Une fille du Congo
209 pages
Français

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Une fille du Congo , livre ebook

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209 pages
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Description

"On m'avait nommé Bouesso. Ce qui signifie : la chance. Notre village portait le nom de Makanda. Il ressemblait aux autres patelins du Congo (...) Les traditions restaient à jamais les mêmes depuis la nuit des temps. Nous vivions en symbiose, en nous accomodant de tout ce que la nature nous procurait."
L'auteur aborde dans ce roman le parcours initiatique d'une jeune fille qui quitte son village pour poursuivre ses études dans la capitale. Happée par l'agitation de la métropole, elle perd très vite ses illusions et découvre l'amour, la vie nocturne, avant de s'engager dans la vie politique lors de l'ouverture démocratique.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2010
Nombre de lectures 56
EAN13 9782336256863
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Une fille du Congo

Patrick-Serge Boutsindi
Du même auteur
Terre Natale. Nouvelles , Ecrivains Associés, 1998
Missives Congolaises. Essa i, Dossiers d’Aquitaine, 2000
L’Enfant soldat. Roman , L’Harmattan, 2001
L’Avis des Ancêtres. Nouvelle s, L’Harmattan, 2003
Le Mbongui. Nouvelles , L’Harmattan, 2005
Kakou et Mégane. Roman , L’Harmattan, 2007
L’homme qui avait trahi Moungali. Nouvelles , L’Harmattan, 2009
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296115583
EAN : 9782296115583
Sommaire
Page de titre Du même auteur Page de Copyright Dedicace Epigraphe
A ma sœur, Lily
« Il est de charmantes créatures méconnues par le sort, à qui tout devait réussir dans la vie, mais qui vivent malheureuses, tourmentées par un mauvais génie, victime de circonstances imprévues. »
Honoré de Balzac Une Fille d’Eve
« En dépit des espérances suscitées par les « Conférences nationales », qui se sont réunies dans de nombreux pays au tournant des années 90, et qui ont favorisé l’émergence du multipartisme et occasionné une salutaire prise de conscience, l’Afrique reste toujours à la remorque et exhibe, année après année, les marques réitérées de la misère et de la violence. »
Jacques Chevrier Littératures francophones d’Afrique noire
A ma naissance, mon nom me fut donné par ma grand-mère. On m’avait nommée Bouesso. Ce qui signifie : la chance. Notre village portait le nom de Makanda. Il ressemblait aux autres patelins du Congo où les hommes occupaient leur journée à chasser ou à pêcher. Les femmes travaillaient aux champs, confectionnaient des colliers. Les garçons gardaient les troupeaux. Les filles s’initiaient aux côtés de leur mère pour les travaux ménagers. Les enfants qui désiraient apprendre, allaient à l’école. Les jeunes respectaient les aînés. Les adultes guidaient les plus petits, et l’on veillait à la préservation de la nature. La vie, comme l’eau d’une rivière, coulait aux rythmes des saisons. Les générations se succédaient. Les habitudes perduraient. Et les traditions restaient à jamais les mêmes depuis la nuit des temps. Nous vivions en symbiose, en s’accommodant de tout ce que la nature nous procurait.
Je grandissais comme tout le monde. C’est-à-dire, d’une année supplémentaire à chaque nouvel an. Là, mon entourage n’arrêtait pas de me dire que j’avais grandi, j’avais pris du poids. Cela m’amusait beaucoup. Je leur répondais par des grimaces moqueuses, tout en gardant ma bonne humeur. Les vitamines que me donnait gracieusement la nourriture, ne cessaient de favoriser le développement de mon corps. J’avais à peine quatorze ans, mais déjà, mes os se dilataient, mes seins pointaient de plus en plus sur ma poitrine; et mes fesses se positionnaient en cambrure autour de mes hanches. J’étais l’unique enfant de mes parents ; et en leur absence, j’arrivais à m’occuper de tout. De la cuisine et du ménage. Le soir venu, avant de nous coucher, ma maman me racontait souvent des histoires. Des histoires sur les sorciers, qui, à la tombée de la nuit, se transformaient en insectes géants pour aller bouffer les gens. Elle évoquait également des récits sur des diables qui effrayaient les passants en secouant les arbres sans qu’il n’y ait le moindre tourbillon. Parfois, elle revenait sur le jour de ma naissance. Elle me prenait alors dans ses bras, et elle me parlait comme si cela s’était déroulé la veille. Je pleurais rien qu’à l’entendre. Des larmes voilaient mes yeux, puis coulaient tout le long de mes joues. J’étais née, paraît-il, au beau milieu des plantations. Entre les épis de maïs et les feuilles de maniocs.
Lorsqu’il s’agissait de mon avenir, ma mère me disait que j’irais à Brazzaville. Je quitterais Makanda pour aller habiter à Brazzaville. Là-bas, je poursuivrais mes études, je serais bardée de diplômes et je travaillerais dans un bureau. Je ferais ce qu’elle n’avait pas pu faire. C’est-à-dire, devenir une intellectuelle. Les hommes auraient peur de moi. Ils éviteraient de me dominer. J’irais un jour vivre dans cette merveilleuse cité. C’est très grand et très joli. Il y a de tout. Toutes les choses que l’on peut voir et acheter. C’est pour cela qu’on appelle cette ville : la capitale. Tu verras toi-même. Tu jugeras. Dieu te gardera. Il te bénira afin que tu réussisses. Il te donnera la chance pour que tu épouses un monsieur responsable, avec qui tu fonderas un foyer et auras une progéniture. Ainsi parlait ma maman. J’écoutais tout cela avec un saisissement au cœur. Et, lorsque je voulais l’interrompre, elle m’arrêtait pour ajouter :
– Quoi ! T’as peur d’aller à Brazzaville !
– Non Mâ, balbutiais-je.
– D’ailleurs, les dieux ont dit que tu es née sous une bonne étoile, et que rien ne pourrait t’empêcher de réussir. Tu iras vivre chez ma sœur. Ton oncle qui est chauffeur de taxi là-bas, te viendra en aide. On dit qu’il possède beaucoup de relations dans le milieu politique. Son fils aussi, Mahoula, celui qui fait des longues études pour devenir un grand cadre de l’État. Il pourrait t’épauler dans tes leçons. Tout le monde dit que c’est un garçon très intelligent et très honnête.

