La revanche. Souvenirs de Budapest
122 pages
Français

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La revanche. Souvenirs de Budapest , livre ebook

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122 pages
Français

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Description

Avec en toile de fond la ville de Budapest après la guerre et sous le stalinisme, l'auteur nous conte l'histoire de Marinka, personne aux multiples visages, à la fois frêle, triste, exaltée, amante soumise, intransigeante, faible, maladive. Cette autofiction analyse les mille facettes de notre moi qu'illumine tour à tour chaque nouveau face-à-face de personne à personne, dans lequel nous paraissons "inférieurs" ou supérieurs" selon des lignes de force mystérieuses car semblant prédéterminées.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2011
Nombre de lectures 33
EAN13 9782296472976
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Revanche
Lettres Danubiennes
Collection dirigée par Maguy Albet


Déjà paru


Miklos DALLOS, Souvenirs d’un monde disparu. Une vie hongroise avant et pendant la seconde guerre mondiale , 2011.
Margit KAFFKA, Couleurs et années , 2010.
Cornelia PETRESCU, Semper Stare , 2006.
Suzanne Horvath


La Revanche


Souvenirs de Budapest
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-55599-0
EAN : 9782296555990

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
"a vicious game which ends in murder, suicide or the courtroom"

(Eric Berne : Games people play )


But they are dead ! Those two are dead !
Their spirits are in heaven !
"Twas throwing words away, for still
The little maid would have her will
And said : Nay, we are seven."

(Wordsworth : We are seven )
Ce fut l’été, « l’immense été ». {1} Je volais avec ma petite Fiat 600 vers la ville voisine. J’avais les joues en feu, tout comme le soleil en train de se coucher. Deux fois de suite je m’étais trompée de route et je mis en cause les flèches du sens giratoire au lieu d’accuser ma propre excitation.
Léo, Léo ! David !
Maman ! Mimi nous fait signe de l’autre côté des rails !
Venez ! A la sortie !
Vous avez tous ces bagages ? Ils ne vont jamais rentrer dans le coffre !
Attendez Mimi, c’est moi qui conduirai, ça ne fait rien si la valise gêne la vision !
Les deux mètres de mon gendre s’engouffrent devant le volant. Je suis assise sur la banquette arrière entre les enfants « tissant des rêves heureux » {2} . J’ai tant attendu leur arrivée !
Maman, je vois déjà la maison, je l’ai reconnue ! Elle est là-haut, regarde !
Mais bien sûr tu l’as reconnue Léo, déjà l’année dernière tu as passé tes vacances ici. Un enfant de cinq ans se souvient déjà de tout. Ne vous trémoussez pas sans arrêt comme des écureuils en cage !
Mais Mimi, où est Kari ? Aucune lumière aux fenêtres, la porte est ouverte…
Il doit être dans le jardin, mais je ne comprends pas pourquoi il ne se précipite pas à notre rencontre, lui aussi vous a attendus avec tant d’impatience.
Les noires frondaisons hochent leur tête.
Quelqu’un s’extrait du fin fond du jardin et vogue vers nous avec une lenteur calculée.
Mais qu’est-ce qui se passe, pourquoi t’es-tu caché ?
Je dois… une très très triste nouvelle…
A propos de toi ?
Non.
Tes proches ?
Non. La tienne.
Pour l’amour de Dieu, pourquoi pleures-tu ? Qu’est-ce que c’est ? Tu sais bien que je n’ai qu’une seule parente.
Ta sœur.
Qu’est-ce qui lui arrive ? (encore ! pour me gâcher les vacances tant attendues avec les enfants, les baignades dans la mer, l’immense été !)
Elle s’est suicidée.
« Se rompt la parole, se brise la voix, se coupe le souffle. » {3}
Ce n’est pas possible… ce n’est pas possible… ce n’est pas possible…
Mais si. Mais si. Tout à l’heure Agi t’a appelée de Budapest. Rappelle-la !
Agi !
On l’a trouvée dans l’appartement au bout de quinze jours. Par terre. Les voisins ont appelé la police à cause de l’odeur. Mais elle n’est pas venue tout de suite. Elle a pris douze boîtes d’Eunoctine. Viens immédiatement !
I.
Kata ! Mon cœur, ma petite étoile, écoute maman, pose la poupée Peter ! Maman t’apportera bientôt une vraie poupée vivante qui saura pleurer et sera beaucoup plus intéressante que Peter, la poupée en caoutchouc !
(On l’appelait Peter. Les parents avaient attendu un garçon avant la naissance de Kata, c’était lui qui se serait appelé Peter).
Quand va venir la poupée pleureuse ? Comment va-t-elle s’appeler ?
Peter ou Maria. Elle arrivera bientôt, prenons patience d’ici-là.
En effet : elle devait arriver bientôt, ou plutôt elle n’aurait pas dû arriver du tout. En 1938, mettre un enfant au monde dans cette famille, à Budapest, était incontestablement une décision vraiment prise à la légère. Ce fut peut-être la raison pour laquelle on avait décidé de l’appeler précisément Maria : peut-être ce nom fut-il choisi pour conjurer le destin. Dans ce pays-là il était en soi prise de position, affichage d’opinions politiques, héritage légué.
Le voyageur sans bagages avait protesté contre sa propre arrivée. Le cordon ombilical s’était enroulé autour de son cou. Il naquit quand même.
Vois-tu Kata, elle est là, la poupée pleureuse ! Comme elle est adorable ! Attention, ne la touche pas !
Ilona, pourquoi ce bébé ne sourit-il pas ? Alors qu’il a déjà quatre mois ! Et il ne veut pas téter ! Il est maigre ! Il n’a presque pas de cheveux ! Quand on pense à Kata au même âge ! Elle était comme une rose, elle n’arrêtait pas de sourire, de rire, elle mangeait bien, n’est-ce pas mon trésor aux yeux bleus, je vais te manger, tes joues rebondies, miam-miam !
Laisse cet enfant, Erzsi ! Tu l’étouffes avec tes embrassades ! Viens Kata, regarde comme nous allons changer la poupée pleureuse !
Du toton, du tac, de l’huile, changer la poupée Kata !
D’accord mon trésor, je t’aiderai à changer aussi la tienne. Mais oui, je vais la sevrer. Le pédiatre l’a dit, ce n’est pas la peine de faire des efforts, puisqu’elle ne tète pas. Quand on pense que j’ai nourri Kata au sein pendant sept mois, et je ne peux pas le refaire avec elle !
Mais pourquoi ne rit-elle pas, pourquoi ne sourit-elle pas ? Serait-ce parce qu’elle sentirait l’air du temps ?

*

Lala lala lala lalaaaa…
Vous l’entendez ? Kata n’a que dix-neuf mois et déjà elle chante superbement l’air de Rigoletto – sauf que sa version est beaucoup plus gaie que l’original de l’infortuné Rigoletto. Elle retient immédiatement tout ce qu’on lui chante ! « Il y eut une fois un pianiste maigre et pâle, violettes, violettes c’est mon péché, la nuit en haut de l’impériale te souviens-tu mon amour… »
Hélas, Marinka n’a pas l’oreille musicale. Sur ce plan elle ressemble à son père. De toute façon, elle relève tout à fait de la race des Gold ! Regarde comme ses sourcils sont épais et rapprochés ! Sa peau est mate, pas comme celle d’Ilona ou de Kata. Ces gens de Miskolc, on le sait, sont venus de Galicie, mais le grand-père fréquentait une synagogue sépharade, qui sait quel sang oriental coule dans leurs veines, c’est pourquoi ils ont la peau mate.
Mais ma chère Irén, Olga a également la peau mate et pourtant grand-mère est originaire de Ratisbonne. Laisse tomber ces distinctions ! Si Jozsi les entendait… il te considère déjà comme le chef de ma famille et son porte-parole. Et nicht vor dem Kind !
Kata, komm her, goldene Puppe !
Grand-mère pourquoi elle ne parle pas hongrois ?
Parce qu’elle est allemande. Elle est venue d’Allemagne, enfin d’Autriche, pour se marier avec ton grand-père. Mais pauvre papa est mort depuis longtemps.
Tante Irén, où est ton mari ? Tante Erzsi en a, tante Olga en a aussi, mais où est le tien ?
Il a été emporté par le vent. Ça ne fait rien, viens Kata, je t’emmène en promenade. Donne-moi ta main. Vois-tu l’oiseau dans le ciel ? Il vole dans le ciel !
Ce n’est pas un oiseau, c’est un aïon !
Tu l’entends ? Qu’est-ce qu’elle est intelligente, cette enfant ! Ma petite, petite puce ! Donne-moi une bise ! Pendant ce temps, maman fait manger Marinka, ça va l’occuper très longtemps, car la Marinka n’aime pas manger du tout.

*

Les tantes Erzsi, Olga, Irén. L’une est grosse et stérile, l’autre s’était fait avorter plusieurs fois (mariage mixte juif-chrétien, les parents des deux familles s’y étaient opposés. Ils avaient vécu ensemble en cachette pendant cinq ans, en 1930 cela n’était pas un jeu d’enfant !) la troisième est restée célibataire, car elle avait été déshonorée par son chef de service alors qu’elle était une jeune employée de dix-huit ans ! Mais c’est un secret de famille bien gardé : c’est sa honte. Donc elle a du temps libre pour gâter les deux enfants, pour les combler de jouets, de livres de co

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