, Aurore COSTA,Perles de verre et cauris brisés,2008. N°316, Ouaga-Ballé DANAÏ,Pour qui souffle le Moutouki, 2008. N°315, Rachid HACHI,La couronne de Négus, 2008.
Komlan MORGAH
Étranger chez soi
© L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-13549-9 EAN : 9782296135499
Nos remerciements à Monsieur GBETO Kossi Souley, Enseignant Chercheur au Département de Lettres Modernes à l’Université de Lomé, pour sa contribution.
 CHAPITRE I L’objet scintillait sous le soleil d’aplomb, un couteau de boucher semblait-il, mais la lame, fortement incurvée vers le dos, était si pointue qu’elle fit penser à Ahakpala qu’elle servait à autre chose. Elle était aussi amincie par un aiguisage excessif, comme s’il y avait eu une volonté délibérée de réduire les dimensions pour avoir un instrument de précision. Plus que le métal, c’était la main qui le tenait qui effrayait Ahakpala, elle était crispée par une tension inhumaine, les parcours bleutés et sinueux des veines entortillaient l’avant-bras, tels des caractères d’une écriture primitive sur la manche d’un sabre sacré. Tout le bras faisait corps avec la lame et apparaissait comme le prolongement de celle-ci. La mémoire d’Ahakpala se déballa comme il arrive souvent aux victimes face à des dangers imparables. Il se présenta toutes sortes d’images, enfouies au tréfonds de sa conscience, des images qu’il aurait bien voulu oublier, des images qu’il aurait bien voulu garder et, si possible, emporter avec lui, dût cette rencontre avec le destin être les derniers instants de sa vie. Ahakpala se vit enfant, pétrifié devant son instituteur dont les fessées étaient les plus redoutables de cette petite école éloignée du village. Si tout autre personne levait en ces moments la verge corrective, il soutenait l’épreuve avec un certain courage, mais si c’était cet instituteur, austère et imprévisible, qui décidait de le châtier, pour des choses qu’il ne comprenait pas toujours, Ahakpala sentait la terre se dérober sous ses pas. C’est d’ailleurs ces punitions qui avaient blessé son corps aussi bien que son âme d’écolier qui finirent par l’éloigner très tôt des bancs d’école. Ahakpala se vit aussi avec elle, quelques jours plus tôt, ils étaient assis ensemble dans la nuit paisible, bavardant, écoutant aussi le silence des nues, la lune telle un guide familier leur tenait compagnie. Passés ces brefs moments d’évasion, Ahakpala se retrouva de nouveau face à son bourreau. Il se débattait de toutes forces mais ses membres, fermement retenus dans la vase gluante où ils
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gisaient, ne se mouvaient guère : la peur plus que l’argile les avait paralysés. Autour d’eux, il n’y avait aucun signe de vie, si ce n’est les épaules carrées du singulier fils d’Adam. L’homme s’était penché vers l’avant et arborait un sourire cynique qui découvrait des dents irrégulières et noires de terreur. Du fond de leurs orbites, les yeux aussi dardaient un feu sombre tandis que les bras, toujours tendus vers l’avant, continuaient de semer l’épouvante. Quand les doigts touchèrent enfin la ceinture de liane d’Ahakpala, celui-ci ressentit une froideur qui le gagnait des pieds à la tête, en même temps qu’elle lui dérobait son corps. Il ouvrit la bouche pour crier, mais aucun son ne sortit. C’est alors qu’Ahakpala se réveilla, haletant. Une chaleur mordillait le bout de sa main qui se trouva posée sur l’une des grosses pierres du foyer où reposait un tonneau contenant du vin, Ahakpala s’en voulut de n’avoir pas mis ses doigts dans la cendre brûlante, ce qui eût abrégé son cauchemar. Son corps était entièrement trempé de sueur quoiqu’une fraîcheur de cave régnât à l’intérieur de la cabane. D’un geste furtif, Ahakpala s’examina. Il était bien sûr indemne, mais les images de ce couteau menaçant et de cette main du fond des Enfers défaisant sa ceinture, étaient si claires dans sa tête qu’il se demanda si elles n’étaient pas réelles. Les derniers rayons du soleil s’irradiaient dans la brume du soir et berçaient la plaine avec leurs douces lueurs ; l’astre du jour s’est des plus majestueusement paré sur le pas de sa porte, et pour une des rares fois on pouvait le regarder en face sans cligner les yeux, il paraissait même parader aux cimes des kapokiers et desCailcédrats, tel un roi sorti de son château pour se laisser voir par le commun des mortels : c’est décembre avec ses ciels bleu argent et ses crépuscules dorés qui font douter le soleil. Ahakpala sifflota un air d’Akpèssè pour mettre de l’ordre dans ses idées ; non seulement le somme qu’il avait voulu faire en fin de journée lui a perdu du temps, mais encore il l’a empli d’une peur inhabituelle. Seul au milieu des champs, et à des kilomètres de Gada, il aurait bien aimé se passer de toutes prémonitions, même si elles sont engendrées par un rêve. Il prit une grosse gourde au fond de sa hutte puis descendit la petite colline sur laquelle était juché son abri de fortune.
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