Virginia Woolf : identité, politique, écriture
143 pages
Français

Virginia Woolf : identité, politique, écriture , livre ebook

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Description

« Elles voulaient, comme Antigone, non pas briser les lois mais découvrir la loi. » « Tentatives d'ordre expérimental destinées à découvrir les lois non écrites ; c'est-à-dire les lois intimes qui devraient gouverner certains instincts, certaines passions, certains désirs mentaux et physiques. Que de telles lois existent, qu'elles sont observées par les gens civilisés, on l'admet en général. Mais on commence à accepter l'idée qu'elles ne sont pas imposées par Dieu… » écrit Virginia Woolf dans Trois Guinées.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2014
Nombre de lectures 23
EAN13 9782336341354
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

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Extrait

IDENTITÉ, POLITIQUE, ÉCRITURE
VIRGINIA WOOLF IDENTITÉ, POLITIQUE, ÉCRITURE
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IDENTITÉ, POLITIQUE, ÉCRITURE
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VIRGINIA WOOLF IDENTITÉ, POLITIQUE, ÉCRITURE
Sous la direction de Françoise DUROUX
Avec la participation de Jacques AUBERT Dominique-Lucie BRARD Françoise DUROUX Irène FOYENTIN Solal RABINOVITCH Lucia RAPHAËL Nadia SETTI Anne-Marie SMITH-DI BIASIO
INDIGO
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VIRGINIA WOOLF
Publié avec le concours des Études Féminines et de Genre (EA E354) et du Conseil Scientifique de l’Université Paris VIII
En couverture : Fragments d’écriture de Virginia Woolf
En application des articles L. 122-10 à L. 122-12 du code de la propriété intellectuelle, toute reproduction à usage collectif par photocopie, intégralement ou partiellement, du présent ouvrage est interdite sans autorisation du Centre français d'exploitation du droit de copie (CFC, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris). Toute autre forme de reproduction, intégrale ou partielle, est également interdite sans autorisation de l'éditeur.
© INDIGO & côté-femmes éditions 55 rue des Petites Écuries 75010 Paris http://www.indigocf.com
ème Dépôt légal, 3 trimestre 2008 ISBN 2-35260-037-5
IDENTITÉ, POLITIQUE, ÉCRITURE
SOMMAIRE
Virginia Woolf : une Marginale en devenir Françoise DUROUX ............................................. Un film sur Virginia Woolf, avec Angelica Garnett Notes de réalisation Dominique-Lucie BRARD..................................... Libre parcours d’une écriture passante Nadia SETTI........................................................... Qui a peur de Virginia Woolf ? Irène FOYENTIN................................................... Écrire au bord du vide Solal RABINOVITCH .......................................... Dialogue entre Jacques Aubert et Françoise Duroux L’identité de Virginia Stephen Françoise DUROUX .............................................. Positions? Jacques AUBERT .................................................. Fragments de la discussion.............................................. Périlleuse féminité. To The Lighthouse Anne-Marie SMITH-DI BIASIO .......................... L’œuvre de Virginia Woolf : un essai de soi LUCIA RAPHAËL ................................................
Présentation des auteurs...................................................... Cahier de photographies ..........................................................
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VIRGINIA WOOLF
IDENTITÉ, POLITIQUE, ÉCRITURE
Virginia Woolf : une Marginale en devenir
Françoise DUROUX (Université Paris VIII)
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Le projet d’une journée autour de Virginia Woolf, son œuvre complexe et sa singularité renvoie à une histoire ancienne. Depuis l’instant où j’ai commencé les enseignements à l’Université de Paris VIII sous l’intitulé : «La question des femmes» (en 1977, donc à l’époque d’un «Mouvement de Libération des femmes» actif et inventif) je n’ai jamais cessé d’expliquer les textes théoriques de Virginia Woolf : «Une chambre à soi», et surtout «Trois Guinées». Ces textes demeurent à mon sens inégalés – même si l’on prend en compte les décalages temporels – quant à la réflexion sur la «différence des sexes». Dans le contexte indiscutablement victorien où s’inscrit l’œuvre littéraire et politique de Virginia Woolf, sa position singulière ouvre une brèche irréductible soit à une biographie, soit à une allégeance à quelque courant, littéraire ou politique. Il s’agirait donc de prêter attention à cette position dont elle tire une conclusion : le suicide. La réduction du «suicide» de Virginia Woolf à une psychopathologie est possible. Elle n’est pas pour autant suffisante. Encore faudrait-il savoir de quoi elle était malade, et comment elle n’a pas guéri, en dépit des efforts de ses amis, de sa sœur Vanessa, de son mari Leonard (et de Hoggarth Press), des enfants qui l’aimaient (Quentin Bell et sa sœur, Angelica).
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VIRGINIA WOOLF
Je voudrais donc rendre à Virginia Wolf ce qui lui est dû (au sens quasi-juridique du «claim» qu’elle prête à Antigone). Virginia Woolf est un «écrivain», sans doute l’égale de J. Joyce et d’H. James, dans un registre qui diffère de l’un et de l’autre. Mais son «œuvre» est aussi «théorique». Les textes explicitement «politiques», mais aussi les textes «littéraires» posent avec insistance la question de l’identité. C’est autour de cette problématique que se construit cette rencontre entre des personnes singulières elles aussi, qui en dehors des considérations académiques et strictement «littéraires», ont réfléchi sur le «cas» Virginia, sans préjuger d’une pathologie, mais en creusant sa question.
