Tu diras ces douleurs
124 pages
Français

Tu diras ces douleurs , livre ebook

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124 pages
Français

Description

Voyage tumultueux au coeur d'une Afrique meurtrie, spoliée et sans repères ni mémoire, voici des nouvelles émouvantes, inouïes, qui présentent le vieux continent enlisé dans des douleurs diverses. Au milieu de ce chaos, heureusement, un homme est prédestiné à stopper l'hémorragie : l'écrivain des douleurs. L'auteur a décidé d'exposer aux yeux du monde les douleurs de l'Afrique.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2012
Nombre de lectures 18
EAN13 9782296499607
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Tu diras ces douleurs
Achille Carlos Zango Tu diras ces douleurs
Nouvelles
© L’Harmattan, 2012 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-99085-2 EAN : 9782296990852
À Djoufack Jeanne et Dontsa Martine : pour tout…
« Je revins sur mes pas, sans doute pour que le monde ouvre ses yeux sur cette belle vie dure d’Afrique, sans doute pour crier aux ignares qu’un écrivain n’est qu’un griot qui utilise des signes, qu’un griot n’est qu’une mémoire et que cette mémoire appartient à tous. Ou à personne… Je revins sur mes pas, pour qu’ensemble nous frappions nos mains de joie, pour nous convaincre définitivement que tout n’est pas si mal dans ce qui est réellement atroce ». CALIXTHE BEYALA
Qui dira ces douleurs
Quand j’ai commencé à écrire des histoires, je trouvais cela amusant. Une bonne gymnastique pour l’esprit. Quel âge avais-je encore ? Je ne m’en souviens plus, c’était il y a longtemps, dix ans ? Quinze ans ou plus ? Les dates précises ne serviront sans doute à rien.
Je revois le visage de Mâ Claudine, ma mère, se plier en dune dès qu’elle entrait dans ma chambre. Des papiers froissés, des livres ouverts, des pages cornées d’un roman, des taches d’encre de mes stylos sur les doigts, la table et même mes vêtements. La pauvre Mâ m’en achetait un paquet à chaque fin de semaine, le front prêt à exploser de colère. Elle me boostait sans arrêt, me disait toujours que j’aurais dû choisir les chemins fortunés du ballon rond ou du sport en général comme plusieurs de mes camarades. Mais j’avais mes raisons, je ne pouvais pas lui expliquer clairement pourquoi j’écrivais tout cela. Pour peut-être imiter Calixthe Beyala, Gisèle Pineau… ou Alain Mabanckou ? Peut-être personne. Pour rester moi-même et orner d’auréole ce nom inconnu que Mâ m’avait donné sans fioritures et que je me devais d’éterniser par la magie de l’art.
Quelle ambition ! Mes yeux s’ouvraient comme des palourdes dès que j’y pensais. L’écriture m’avait pris dans son étau et je n’y pouvais rien. Dès qu’une histoire glissait sur le sentier de mes oreilles, elle se métamorphosait dans les labyrinthes de ma mémoire et ressortait au bout de mon stylo, cisaillée, sculptée, polie, arrondie de tous ses contours anguleux.
Je n’avais jamais imaginé ce que mon art pouvait apporter à mon pays la république démocratique du Mouranec. Quel pays
d’ailleurs ..! Entre nous, il y a toujours eu un fossé que je n’ai jamais pu ni expliquer ni réduire. Pourtant je l’aime bien ce berceau de nos ancêtres. Aujourd’hui, je réalise bien des choses. Par exemple, que le lieu dans lequel je suis né me prédestinait à l’écriture. Mes amis ne me comprenaient pas et je crois que les rôles ont changé. J’imagine mal un homme né sur ces terres hideuses du Mouranec, un Africain même en général, ne sentant pas de temps en temps une envie pressante d’écrire avec toutes les histoires rocambolesques qui se déroulent dans ce continent nuit et jour. C’est bien lamentable, mais que voulez-vous ?
J’ai donc écrit des histoires parce que j’étais né en Afrique. J’ai écrit des histoires pour égrener le temps. J’ai écrit des histoires pour ne pas faillir à ma mission. J’ai écrit des histoires pour que les Saintes Écritures s’accomplissent. J’ai écrit des histoires en attendant que la mort désire aussi mon âme ainsi qu’elle l’avait fait avec l’âme de Djoufack Jeanne et Dontsa Martine, mes grands-mères. J’ai écrit des histoires pour avoir la conscience en paix. J’ai écrit des histoires parce que j’avais des choses à dire. J’ai écrit des histoires au point de devenir l’écrivain des douleurs du bidonville dans lequel j’ai vu la nuit, au lieu du jour comme c’est couramment le cas pour la plupart d’entre vous. Depuis que la nouvelle est tombée dans les oreilles de quelques désespérés et âmes effarées, mes paupières ne se sont plus jamais accouplées et pour une fois, j’ai ardemment désiré la piqûre d’une mouche tsé-tsé pour enfin fermer l’œil. Comme un médecin des maladies incurables de la médecine traditionnelle et moderne, j’ai reçu tour à tour la visite des ces hommes accablés. Ils m’ont fait confiance parce qu’ils étaient convaincus que j’étais le seul qui pourrait porter leurs douleurs aux yeux du monde. Ma thérapie semblait assez particulière pour nos nombreux maux, et au fil du temps, au regard du nombre toujours croissant de mes patients, j’ai réalisé toute l’importance de l’écriture. J’étais miraculeusement devenu l’espoir de tout un peuple, de tout un continent pillé, opprimé, désabusé ... Un jour d’ailleurs, un peu médusé justement par tout cet espoir que mes patients avaient placé en moi, j’ai
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