A l’approche du jour de mon départ pour Brazzaville, ce jour où je devais laisser derrière moi, la terre de Makanda, ma mère ne cessa de me prodiguer des conseils. Des consignes à observer à tout prix sur ma conduite. Elle me dit : Bouesso, je sais que d’ici quelques jours, tu vas nous quitter pour la capitale. Je resterai seule après ton départ. Tu vas énormément me manquer. Ton père nous a quittés avant même de vieillir. Je me demande parfois pourquoi Dieu rappelle les gens aussi vite, sans leur laisser le temps de voir grandir leurs enfants. Je ne me marierai plus rassure-toi. Surtout pas après ton départ. J’aimais trop ton père. Et j’avoue, aucun homme depuis sa mort, n’a pu toucher mes épaules pour voir ma nudité. L’abbé Jean m’a même félicitée de mon abstinence. Dit-on que chez lui, en Europe, après le décès de son époux, une dame peut s’habiller comme elle le souhaite ; et se laisser aller au gré du vent, comme une femme aux mœurs légères. Cela, paraît-il, s’appelle : liberté. Je restais muette à écouter. En même temps, j’essayais d’imaginer à quoi pouvait ressembler la ville de Brazzaville. Elle m’apparaissait telle que je l’avais vue à la télévision, avec des voitures qui circulaient sans arrêt, des bruits de klaxons qui déchiraient le silence. Des individus qui marchaient dans toutes les directions, sans communiquer entre eux. Des magasins qui s’alignaient tout le long des avenues goudronnées. Des maisons à étages qui possédaient des fenêtres en verre. Des bus transportant des usagers serrés comme des sardines. Des arbres qui poussaient sur une surface caillouteuse... Tout cela paraissait presque incroyable à mes yeux. Mais je me disais tout de même, qu’il devait y avoir sûrement une explication.

Ma mère reprit la parole en me disant : Écoute-moi bien, Bouesso. J’entends souvent dire que les citoyens qui vivent à Brazzaville veulent tous s’occidentaliser. Les hommes rêvent de prendre la place de Dieu, en oubliant que c’est à Dieu de les guider. Les femmes ne cherchent qu’à s’émanciper, en exigeant plus de droits et d’égalité vis-à-vis des messieurs. Elles oublient qu’à trop vouloir être trop libre, on commet facilement l’irréparable. Mon souhait est que, quand tu habiteras à Brazzaville, il faut que tu restes une fille respectueuse et raisonnable. Tu dois avant tout penser à tes études. Je ne veux pas que tu aies un petit copain avant d’avoir obtenu tous tes diplômes.
L’amour, s’il fallait que j’y pense, je n’y connaissais pas grand chose. Tout ce que j’avais pu mémoriser dans ce domaine, je l’avais entendu de la bouche de ma voisine qui venait de connaître sa toute première relation sexuelle. C’était au bord de la rivière ; alors que nous nous baignions, elle s’était mise à nous raconter son histoire. Tandis qu’elle nous expliquait son aventure sentimentale, nous nous esclaffions toutes. Nous lui posions des questions qui la faisaient tellement rire, que nous désespérions 

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