Géhenne
266 pages
Français

Géhenne , livre ebook

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266 pages
Français

Description

"N'avance pas ! N'avance pas ! Ce malade va te tuer." Sans attendre, le journaliste s'était rué sur le grand corps chancelant, et tentait de le tirer en arrière. Farouche, Mohamed résistait : front baissé, il allait au-devant du fou furieux et d'un groupe de femmes déchaînées, derrière lesquelles apparaissaient des têtes masculines prêtes à se joindre à l'hallali. Mais Fatima, agrippée à ses basques, et le journaliste épouvanté, l'empêchèrent de s'offrir en holocauste à une vingtaine de chiens enragés. "Cela n'est pas normal, murmurait l'Etranger, qu'en l'an de grâce 2008, dans un pays avancé comme l'Algérie, de pareilles situations puissent être vécues, cela n'est pas normal."

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 juillet 2017
Nombre de lectures 1
EAN13 9782140042089
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

YannaDIMANE
Géhenne La spoliation
Roman
Géhenne
Lettres du monde Arabe
Géhenne La spoliation
Lettres du Monde arabe Fondée en 1981 par Marc Gontard, cette collection est consacrée à la littérature arabe contemporaine. Réservée à la prose, elle accueille des œuvres littéraires rédigées directement en langue française ou des traductions. Les œuvres poétiques relevant du domaine de la littérature arabe contemporaine sont publiées dans la collectionPoètes des cinq continentsle théâtre dans la collection et Théâtre des cinq continents. Derniers titres parus : Benchaar (Hamid),Le faux barrage, 2017. Farqzaid (Bouchta),Fragments de vie de rien. Les luttes d’un jeune Marocain, 2017. Magharfaoui (Khalil),Les épines des roses, 2017. Chali (Nasser),L’Apatride, 2016. Satour (Djamal),Ligne de fuite, 2016. Abdelmalki (Sidi Abdellah),Comme si un appel, 2016. Redouane (Najib),Le legs du père, 2016. Jmahri (Mustapha),Figues et châtiment. Nouvelles mazaganaises, 2016. Berrada Ababou (Touria),Le quarantième jour, 2016. Redouane (Najib),L’année de tous les apprentissages, 2015. Mebarki (Farid),Du couscous dans le biberon, 2015. Ces dix derniers titres de la collection sont classés par ordre chronologique en commençant par le plus récent. La liste complète des parutions, avec une courte présentation du contenu des ouvrages, peut être consultée sur le site www.harmattan.fr
Yanna DIMANE Géhenne La spoliation Roman
© L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-11155-1 EAN : 9782343111551
I. Rencontre avec Haïder Hammad, pigiste
Il faudra quand même y aller, dit Fatima sur un ton las. Je ne suis pas enthousiaste comme tu le prétends, mais notre présence là-bas est indispensable. Rien ne sera entrepris sans ta signature. J’en suis conscient, j’en suis conscient, murmura Mohamed. Il n’empêche, j’irai à reculons …
* * *
Le soleil déclinait lentement à lhorizon, et laissait sur les flancs de la moyenne montagne des traînées de gaz chaudes. Lété marquait son bref passage dune empreinte caniculaire, dautant plus redoutable que lair stagnant au fond du val encaissé ne se renouvelait ni la nuit, ni encore moins le jour. Depuis quelques semaines déjà, et plus encore aujourdhui, la température prenait à la gorge. Tout en transpiration, les idées embrouillées, Haïder, journaliste de son état, agita frénétiquement un éventail en palmettes tressées pour assécher la sueur qui coulait en filets intarissables sur son corps. Le procédé se révélait inefficace, car dès quil reposait son bras ankylosé, une nappe torride lenveloppait, et son souffle se raréfiait ; de nouveau, il lui fallait recourir au mode ancestral de ventilation qui, pour lheure, ne lui apportait quun bref répit. Des camarades de passage lui avaient suggéré linstallation soit dun ventilateur, soit dun climatiseur. Il en avait rejeté le principe dune
