Recueil de poèmes
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Ceci est une série de poèmes écrits à l'adolescence...

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Publié par
Publié le 27 juin 2011
Nombre de lectures 153
Langue Français

Extrait

La durée d'une vie sans toi
« La durée d’une vie sans toi »
Eric Faye
P39
« Le départ de l’autre lui laissait un goût troublant de bonheur différé. Il partirait, lui aussi. Le
lendemain, quand il avait grimpé au sommet du mur, il n’était plus exactement le même en regardant
le même horizon, le sud, par où des avions disparaissaient régulièrement. Il partirait. C’était un mot
d’ordre lourd d’impatience, dans lequel pointait déjà de l’inquiétude. Dans la torpeur de juin, le
merveilleux apparaissait à l’enfant. C’était une porte entrebâillée tout au fond de la tête, qu’il n’avait
jamais osé ouvrir grande car il était écrit dessus
sortie de secours.
A neuf ans, Marin comprenait que le
spectacle allait enfin commencer. Jusqu’à présent, il n’avait guère fait qu’entrer dans la salle et
s’installer, tester les sièges, découvrir qui était là et surtout, fixer des yeux l’écran immense, avec sa
promesse d’un long film en couleurs. Une aubaine, un tel spectacle, à une si bonne place…L’enfant
juché sur le mur ignorait qu’il vivait un moment comme il n’en connaîtrait plus mais auquel il
reviendrait sans cesse. Il ne comprenait pas les forces à l’œuvre en lui. Reste là et regarde en bas la
Briance qui chantonne et le moulin qui moud et continuera de moudre les heures en une farine de
secondes sur lesquelles, si tu ne le fais pas, personne ne viendra jamais verser de levain. Veilles-y !
Ne l’oublie jamais… »
P53
« Oh, que de petite mort ingurgitée à des doses infimes jour après jour pour se mithridatiser
contre la grande, ne plus régir le jour du transfert à l’hospice… »
P109
Des parents montrent à leur fille l’emplacement qu’ils se sont réservé dans un cimetière.
« Ils n’avaient plus goût à rien, d’ailleurs ils ne l’avaient jamais eu. Et ils avaient à peine cinquante
ans ! Ils ne m’avaient jamais transmis le goût de rien et me montraient cet espace, la seule résidence
secondaire qu’ils aient pu acquérir, tout juste s’ils n’ajoutaient pas qu’ils me feraient une place le cas
échéant, en se poussant, et moi qui avais envie de tout et n’arrivais à rien, avec mon salaire, avec
l’éducation qu’on reçoit par ici, enfant. Oh, j’aurais pu en rire, céder à l’ironie. « Nous viendrons pique-
niquer ici, en attendant, c’est si calme à l’ombre des conifères qui gardent l’entrée… » Vous savez, ils
ont su m’inculquer non seulement la grisaille, mais surtout l’acception de la grisaille, et je vous défie
d’en sortir par vous-même, ensuite. »
P111
« On n’efface pas sa marque de fabrique. On la porte sur soi. Je m’en suis aperçu jour après
jour, par mon inadaptation aux cercles dans lesquels j’aurai voulu m’intégrer. Mais la marque de
fabrique est aussi tyrannique que l’ADN. Votre famille et votre milieu ne vous rejettent pas, c’est tout le
contraire. Ils vous enserrent avec patience, à votre insu. Les limites qui vous sont fixées, les barbelés
sur la ligne d’horizon, ils ont tout prévu et vous ne remarquez rien. »
P115
« Elle et moi, nous sommes de ces populations conservés dans un bain de modestie, pire,
d’humilité. J’y trempe comme l’ont fait mes parents et leurs propres parents, voilà peut-être ce qui m’a
valu très tôt de vivre à côté de la vie que j’étais censé mener. Mon erreur aura été de croire que je
pouvais vivre autrement. Mais il existe cela immarcescible dans la nature humaine : le sentiment
d’appartenance. Un sociologue a parlé de
malédiction de classe.
