Un voyage avec Carlota, au coeur de la folie
283 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Un voyage avec Carlota, au coeur de la folie , livre ebook

-

283 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Charlotte de Belgique, épouse de Maximilien de Habsbourg, devient, en plein 19° siècle, impératrice du Mexique, sous l'impulsion de Napoléon III. Mais l'entreprise se révèle une "archiduperie" foireuse. "Le Mexique aux Mexicains", dixit Juarez. Max y laisse la peau, Carlota sombre dans la folie et ce, durant soixante ans. Un siècle plus tard, Violette-Violeta, en Provence, voit son rêve de possessions terriennes tourner au fiasco ; elle bascule à son tour dans le délire et la manie persécutrice. Deux destins de femmes écrasées par le machisme et la folie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2009
Nombre de lectures 235
EAN13 9782296685215
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Blanche Coudurier
 
 
Un voyage avec Carlota
au cœur de la folie
 
 
Roman
 
 
L'Harmattan
 
 
 
© L'Harmattan, 2009
5-7, rue de l'Ecole polytechnique, 75005 Paris
 
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
 
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
 
ISBN : 978-2-296-10107-4
EAN : 978229611074
 
I
 
Cette nuit, j'ai rêvé. Rêvé du Général Weygand... Cauchemar... En quelles ténèbres je naviguais. J'étais toujours une femme mais je m'appelais le Général Weygand.
 
Quel destin, ce W... Naître de l'ombre et de personne. Et se construire en homme d'armée et de pouvoir. Vous ne savez pas ? Né de parents inconnus, né à Bruxelles, le Général, orphelin, une enfance solitaire et sans joie, de lugubres et austères pensionnats, mais d'orphelinat point. D'augustes tuteurs veillaient sur lui et payaient fidèlement les frais de pension. Et quand il s'est agi à St Cyr de devenir militaire et que la nationalité française a été requise, quelqu'un, un nommé Weygand, l'a reconnu et lui a donné nom et francisation. Est né le 21 janvier 1867, n'avait qu'un prénom Maxime. Beau prénom pour un enfant né de personne, prénom qu'on a jugé toutefois insuffisant. Maximilien est devenu, c'est ce Maximilien qui lui a peut-être valu tant d'insinuations et de commérages. De ses origines, jamais il n'a su avec certitude. La génétique peut-être un jour dira.
 
Quant à moi, je rêve, « parents inconnus », la belle formule. Quand on a trop connu ses parents et trop goûté de la filiation, « parents inconnus » on s'en fait une belle chimère. C'est Poil de Carotte qui disait « Tout le monde n'a pas la chance de naître orphelin ». Père et mère, lui, il en avait eu jusqu'à plus soif J'aurais pu aussi bien rêver de Poil de Carotte. Mais c'est en général que je me suis vue, d'un soldat que j'ai usurpé la place. Je ne me connaissais pas ces penchants militaires, ni ces goûts du pouvoir. Ordonner, diriger, donner l'assaut. Mourir après que d'avoir tué, cela va sans dire. Un vaillant soldat, Weygand, dit la chronique, un héros de la guerre 14-18, auprès de Foch, et ce fut lui qui, à Rethondes, imposa aux plénipotentiaires allemands les conditions de l'armistice.
 
D'un orphelin j'ai rêvé, d'un soldat, et d'un homme prénommé Maximilien. C'est sur ce prénom, on l'a dit, que s'est cristallisée la rumeur, que les bobards ont lâché la bonde, qu'on s'est mis à fantasmer, échafauder, vilipender. Maximilien, au 19e siècle et début 20e, était encore fatalement adjoint à Charlotte. Et on les associait à Napoléon le Petit, dixit Hugo. Aujourd'hui, on n'en sait plus rien, plus rien de toutes ces navrantes mésaventures coloniales. Alors, pour faire bref, je dis Charlotte princesse de Belgique, milieu du 19e, devenue Impératrice du Mexique, Maximilien d'Autriche figurant l'Empereur, toute une histoire. Charlotte donc aurait été, des ragots, des fantasmagories, la mère inconnue du Général Weygand. Le père, bien sûr, n'étant pas Maximilien d'Autriche. La naissance, dès lors, aurait été tout à fait normale et n'aurait pas prêté à médisance. Pourquoi la cacher, et dissimuler l'identité des parents du bébé Maxime, né à Bruxelles, dit-on. Non, le père n'était pas Maximilien, et Charlotte était une femme adultère. Une rumeur, je vous dis, à partir de 1920, des supputations, des calomnies à n'en plus finir. Des contes à dormir debout.
 