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simple dénégation de la tête : sa mère, revenant du bain, sétait assise trop près du système sophistiqué qui leur avait été vanté quelques semaines auparavant ; le résultat fut quelle mourut des suites dune pneumopathie dans des souffrances indignes, alors quil voyageait autour du monde pour son travail. Lorsquil revint, quil inspecta les coins et les recoins de la maison aux volets clos, quil se convainquit de la disparition de celle qui lavait tant chéri, il se jura quil naurait plus jamais recours à un tel procédé de rafraîchissement. Il avait été raillé, mais il tint bon, dautant que lendroit quil avait choisi pour vivre en France était plutôt connu pour ses rigueurs hivernales. Or, lété de cette année-là fut plus chaud quà lordinaire. La presse, et nombre de spécialistes en réchauffement climatique, avancèrent de fumeuses théories pour expliquer pourquoi, dun coup, la température frôlait les 38-40 degrés à certains moments de la journée. Il pensa être en mesure den supporter les effets en homme du Sud, et quil en remontrerait à ses camarades et collègues épisodiques de travail. Las, cela lui était de plus en plus insupportable, dautant plus insupportable que son corps sétait déshabitué des temps caniculaires que vivait son pays, là-bas, dans lhémisphère austral. Il reposa léventail sur le plateau du bureau, tourna le buste vers la fenêtre laissée ouverte, et eut une pensée qui le ranima. Il écrivait des articles politiques pour des journaux qui avaient apprécié son style direct, ses positions assez tranchées, et son désir sincère de faire comprendre au monde occidental le point de vue des pays en développement. Il était, comme lon dit dans le jargon du métier, freelance. Cette occupation ne lui rapportait pas beaucoup sur le plan financier, mais elle lui permettait de vivre sans contraintes éditoriales, dune part, et lui donnait la possibilité de voyager autour du monde doù il rapportait des témoignages intéressants,d’autre part.
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Il réfléchit quil avait omis de visiter les pays du Maghreb, pourtant proches, et quil lui fallait sen occuper pour, soit conforter certaines rumeurs qui couraient au sujet de la réalité de la démocratie dont se targuaient leurs dirigeantsdémocratie difficile à installer selon eux, mais jalonnée détapes constructives pour les peuples dans leur lente récupération dune identité bafouée dans le passé, soit au contraire rejoindre lavis de certaine presse occidentale pour dénigrer une démocratie de façade. "Il faut que jen sache davantage !" se dit-il. Il promena son regard au-delà des immeubles qui lui faisaient face, et sentit une goutte de sueur lui couler dans la prunelle. Il sappliqua aussitôt une compresse imbibée deau fraîche qui lui fit du bien : ses yeux ne supportaient pas le contact du liquide salé, et s:en irritaient facilement. Il pensa encore "Chaleur pour chaleur, sueur pour sueur, autant aller les affronter sur leur véritable terrain, celui de la sécheresse authentique. À moi le Maghreb !" Ayant dit, il se retrouva penaud, le front emperlé. Par quel pays commencerait-il ? Sa question resta en suspens, car il lui apparut urgent daller se doucher, ce quil avait fait plusieurs fois dans la journée sans quil en retirât le moindre bienfait. La sueur affleurait à la surface de son corps avec une abondance telle quil se crut atteint dune pathologie inconnue. « On parle bien de grippe aviaire, pourquoi pas de maladie de la suette ? Plus la science avance dans la connaissance des mécanismes biologiques, et plus la nature multiplie les avatars de santé. Comme un défi permanent de la nature aux hommes » Il retourna sous la douche, sadossa contre la paroi translucide, et actionna le jet : leau était froide, mais elle semblait tiédir dès quelle touchait sa peau. Il prit son temps, jusquà ce quil sentît un froid réel lui pénétrer les os. Il en ressortit, dégoulinant, ne sessuya pas. Nu, suivi de flaques deau, il sexposa à la fenêtre, et crut sentir un léger mieux-être.
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