Les Partitions absolues
155 pages
Français

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Les Partitions absolues , livre ebook

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155 pages
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Description

"Le génie est un astre sans partage et sans bonheur. C'est cela qui effraye la multitude qu'il n'habite pas. Lui n'était que musique. Il ne connaissait pas de musique gaie. Composer était à chaque fois plus nécessaire. C'était comme un trop-plein qui se vidait, comme un barrage qui cédait. Après, il se sentait mieux. Il contemplait ses notes encore humides sur le papier." Paris, août 1767. Une intoxication aux amanites phalloïdes referme prématurément l'existence de l'un des plus grands musiciens de la France des Lumières. Fiction historique, Les Partitions Absolues remplissent librement les blancs d'une destinée aujourd'hui méconnue et mal connue : celle de Johan Schobert.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2010
Nombre de lectures 68
EAN13 9782296695269
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les Partitions Absolues
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-11322-0
EAN : 9782296113220

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
David Hennebelle


Les Partitions Absolues


Roman


L’Harmattan
A Camille et Salomé
« C’est l’art, et lui seul, qui m’a retenu. […] Ah ! il me paraissait impossible de quitter le monde avant d’avoir donné tout ce que je sentais germer en moi. Divinité, tu vois d’en haut au fond de moi, tu sais que l’amour de l’humanité et le désir de faire du bien m’habitent. »


Ludwig van Beethoven
(Lettre à Karl et Johann. Heiligenstadt, 6 octobre 1802)
Prologue
E n septembre 1767, le baron Grimm fit paraître cet article dans sa Correspondance littéraire, philosophique et critique adressée à un souverain d’Allemagne , connue dans toute l’Europe :