Rêvez-vous Prométhée et tentez de
vous arracher au sol sur lequel on vous a langé, dorloté, cloué. Pendant des années, je vous l’ai dit,
j’ai voulu forcer les portes de certains milieux. Mais à l’entrée de chacun se tenait un gardien auquel
rien n’échappe. Il détermine votre origine à partir de l’éclat de vos yeux ou d’un bouton de chemise.
Parce que vous n’êtes pas d’ici, il ne vous laisse pas entrer, ou alors, s’il a eu quelques secondes
d’inattention et que vous vous êtes introduit à l’intérieur il vient vers vous rouge de colère et vous
congédie. Est-ce à force de frapper à des portes qui restaient fermées ? Peu à peu, je suis devenu
vide. »
P 20
« Figure-toi que nous avons trouvé un arbre à sucettes…..
…Une maison sur l’avenue, repris-je. Un saule. Un énorme saule croulant sous les sucettes qui
attendaient qu’on les cueille. Cet arbre appartient à un couple âgé dont le fils unique, un petit garçon,
vit dans un rêve qu’un arbre à sucettes avait poussé dans son jardin, la nuit précédent sa mort, il y a
cinquante ans aujourd’hui. Une fois par an, et uniquement ce jour-là, ils réalisent son rêve en
garnissant leur saule de sucettes. Le plus curieux, c’est qu’il neigeait dans son rêve et qu’il se met à
neiger chaque année à cette date, sitôt que les vieux parents ont accroché la dernière sucette. Ils
invitent les enfants à des kilomètres à la ronde. Cela m’étonne que vous n’en ayez jamais entendu
parler. Ils servent du chocolat chaud sur leur pelouse pendant que les enfants cueillent les sucettes.
Ils embauchent de grands gaillards pour soulever les plus petits et les aider à atteindre les hautes
branches. Seule condition : vous ne pouvez cueillir qu’autant de sucettes que vous pouvez en
rapporter chez vous. Pas de sacs en papier, pas de valises ! Oh ! J’oubliais…La cueillette ne doit
durer qu’une heure, entre le crépuscule et la tombée de la nuit, jusqu’à l’apparition de la première
étoile. Cela correspond à la dernière heure de leur fils sur terre, car l’étoile du soir dans le ciel bleu
sombre fut la première chose que remarquèrent les pauvres parents, une minute seulement après que
le docteur avait posé une couverture sur son petit visage serein. »
P 64
Le chagrin ça nimbe. Et puis ça éloigne de soi tout soupçon de méchanceté et de médiocrité. Et moi,
j’ai été enchantée que, pour un instant, cet homme me croit gentille et impeccable et pure, simplement
parce qu’il y avait de l’humidité dans mon regard et une sorte d’abandon exhalant de tout mon être.
Mais ce n’est pas ce que je suis. Non, je ne suis pas pure.
P 93
Ne plus être écrasée par les souvenirs mais apprendre à vivre avec eux, ne plus être écrabouillée par
le chagrin mais le dominer, ne plus être dans le ressassement mais simplement dans l’effleurement.
Ce serait bien alors. Je serais sur la voie de la guérison.
P 121
Ce soir-là, tu étais amoureux, sans équivoque possible. Les femmes sentent cela, il me semble. Elles
sont régulièrement percluses de doutes, barder de certitudes, mais il est des moments, des occasions
où elles savent intuitivement et absolument que le doute n’est pas permis : l’homme en face d’elles ne
ment pas, ne triche pas, il est à leur merci. Elles ont cette assurance, tout à coup, qui les rend encore
plus belles. Oui, ce soir-là, à quelques encablures de l’île de Capri, sur une terrasse déserte
surplombant un golfe qu’on aurait cru allumé d’incendies, je me suis trouvée belle et j’ai oublié mon
anxiété. Tu étais amoureux.
P 126
Mais aimer, ce n’est pas s’installer une fois pour toutes au sommet de ses certitudes. C’est douter
toujours, trembler toujours. Et puis, demeurer vigilant pour éviter que le poison mortel de l’habitude ne
s’insinue et nous tue, ou pire nous anesthésie. Ne pas croire que plus rien ne reste à faire mais au
contraire séduire, séduire encore.
Aimer, ce n’est pas gagner à tous les coups. C’est prendre des risques, faire des paris incertains,
connaître la frayeur de perdre la mise pour mieux savourer le frisson de la doubler.
