Une fleur sur la falaise
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Une fleur sur la falaise

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Description

Enzo, solide gaillard, ne peut pas être considéré comme un solitaire, c'est simplement un homme qui cherche un coin tranquille, à l'abri des regards, pour finir tranquillement ses jours. Pourtant, même dans ce bout du monde, perdu dans les montagnes, son passé le rattrapera. Ce printemps 1959 pourrait bien être sa dernière saison sur cette terre qui s'éveille après un hiver rigoureux.
Les hommes et les femmes de ces contrées sont rudes comme les montagnes qui les entourent et les isolent, cela n'empêche pas les rencontres amicales, voire amoureuses, mais également meurtrières.
Il y a aussi cette mystérieuse petite fille, Flora, qui semble avoir pris ses habitudes dans la nouvelle demeure d’Enzo.
Elle possède quelques dons surprenants qui pourraient bien venir en aide à Enzo, ne dit-on pas :
'On a toujours besoin d’un plus petit que soi….'

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1 030
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Vous trouverez ce roman complet à l’adresse ci-dessous :
http://www.thebookedition.com/une-fleur-sur-la-falaise-martial-castelain-p-31688.html
À l’heure prévue, Enzo se présenta à la grille de l’école et en actionna la clochette. Il avait
préféré laisser Marco à la ferme, ne connaissant pas la réaction de son hôte, vis-à-vis des chiens.
L’instituteur ouvrit une fenêtre au deuxième étage.
« Entrez, entrez, je n’ai pas fermé à clef. »
Enzo s’exécuta et traversa la cour de récréation.
Sous le préau, François Letelier, un grand sourire sur les lèvres, lui tendait la main.
« Bonjour, monsieur… ?
-
Pellégrino. Enzo Pellégrino.
-
Excusez-moi, je n’avais pas bien saisi votre nom lundi.
-
Ce n’est pas grave.
-
Je vous précède ! Vous verrez ce n’est pas grand, mais, pour un célibataire, c’est bien
suffisant. »
Il entraîna Enzo dans un vieil escalier en bois qui avait connu des jours meilleurs. Sur le palier,
il n’y avait que deux portes, l’instituteur se dirigea vers celle de gauche, qu’il ouvrit largement
pour laisser le passage à son invité.
« Entrez, entrez, faites comme chez vous. »
Enzo découvrit un long couloir qui débouchait sur une cuisine. Derrière lui, le maître d’école le
poussait doucement, une main sur l’épaule.
« Prenez la porte de droite, c’est le salon ! »
Enzo se laissa guider, sans un mot.
« Voilà, nous serons plus à l’aise ici pour discuter. Installez-vous dans ce fauteuil, c’est le plus
confortable des deux. »
Il laissa Enzo s’installer avant de reprendre.
« Vous voulez boire quelque chose ? Un petit café ! Il ne vous fera pas de mal, j’ai gardé
l’habitude de le faire léger depuis la guerre.
-
Entendu.
-
Ne bougez pas, je vous l’apporte de suite, je l’avais préparé au cas où. »
Enzo pensa que son hôte ne devait guère avoir de visite et qu’il profitait de sa présence pour
rompre, avec plaisir, la monotonie de ses longues journées de solitude. Dans un coin aussi reculé,
les distractions devaient être rares pour un homme seul.
De la cuisine, Letelier continuait la conversation, de peur que son invité ne s’endorme ou ne
s'esquive.
« Alors, vous avez racheté la ferme ?
-
En effet.
-
Grosse propriété pour un homme seul !
-
Je n’ai pas l’intention de l’exploiter.
-
Ah, non ?! Surpris, Letelier s’était posté dans l’encadrement de la porte. Pourquoi acheter
une ferme alors ?
-
Ce sont les bâtiments qui m’intéressaient.
-
Le corps de ferme est superbe, j’y suis allé faire un tour, un jour, par curiosité. Je suis trop
curieux, excusez-moi pour mes questions indiscrètes.
-
Il n’y a pas de mal.
-
Je vais chercher le café. »
Le maître d’école s’éclipsa deux secondes pour revenir les bras chargés d’un plateau qu’il
déposa avec précaution sur la table basse devant Enzo.
« Servez-vous. J’ai mis des petits gâteaux secs que ma mère m’a envoyés. Elle continue de
m’envoyer des colis comme si j’étais toujours étudiant. Elle craint toujours que je manque de tout.