« Le jour de la Saint-Louis a été marqué, cette année, par un événement bien sinistre. M. Schobert, connu des amateurs de musique comme l’un des meilleurs clavecinistes de Paris, avait arrangé une partie de plaisir avec sa femme, un de ses enfants, de 4 à 5 ans, et quelques amis, parmi lesquels il y avait un médecin. Ils étaient au nombre de sept, et allèrent se promener dans la forêt de Saint-Germain-en-Laye. Schobert aimait les champignons à la fureur. Il en cueillit dans la forêt pendant une partie de la journée. Vers le soir, la compagnie se rend à Marly, entre dans un cabaret, et demande qu’on lui apprête les champignons qu’elle apporte. Le cuisinier du cabaret ayant examiné ces champignons, assure qu’ils sont de la mauvaise espèce, et refuse de les cuire. Piqués de ce refus, ils sortent du cabaret et en gagnent un autre, dans le Bois de Boulogne, où le maître d’hôtel leur dit la même chose et refuse également de leur apprêter les champignons… Ils se rendent tous à Paris chez Schobert, qui leur donne à souper avec ces champignons ; et tous, au nombre de sept, y compris la servante de Schobert qui les avait apprêtés, et le médecin qui prétendait si bien s’y connaître, tous meurent empoisonnés… L’enfant est mort le premier. Schobert a vécu du mardi au vendredi. Sa femme n’est morte que le lundi d’après… Ils laissent un enfant en nourrice, qui reste sans ressources.
Ce musicien avait un grand talent, une exécution brillante et enchanteresse, un jeu d’une facilité et d’un agrément sans égal. […] Il a péri à la fleur de l’âge. Schobert était silésien. Il était de la musique de M. le prince de Conti, qui fait une perte qui ne sera pas aisée à réparer ».
I
E n ces temps, la guerre allait et venait comme un chat attendant sa pâtée. Assoupie depuis peu, elle s’était soudainement réveillée.
De partout dans la ville, surgissaient des bataillons impeccables en une marche inexorable et sourde, semblable à un mascaret. Une bande d’enfants s’était approchée et mimait, le long de l’Academia Leopoldina, le défilé magistral des vainqueurs. Le soleil était encore haut sur l’Oder et faisait étinceler les cuirasses. La jonction s’était faite devant le pont Tumski et le cortège s’était arrêté et tut. Les enfants, emportés dans leur péroraison, n’y avaient d’abord pas prêté attention, mais leur mouvement coordonné s’était brutalement disloqué.
Désormais figés, ils échangeaient des regards remplis d’une immobilité inquiète sans que pourtant le moindre signe réprobateur leur ait été lancé. Sur le pont, deux grenadiers et deux dragons à cheval montaient la garde. Sabre au clair et barré d’une cartouchière, un officier avait commandé la halte. A présent, on entendait venir de plus loin, épaissi dans l’air brûlant, le son d’une musique militaire.
L’animation habituelle des rues alentour, pour n’être pas très forte, n’avait pas pour autant disparu et les habitants de Breslau, juste un peu plus pressés qu’à l’accoutumée, paraissaient et disparaissaient aussitôt sur les pavés, en levant derrière eux de petites volutes de poussière.
Intimidés et sans doute un peu effrayés, les enfants s’étaient subitement envolés par une ruelle qui contournait l’université, montait vers la vieille ville et tournait le dos à la parade improvisée.
Le 16 décembre 1740, sans déclaration de guerre, le roi de Prusse Frédéric II et ses troupes étaient entrés en Silésie autrichienne. Sur les blanches étendues de Mollwitz, l’infanterie prussienne, la meilleure de toute l’Europe, avait débandé l’armée autrichienne. C’est en maîtres que les Prussiens étaient entrés dans Breslau, après la signature du traité du même nom le 11 juin 1742.
Le fils Schobert qui lui aussi était sorti, resta interdit pendant de longues minutes. De là où il était, il percevait parfaitement la fanfare qui montait et étreignait la ville entière. Les autres enfants qui venaient de le croiser n’avaient entendu qu’un air massif et cuivré, qui n’évoquait rien d’autre pour eux que la guerre qui avait pris ses quartiers dans leur province de Silésie. L’enfant en arrêt écoutait les cors, les hautbois et les trompettes et cherchait à reproduire, en tapotant le long de sa cuisse, le rythme martial des tambours.
Cette rêverie se poursuivit de longues minutes encore. Il finit par s’en extraire et regagna son logis en trottinant.
II
L es Schobert occupaient tout le second étage d’une haute et étroite maison sur le Rynek, la place du marché, non loin de la cathédrale. La façade d’un beau vert franc, fermée sur quatre niveaux, était rehaussée par des encadrements de pierre d’une blancheur éclatante et se terminait par un fronton qui tenait lieu de faîte. Les ouvertures étaient petites mais élégamment agrémentées de fenêtres à meneaux. Seules, celles du dernier étage n’en possédaient guère.
L’appartement du second étage se composait d’une longue enfilade de pièces que la lueur du jour n’éclairait que faiblement étant donné la hauteur des maisons et la densité des constructions qui bordaient la place. Au salon de compagnie dans lequel on pénétrait immédiatement, succédait une antichambre servant de salle à manger et un cabinet qui faisait office de cuisine, lesquels précédaient deux chambres. Dans l’une d’entre elles, une soupente avait été pratiquée.
Le salon de compagnie offrait un curieux mélange de distinction et de modestie. Les boiseries, peintures et jeux de glace étaient agencés avec goût, mais se seraient fort accommodés d’un ravalement sévère. Les trumeaux étaient de grande dimension. Les plus petits mesuraient quinze pouces et les plus grands cinquante et un {1} L’éclairage se composait d’une paire de bras de cheminée à deux branches de cuivre doré et de six flambeaux en métal argenté. Les rideaux de taffetas à carreaux verts et blancs réduisaient encore la clarté. Une commode à la Régence en bois de placage et à dessus de marbre d’Alep, un secrétaire semblable, deux cabriolets de damas vert, un canapé de trois places et une table de jeu composaient le mobilier. Cependant, ce qui fixait davantage l’attention était le clavecin de Ruckers qui trônait au centre de la pièce. La totalité du bois qui le constituait était peint. L’intérieur du couvercle représentait un paysage hollandais nimbé de brume aux tons froids. Un des pieds était cassé et reposait sur un curieux empilement de petites cales qui, à force sans doute de bouger, étaient aventurées dans une forme en étoile qui menaçait de céder.
C’est en ce lieu que vivaient les époux Schobert. Le couple Schobert passait pour être un ménage heureux. Et il l’était en effet. Monsieur Schobert était au service du prince-évêque de Breslau. A force de travail plus que de véritable talent, il venait d’être nommé vice-maître de chapelle et secondait le vieux Schesnovick, le maître de chapelle en titre. Vingt années auparavant, le prince l’avait recruté comme valet et violoniste comme c’était souvent l’usage dans les cours. Instrumentiste du rang, il était tenu de se produire lors des services religieux à la cathédrale, mais aussi comme tous les membres de l’orchestre, lors des divertissements privés de la cour princière. Ses tentatives répétées dans le domaine de la composition lui avaient permis de ne plus être astreint à des tâches domestiques et de briguer la place qu’il occupait désormais. On lui avait aussi confié la trésorerie afférente à la musique en raison de sa réputation de grande droiture. Sa haute et mince silhouette en 

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