1. PREMIER AXE : FÉMINISMES
Les mouvements féministes des années 70/80 ont préféré «Le deuxième sexe» de Simone de Beauvoir et son héritage «constructionniste» à la problématique plus difficile proposée par Virginia Woolf. Hommages et commémorations ont afflués autour du texte et de la personne de Simone de Beauvoir, tant en Angleterre qu’en France ou aux USA lors de la «célébration» du cinquantenaire d’un ouvrage désormais canonique. (J’ai moi-même contribué, avec quelques réticences explicites, à une cérémonie pompeusement intitulée : «Celebrating The second sex» à Londres en 1999). Or cette «difficile gloire de la libre existence», Simone de Beauvoir ne la proclamait qu’au prix de la répudiation de ses compagnes de sexe, moins fortunées. Dans ses Mémoires elle raconte : «Qu’est-ce que ça avait signifié pour moi d’être une femme ?» demande Sartre. «Pour moi, ça n’a pour ainsi dire pas compté»; «Tout de même», répond Sartre, «Vous n’avez pas été élevée de la même manière qu’un garçon. Il faudrait 1 y regarder de plus près.» En bonne élève, Simone va à la Bibliothèque Nationale et fait des recherches sur les mythes de la féminité, mais elle ne se sent pas concernée. Elle parle avec une répugnance manifeste des épreuves de la
IDENTITÉ, POLITIQUE, ÉCRITURE 9 féminité : la puberté et ses métamorphoses corporelles, les seins qui poussent, les poils envahissants, la maternité : un corps colonisé, la ménopause ou la vieillesse dont elle avait si peur, très tôt. «Le deuxième sexe» exhibe son «horror di femina». Pour qu’elle se découvre «féministe», il faudra attendre que dans les années 1970, certaines viennent lui annoncer la nouvelle. Elle avait pour sa part négocié avec Sartre le «pacte de frigidité mutuelle» assorti d’un codicille : les maquerellages de jeunes filles conformes au fantasme ordinaire d’un intellectuel de l’époque qui l’exemptaient, elle, des affres de la jalousie féminine vulgaire. Les fictions démentent la réalité : comme Lou Andréas Salomé ou 2 Alexandra Kollontaï, Simone avoue dans ses romans ce qu’elle dénie dans son auto-hagiographie : elle tue Olga «sur le papier» dans «L’invitée» et écrit plus tard «La femme rompue». En revanche, le silence «féministe» autour de Virginia Woolf reste étonnant : «Qui a peur de Virginia Woolf ?» titrait Edward Albee. Mais surtoutpourquoifait-elle peur ? Les sœurs Stephen sont les filles de Sir Stephen, «straight» et pervers comme tout père qui se respecte et de «Mrs Ramsay», énigmatique modèle féminin, représenté sur un tableau (de Burnes-Jones) qui atteste sa beauté : un ange descend indéfiniment des escaliers ; elle est ailleurs, dans la nostalgie de son premier amour. Virginia, fille d’homme cultivé, de race anglaise, comme Olive Schreiner ou Katherine Mansfield, membre du Commonwealth donc, finira par se déclarer «Marginale» après une longue «traversée des apparences» à laquelle elle met fin par le suicide. Du montage triple entre Théorie, Fictions et Mémoires, d’autres ont tiré des effets de mensonge : la fiction dément la théorie, les Mémoires s’ordonnent à la théorie. Virginia écrit son Journal. Les «fictions» ne le démentent pas : elles travaillent. Les textes théoriques tirent les conclusions de cette lucidité ; Virginia traverse : «Voyage Out», «Orlando». Le «Diary» reste le matériau d’une autobiographie impossible. Les textes «théoriques», «politiques», concluent. La lucidité gouverne la trajectoire. Entre l’exploration «fictive» des identités et le diagnostic politique porté sur la place des femmes et leurs moyens, le fil ne se rompt pas :
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VIRGINIA WOOLF
«Il est indispensable qu’une femme possède quelqu’argent et une chambre à soi si elle veut écrire une œuvre de fiction. Voilà qui ne résout ni le grand problème de la nature féminine ni celui de la vraie nature de la fiction romanesque». Tout dépend des moyens (mechanai) donc de l’économie : celle de Marx pour l’indépendance économique, celle de Freud pour l’indépendance libidinale. Le vœu (Wunsch) de son Antigone, celle qu’elle invoque dans une note de «Trois Guinées» n’est pas de détruire les lois mais de «découvrir la loi» : «ces lois intimes» qui président électivement au partage sexuel. Elle ne ressemble pas à celle de Maria Zambrano, philosophe espagnole exilée mais arrimée à la «mystique», auteur deL«a Tomba de Antigona». Virginia réclame (Claim : ce qui est dû) les moyens (mèchanai et machines de guerres) pour la possibilité d’un bien-dire qui ne mènerait pas à la mort, sans «petits arrangements». La déraison de la guerre a eu raison de son obstination à ne pas mourir, en écrivant. La réalité des bombes toutes proches, triomphe effectif du fantasme détesté, l’a conduite non dans la tombe, mais dans l’eau, ces rivières et ces étangs, qu’elle aimait : fascinée. Le premier axe est donc : Virginia Woolf, «théoricienne» féministe irrécupérable par les «doxae», tant la matérialiste de la construction sociale que son envers essentialiste. Il faut donc savoir gré aux auteurs du film produit par Arte en 1997 d’avoir mis en avant le parti pris politique de Virginia Woolf dans les années qui ont précédé la seconde guerre mondiale. (John Fuedji NDR/ ARTE 1997) A la différence de Simone de Beauvoir, elle ne lisait pas que les «faits divers» et s’impliquait délibérément dans des initiatives politiques.
2. DEUXIÈME AXE : IDENTITÉS
Les textes «littéraires» de Virginia Woolf sont eux aussi théoriques, et leurs analyses «littéraires» formelles négligent les usages significatifs qui en ont été faits ;
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