-
Toutes les mères sont pareilles.
-
La vôtre en fait autant ?
-
Mes parents sont décédés depuis longtemps.
-
Excusez-moi. Toujours mes questions idiotes. »
Letelier s’empara d’une tasse et se mit à tourner le café avec une application que rien n’aurait
pu perturber. Un silence gêné s’installa entre les deux hommes. Letelier, le nez baissé sur sa tasse,
se lança une nouvelle fois avec maladresse.
« Lundi, lorsque vous étiez à la grille, vous sembliez chercher quelqu’un. »
Enzo eut un sourire, l’instituteur était perspicace.
«
Oui et non.
-
Réponse de Normand !
Ma mère dit toujours ça.
-
Disons que j’espérais voir, plus distinctement, un gamin qui semble avoir ses habitudes à la
ferme.
-
Et ?
-
J’ai vu.
-
Quand vous dites, plus distinctement, cela veut dire que vous l’avez aperçu là-bas ?
-
En effet.
-
C’est à son sujet que vous vouliez me rencontrer ?
-
Non ! Pas du tout. Rassurez-vous, il n’y a rien de grave dans cette intrusion chez moi.
C’était plus de la curiosité de ma part qu’autre chose.
-
Vous savez, Flora est une gentille gamine. »
Enzo enregistra le prénom, et cette fois c’est sa curiosité qui était piquée au vif.
« Flora ?
-
Oui, la petite fille qui était au pied du marronnier, lundi matin.
-
Comment savez-vous que c’est elle ? »
Letelier reposa sa tasse, un grand sourire sur les lèvres, fier de son effet. Il fixait Enzo, heureux
d’avoir réussi à le surprendre alors que rien ne semblait pouvoir l’ébranler.
Dès leur première rencontre, l’instituteur avait jugé l’individu qui lui faisait face. Il était
persuadé que celui-ci avait des nerfs d’acier, forgés par le temps et les épreuves. Enzo lui avait plu
tout de suite. Certainement aussi parce qu’il avait ressenti chez lui, une immense solitude. Malgré
un abord froid et distant, il le devinait capable de chaleur humaine, d’avoir un côté protecteur. Le
mélange lui semblait indéfinissable, trouble et malgré tout, très clair.
« Un gâteau ? »
Enzo sentit que Letelier prolongeait l’attente avec une pointe de plaisir. Il prit un gâteau dans
l’assiette tendue avec insistance. Au petit jeu de l’intrigue, Enzo n’était pas un débutant, il attendit
donc que Letelier veuille bien répondre à sa dernière question. L’instituteur ne semblait pas pressé,
il embraya sur une autre question avec innocence.
« Pour un homme comme vous, la vie dans ce bout du monde doit paraître bien calme, bien
insipide.
-
C’est effectivement très calme, c’est ce que je recherchais.
-
J’ai l’impression, je peux me tromper, que vous avez beaucoup voyagé.
-
Qu’est-ce qui peut vous faire croire ça ?
-
Je ne sais pas, c’est une impression, je vous l’ai dit.
-
J’ai voyagé en effet.
-
… Ah. »
Letelier reprit sa tasse de café, déçu de n’avoir pas plus de détails. Doucement, il recommença
à tourner le breuvage. Enzo attendait toujours. Il se cala contre le dossier du fauteuil en observant
l’instituteur profondément absorbé par le mouvement circulaire de la cuillère dans la tasse.
« Vous féliciterez votre mère pour les petits gâteaux, ils sont excellents. »
Surpris, Letelier releva la tête. Le sourire sur le visage d’Enzo était rassurant et déconcertant.
Seuls les yeux qui perçaient les siens auraient pu l’inquiéter, s’il avait eu quelque chose à se
reprocher. L’instituteur savait parfaitement ce que lui criaient dans le silence, ces yeux fixes.
« Comment savez-vous que c’est elle ? »
La réponse à cette question semblait importante pour son invité et pourtant celui-ci ne tentait
pas de revenir sur le sujet. Il semblait attendre simplement une réponse qui finirait forcément par
venir.
« Merci, je le lui dirai sans faute. »
Et que lui dire, à lui, au sujet de Flora ? Un homme de la trempe d’Enzo allait lui rire au nez
s’il lui sortait toutes les balivernes qui circulaient dans les alentours à son sujet. Cette pauvre
gamine ne demandait rien à personne, alors pourquoi la persécuter avec autant d’acharnement ou se
faire le complice de ces calomnies. Tout compte fait, il ne dirait rien.