Mais je tiens le fil de mon rêve : Général Weygand, orphelin, soldat, Charlotte. J'ai failli m'appeler Charlotte, c'était le prénom que mon père avait choisi, mais le jour de ma naissance, ma mère fit soudain acte d'indépendance, voire de révolte, et a choisi Marie. Plutôt banal, mais Marie, c'était son père, Marius. J'étais mon grand-père, son protecteur.
 
Retour à Charlotte. Du Mexique, Impératrice. Emue de l'avoir retrouvée. Au lycée, dès que j'ai su l'histoire, d'elle j'ai rêvé, et du Mexique où je voulais aller, l'Espagne ne me suffisant plus. Charlotte, on l'avait prénommée, on, c'était son père Léopold, à moins que ce soit sa mère qui ait choisi, devinant le secret désir de son époux. Charlotte avait été la première épouse de Léopold, l'épouse anglaise, celle qui devait lui donner trône et héritier. Et fauchée précocement, l'épouse tant aimée, et désirée, quasiment en accouchant, et le bébé de même.
Alors Charlotte en ressuscitée de ce grand amour si fugace, un heureux destin ? Non pas. A l'annonce d'une fille, il avait déjà deux fils, en voulait un autre pour bien assurer la descendance, donc à l'annonce d'une fille, Léopold était allé bouder, trois jours, de déception. Une fille. Mais sa « fâcherie »n'avait pas duré.
Charlotte, elle se nommerait, et il l'aimerait. Et Charlotte s'aimait bien en Charlotte, elle savait qu'elle était l'enfant chéri de son père, la prunelle de ses yeux, la fleur de son âme. Elle se sentait forte d'être Charlotte, ainsi nommée Et puis, en Lombardie, jeune mariée, épouse de l'archiduc d'Autriche gouverneur de Lombardie, on commençait à franchement ne plus les aimer du tout les Autrichiens en Italie, pour devenir en quelque sorte Italienne, et se rapprocher de son peuple, elle s'est fait appeler Carlota. Fâcheuse mutation ! Trop de proximité et de familiarité nuit. L'orgueilleuse, la hautaine Charlotte, comme on disait alors, condescendre à devenir Carlota ! Flagornerie ! Démagogie, dirait-on aujourd'hui. Eh bien ! si elle voulait donner dans le genre populaire, on lui en donnerait le goût et la chanson, du ton populacier. A mon avis, le brocardage a commencé alors, né d'un malencontreux changement de prénom. Le« che » abâtardi en « k » perd de sa dignité. En France, la palatalisation marque le triomphe du francien sur le latin vulgaire. Quant au « e » devenu « a », un fiasco terrible. Et elle a donné dans ce panneau linguistique. Peut-être un jour je vous dirai ce qu'au Mexique il est advenu de Carlota.
Pour l'heure, j'ai les mots : général, orphelin, Charlotte, je rêve du Mexique et du grand ailleurs. En moi, il y a ce Weygand qui crie, je ne sais ce qu'il dit, Carlota j'entends, un voyage avec Carlota je vais faire.
 
*
 
Moi de même, d'un voyage j'ai le désir.
Voyage avec un mot. Un nom d'homme dont j'ai rêvé. Au matin je me suis réveillée et je me suis dit « Voltaire », la nuit me l'avait donné. Voltaire. Rien à voir avec l'écrivain je le sentais. Un mot plein. Je le décrypterai, il le faut. Des sonorités riches. Il y a « taire », et si longtemps je me suis tue. Le poids des choses tues. Des taiseuses partout.
Sur Charlotte on a dit et médit, mais on a aussi beaucoup tu. On a tu et tué. Tout à coup, elle n'a eu que la folie pour dire.
Que la folie pour dire. Il me souvient. Quelqu'une qui a dominé mon enfance. Une voisine. Si proche, des maisons mitoyennes, et les cloisons étaient si légères, qu'on était quasiment dans son intérieur. L'âge de ma mère, quelques années de plus, peut-être. A la campagne, la terre était basse, et caillouteuse, le soleil tapait dur, le vent soufflait fort. Christ s'est arrête à Eboli, on a écrit. Aussi bien, il s'était arrêté à quelques mètres de notre hameau. Et toujours la stridulation des cigales et la violence du vent. Le ciel était d'azur certes, mais très haut, très loin, pas un nuage, on aurait aimé un ciel plus bas, on se serait sentis moins oubliés. Quand je dis « on », c'est surtout elle, elle criait pour nous, elle hurlait pour nous. Et, ironie du sort, je n'ai pas précisé. Violette, elle s'appelait. Une timide Violette, on dit. Timide, discrète même muette, une taiseuse, elle avait été. C'est cette timide et taiseuse que son mari avait épousée. Elle obéissait, opinait, n'a

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents