Les déboires de Habib Fall
62 pages
Français

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Les déboires de Habib Fall , livre ebook

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Description

Deux nouvelles qui nous plongent au coeur des problématiques du sénégal : dans la première, Habib Fall, jeune Dakarois orphelin, cherche à se construire. son histoire le poursuit et lui trace un avenir angoissant et fuyant. La seconde raconte l'histoire d'un paysan devenu soldat tandis que dans le pays la guerre ethnique fait rage, les champs du Sud brûlant, les usines du Nord aussi.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2009
Nombre de lectures 178
EAN13 9782296686380
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0424€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les déboires de Habib Fall

Suivi de

Blessures de mon pays


N OUVELLES
Dernières parutions chez L’Harmattan-Sénégal

MIKILAN Jean, Le conseil des Esprits , décembre 2009.
CHENET Gérard, El Hadj Omar. La grande épopée des Toucouleurs , théâtre, novembre 2009.
BARRO Aboubacar Abdoulaye, É cole et pouvoir au Sénégal. La gestion du personnel enseignant dans le primaire , novembre 2009.
GAYE FALL Ndèye Anna, L’Afrique à Cuba. La regla de osha : culte ou religion ?, octobre 2009.
CHENET Gérard, Transes vaudou d’Haïti pour Amélie chérie , roman, septembre 2009.
NDAO Mor, Le ravitaillement à Dakar de 1914 à 1945 , août 2009.
Pape Ousmane Sarr


Les déboires de Habib Fall

Suivi de

Blessures de mon pays


N OUVELLES


L’H ARMATTAN-SÉNÉGAL
Du même auteur

Moussa Lô à Dakar, Jeunesse L’Harmattan, 2005.