« Vous savez, Flora est une brave gamine.
-
Je veux bien vous croire. Elle n’a rien cassé ni dérangé à la ferme.
-
Quand je vous ai quitté pour rejoindre le préau, j’ai remarqué son regard. Et, dans ce
regard, il n’y avait pas que de la curiosité pour un inconnu, il y avait autre chose.
-
Quel genre de chose ? De la crainte ?
-
Flora, avoir peur, vous voulez rire !
-
Je ne sais pas, vous la connaissez forcément beaucoup mieux que moi.
-
Personne ne connaît vraiment Flora. C’est un mystère à elle seule.
-
Un mystère ? Vous m’intriguez, Monsieur Letelier ?
-
Vous pouvez m’appeler François.
-
Entendu François. Alors ce mystère Flora, c’est quoi au juste ?
-
Oh, le mot est un peu fort, vous savez ! »
Letelier était en train de se faire entraîner sur une voie qu’il ne voulait pas suivre. Il se
maudissait intérieurement d’avoir une nouvelle fois trop parlé, comme à son habitude. Il tenta une
pirouette.
« À la campagne, tout ce que les gens ne comprennent pas devient mystérieux pour ne pas dire
mystique.
-
Concernant une gamine de onze ou douze ans, je trouve ça étrange.
-
Flora aura bientôt quatorze ans. C’est vrai qu’elle paraît plus jeune.
-
Sans doute en raison de sa petite taille.
-
Oui. Elle semble si fragile et pourtant… Et déjà tellement jolie.
-
Elle n’est pas fragile ?
-
… Elle a une certaine fragilité, c’est normal chez les petites filles de son âge.
-
… Mais ?
-
D’un autre côté, elle possède une certaine force de caractère, peu commune chez les
enfants.
-
Ce n’est pas bien mystérieux cette force de caractère. C’est même plutôt bien pour affronter
la vie.
-
Il n’y a pas que ça.
-
Je m’en doute. Depuis tout à l’heure vous semblez vouloir éviter de parler de certaines
choses.
-
Il y a tellement de bêtises qui sont dites à son sujet !
-
Vous êtes un homme de savoir, vous faites donc, forcément, la part des choses. Pourtant,
vous me semblez perplexe.
-
Je le suis. Il y a des jours où tout cela me paraît tellement absurde et d’autres où je
m’interroge vraiment.
-
Si vous me disiez simplement les choses, je pourrais peut-être vous donner mon point de
vue.
-
Avez-vous déjà vécu à la campagne ?
-
Oui, bien sûr ! Mes parents étaient d’honnêtes agriculteurs.
-
Mais avez-vous connu un lieu ressemblant à celui-ci, à l’écart de tout. Un endroit où, du 1
er
janvier au 31 décembre, vous côtoyez toujours les mêmes personnes, à tel point que vous en
arrivez à connaître leur intimité.
-
Non, pas vraiment, je le reconnais.
-
Alors, vous ne pouvez pas comprendre. »
L’instituteur quitta son siège avec un peu plus de vigueur qu’il ne l’aurait voulu, bousculant la
table basse ce qui fit déborder le café dans les soucoupes. Il se dirigea vers un petit buffet et en
ouvrit l’un des tiroirs.
« Vous fumez, monsieur Pellégrino ?
-
Cela m’arrive de temps en temps. À votre tour d’accepter de m’appeler Enzo.
-
Une cigarette, Enzo ? »
Il tendait vers lui un paquet de tabac. Enzo accepta d’en prendre une. François se dirigea vers la
cuisine et revint avec une grosse boîte d’allumettes et un cendrier. Il posa le tout devant Enzo et se
rassit dans son fauteuil.
« Je suis désolé pour le café.
-
Ce n’est pas grave. »
Enzo s’empara de la boîte d’allumettes et en craqua une. Il regarda la flamme un long moment
avant de se décider de l’approcher de la cigarette. François le regardait sans dire un mot.
« Alors, François, si tu me parlais de cette petite Flora et de son mystère. »
Nerveusement, l’instituteur s’empara de la boîte d’allumettes et enflamma sa cigarette. Il ne
prit la parole qu’après avoir tiré nerveusement deux fois sur sa cigarette.
« Je vais rapporter ce que l’on m’a raconté. J’ignore la part du vrai et celle du faux. Je ne juge
pas. »
Enzo acquiesça silencieusement d’un signe de tête.
« De toute façon, elle m’a dit elle-même que tout était vrai, alors. Enfin bon, voilà ! Il paraîtrait
qu’elle est capable de lire dans les pensées des gens, de prévoir l’avenir, de sentir lorsqu’une
femme est enceinte et d’autres balivernes de cet acabit !!!
-
Du genre ?
-
Du genre, du genre, de parler avec les anciens !
-
C’est bien de parler avec les personnes âgées, elles sont pleines de bons conseils.
-
Quand je parle d’anciens, c’est pour ne pas dire les morts.
-
Oui, là évidemment ce n’est plus la même chose.
-
Non, plus vraiment. »
Enzo était beaucoup plus intrigué qu’il ne le laissait paraître. Le son de sa voix était resté
impersonnel, sans passion, il semblait même ne porter aucun intérêt à ce que venait de lui révéler
François Letelier, maître d’école certainement respecté de tous les habitants du village, pourtant
aussi crédule qu’eux. Car, même s’il s’en défendait, Letelier accordait une certaine importance à ce
qu’il venait de raconter.
Quant à François, il ne tenait plus en place dans son fauteuil. Lui qui s’était juré de ne pas
colporter les ragots du village, était maintenant pris au piège, car son invité ne le laisserait pas s’en
sortir à si bon compte, il en était persuadé. Enzo le lui prouva aussitôt en lui demandant s’il avait
des preuves de ce qu’il racontait.
« Des preuves, non, pas vraiment. Je vous l’ai dit, je ne fais que rapporter, je n’ai jamais rien vu
personnellement.
-
Alors, il ne faut accorder aucune importance à tous ces bruits.
-
Plus facile à dire qu’à faire ! Il y a tout de même toutes ces femmes, à qui elle a révélé leur
grossesse, avant même qu’elles le sachent elles-mêmes !
-
Coïncidence ?
-
Impossible ! Elle ne s’est jamais trompée, ni sur leur état, ni sur le sexe du futur bébé !
-
Est-ce qu’elle utilise son « don » pour faire le mal ou pour nuire à quelqu’un ?
-
Grand dieu, non !!!
-
Alors quel est le problème ?
-
Le problème, c’est que les gens d’ici n’aiment pas ce qu’ils ne comprennent pas ! Voilà où
il est le problème !
-
Et ses parents ?
-
Alors là, évitez soigneusement la moindre allusion à tous ces ragots, devant son père. Si
vous n’avez jamais vu un homme en colère, ce serait le meilleur moyen de parfaire vos
connaissances sur le sujet ! »
Sur les lèvres d’Enzo, un sourire amer se dessina. Des hommes en colère il en avait vus plus
que Letelier ne pourrait en voir dans toute sa vie de reclus ici. Il en avait même vus capables de
tuer sous l’emprise de la colère, c’était dans un autre monde, dans un autre temps.
Des images envahirent l’espace de quelques secondes ses yeux gris. Des images qu’Enzo
détestait. François, qui ne semblait pas s’être rendu compte du malaise d’Enzo, continuait sur le
même ton.
« Sa mère, la pauvre femme, a juste le droit de se taire. Ce n’est pas que le père soit un mauvais
bougre, au contraire ! Bon père, bon mari, ouvrier sérieux, seulement quand il dit quelque chose, ça
file doux à la maison !
-
Flora est heureuse chez elle ?
-
…Je pense que oui.
-
Mais tu n’en es pas certain ?
-
Elle est assez sauvage, c’est vrai. Elle fréquente peu les autres gamins, qui ont, il faut bien
le dire, peur d’elle. Elle ne parle pas beaucoup. Difficile d’être affirmatif.
-
Je comprends. »
Enzo souriait, il en avait énormément appris pendant cette petite conversation. Sa petite
visiteuse lui plaisait décidément beaucoup, si elle revenait à la ferme, ce dont il doutait malgré tout,
il espérait bien s’en faire une amie. Ce ne serait certainement pas facile, mais désormais il avait
tout le temps voulu, pour se montrer patient.
Il redemanda un café à François qui, trop heureux d’interrompre cette conversation, se précipita
dans la cuisine. Lorsqu’il fut de retour avec une nouvelle tasse de breuvage, Enzo lui exposa enfin
le but de sa visite.
Vous trouverez ce roman complet à l’adresse ci-dessous :
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