© L’H ARMATTAN-SENEGAL, 2009 « Villa rose », me de Diourbel, Point E, DAKAR

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
senharmattan@gmail.com

ISBN : 978-2-296-10260-6
EAN : 9782296102606

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
À Yama, lumière qui grandit.
Habib se souvient de ses premiers jours ; au bout de la ligne droite, Rufisque se met en rang, alignée de part et d’autre de l’autoroute, vingt-huit kilomètres après la capitale. L’autocar roule sous le regard blasé des maisons basses et vieilles, avec leurs toits délabrés. L’hivernage est passé, les caniveaux alors débordants sur la chaussée se sont tassés et la ville assise à côté de la mer est ventée par un soupçon de brise titillant les boubous colorés. Un soleil neuf exerce sur le jeune jour un éclat enthousiaste tandis que le car passe à une allure indue près de femmes indolentes qu’admire une multitude de désœuvrés essaimant le long des façades décrépies.
À travers la vitre, Habib Fall ramasse des images au hasard quand tout à coup les roues de la voiture sifflent sur l’asphalte ; le temps d’une surprise, trois rides lacèrent son front. Il lève un regard furieux sur l’apprenti, lequel cogne un grand coup sur le capot, insensible aux protestations des passagers, seulement occupé à marauder pendant que la voiture s’arrête au garage. Habib se lève en maugréant, mais au moment de descendre
Le pied lui manque ; il marche malencontreusement sur l’étalage d’un mendiant dont les haillons rapiécés par différents fils pendent sur le corps sale ; ces haillons lui recouvrent à grand-peine les membres maigres rappelés sur un bout de carton. Ce mendiant n’a pas de visage, il n’a que des yeux dardant le jeune homme qui dépose devant lui une pièce de monnaie pour tempérer leur ardeur.
À quelques minutes de là, Habib s’arrête au pied d’un hibiscus dont la rainure verte soutient un bouquet écarlate étreignant un mur neuf, blanc et lumineux. Son accolade lâche autour d’une porte en bois jaune maïs à laquelle le jeune homme frappe ; après qu’une domestique ait ouvert, il entre chez Adama Sène, seconde épouse de son défunt père. Toutes effusions consommées avec cette dernière, avec son frère Pape Sène ainsi que leur père Idrissa sous le regard tendre de la domestique, Habib se voit désigner sa chambre, siège épigone où il va s’installer après avoir quitté sa famille. Aussi se trouve-t-il allongé sur un lit impeccable quand, à travers sa fenêtre ouverte, une faucille de lune sarcle au ciel de fins nuages alors que le foyer crépusculaire finit d’exploser derrière les rares immeubles.
Malgré ses efforts, son esprit ne se résout pas à élaguer l’interrogation : "Quid de moi depuis trois années ?… Tout commença quand tu mourus, père, m’abandonnant à une responsabilité à laquelle je n’étais pas préparé… Oh ! Je sais, j’étais assez grand pour comprendre la précarité de tout !… Mais tout de même, je n’étais pas préparé à te voir mourir !… Par la suite j’essayai de l’enfiler, cette responsabilité ! Mais je ne pus l’ajuster à moi correctement.
" Ensuite la fac de droit. Ah ! Le feu sacré du savoir qui se consumait dans mon âme tourmentée ! De toute façon, l’Université était devenue trop de luxe pour moi alors que Farba, mon frère de case, mon alter ego Farba Seck en était à l’apothéose : l’entrée à l’école de Magistrature…
"Je ne t’oublie pas Yaye Bineta, mère ! " ainsi que je t’appelle si rarement !… Je devenais ton plus gros souci, mais j’entachais ton amour de trop de déshonneur pour que le premier l’emportât sur ta confiance en moi ; tu te résolus alors à me laisser venir chez ta coépouse où Pape Sène m’offre un travail… Mais je te jure sur toi-même que j’essayais vraiment d’être un bon fils et un bon frère pour Awa et surtout pour Fatou Kiné, ma petite sœur préférée qui, au plus noir de mes déboires, me conserva assez d’estime pour me confier sa grossesse qu’elle n’ose encore t’avouer…
" Et puis ce travail !… Ah, l’œil ne voit pas le projectile qui va le couler… Besogneux à trois sous de l’heure, m’échinant tout le jour pour avoir raison d’inépuisables amoncellements d’arachides toujours chargés dans des camions moribonds, mais comme jamais seulement entamés… Mais je devais baver de la poussière pour être à la hauteur de ma nouvelle dignité… Seulement, il fallait suer jusqu’à l’assèchement et la boucler, comme au bagne. Moi je l’avais trop grande pour la tenir hermétique !… Je voulais seulement les réveiller, leur faire comprendre qu’ils avaient droit à plus d’humanisme ! Je gênais dans cette usine ; mes discours gênaient trop les dirigeants, moi le petit manœuvre ; un bras qui se prend pour une tête, c’est pas bon car alors le cœur s’affole ; mais aussi, j’avais compté sans les tumeurs du bras, non pas malignes mais funestes, cupides assez pour jouer les facteurs… Ils m’ont dénoncé. Je fus renvoyé. Ils m’ont enlevé le peu d’argent qui rentrait à la maison avec moi tous les soirs. Ils m’ont volé mon rôle… Comment rentrer alors, et comment faire face à la déception de Yaye Bineta ? Mais surtout comment ai-je pu accepter la drogue qu’ils m’ont proposée après m’avoir dénoncé ? Mon Dieu comment ai-je pu ?… Deux flics me trouvèrent le joint à la bouche ".
Plus tard, dans la claire nuit d’été de Rufisque, il repousse quasiment le dîner ; mais alors la faim repousse son sommeil jusqu’au plus noir de la nuit… Le lendemain pourtant le jour se lève avec effort quand pour sa part, à la suite du bain rituel, Habib s’enferme dans sa chambre pour y isoler ses autres préparations. Il se dénude et il s’approche d’une calebasse semi-pleine d’une solution blême dans quoi surnagent des particules havane. Il se souvient des recommandations de Yaye Bineta : s’enduire la tête d’abord, puis descendre méthodiquement jusqu’aux pieds ; surtout s’occuper de bien imbiber la tête ; ensuite le cou avant le buste à trois reprises frottant de haut en bas ; puis la main droite, la gauche et enfin les pieds en commençant par la droite… Lorsqu’il a fini, il récupère l’amulette macérée dans la calebasse qui l’attend ici depuis trois jours et s’en ceint…
Quand il est prêt, le matin, comme au sortir d’une nuit d’insomnie, s’éveille paresseusement. La nuit est seulement éclaircie par un soupçon de jour qui paraît veiller encore et un peu de lune rêve dans un coin du ciel. Peu après il est dans la voiture de Pape Sène, discutant avec celui-ci sur le chemin qui mène à sa société où Habib a un nouveau travail.
J’crois au destin, Habib, dit ce dernier, mais aussi à l’effort qui, s’il ne l’force pas, du moins l’influence-t-il. Il faut avoir l’courage de trouver ses faiblesses pour servir sa force.
Les choix de notre destin s’imposent à nous, malgré nos efforts et…
Motion, Habib… Voilà bien un langage de vaincu, p’tit gars, parce que toute peine a un salaire. Il faut s’battre, perdre des batailles mais s’battre toujours !

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