Aimer, ce n’est pas emprunter des routes toutes tracées et balisées. C’est avancer en funambule au-
dessus de précipices et savoir qu’il y a quelqu’un au bout qui dit d’une voix douce et calme : avance,
continue d’avancer, n’aie pas peur, tu vas y arriver, je suis là.
Les autres
Extraits de « Les autres »
P 41
Un petit capricieux qui se prend pour un homme…ça n’est pas rare. Quand ils ne sont pas adultes au
moment où ils sont tenus pour tels, les hommes redeviennent des enfants : tout se passe comme si
leur pouvoir patriarcal ressuscitait l’omnipotence de l’enfance. Ils prétendent à tout, entendent faire ce
qu’ils veulent, quand ils veulent, comme ils veulent. Et nous les femmes, sommes nous censées être à
leur service comme à celui de leur progéniture ? Je suis douce et rebelle, et avide de créer et de
connaître, pour lutter sans violence contre ces tropismes. Je vais exister et ce sera évident. Je serai
présente et pleine. Et pas pour leurs beaux yeux.
P 56
Sait-on à quel point il y a en chacun de nous un juge et une balance ? Qui a déjà imaginé les opinions
sévères que portent sur lui-même les compagnons qu’il se croyait acquis ? Lequel se sait susceptible
au regard des autres ? Et vulnérable ? ……Ignorons-nous réellement que l’amitié paisible se tisse
dans les silences ?
P 74
N’est-ce pas pour les autres que l’on se transforme soi-même ? Claude me trouve maniaque dans
mon appartement. Je peux l’entendre mais ne supporte pas qu’il me prenne sur le fait et me le fasse
remarquer. Car alors le trait s’impose indéniablement et nous n’avons rien à débattre. Pourtant il
m’arrive d’affirmer que je suis maniaque à la maison et que j’en suis fière…Allez comprendre pourquoi
ce que vous dit un autre diffère de ce que l’on peut dire soi-même, et quand bien même l’idée est
semblable. Croyons-nous les autres incapables de cette bienveillance que nous avons pour nous-
mêmes ?
P 78
Pour le moment, leur jeunesse frémit sous l’amour comme une eau sous le vent. Elle est élan et
gaieté, mais aussi en revers doute et inquiétude, pressentiment fatal de ce que pourrait devenir ce
poudroiement d’espérance ou de potentialité qui les enveloppe aujourd’hui, halo d’optimisme dans
lequel ils nagent. Ils ignorent tout à fait comment l’existence se fige dans une forme durcie, presque
définitive, l’impossible et l’irréversible apparaissent. Puis la fulgurance d’une souffrance désunit la
belle confiance, on se relève, titubant, et ce qu’i faut de force en soi pour redresser ce sujet abattu, je
le sais, c’est énorme, et pourtant c’est en nous. Je le dis souvent à ma petite Moussia, il ne faut pas
en douter : sous la peau douce des femmes et des hommes, il y a le roc d’un cœur qui veut battre
envers et contre toutes les apocalypses.
P 81
C'est la vie réelle, telle que l'éprouvons dans sa longue glissade sur nous, qui rend plus vive notre vie
imaginaire et empathique.
P 109
Où est la main d'Estelle? Je ne serais plus bon à rien désormais sans cette main. et je la tiens
longuement, elle se donne à moi, je peux la sentir palpiter dans ma paume, sa douceur, sa chaleur qui
devient moiteur en se conjuguant à la mienne. Estelle me sourit quand elle se dégage et la reprend.
Elle sait alors qu'elle me vole quelque chose. Je possède à jamais une bouée, un soleil, une
échappée! Partout où j'irai, je partagerai cette chance de vivre en deux.
P 113
Sommes-nous seulement ce que les autres font de nous en étant avec nous ce qu'ils sont que nous
faisons d'eux?
P 114
Les souffrances que nous voulons tenir secrètes nous éloignent des autres.
P 122
Suis-je seule avec mon enfant ? Suis-je seule malgré mon enfant ? Mais oui, bien sûr. Ceux que nous
choyons, protégeons et éduquons, nous laissent isolés au dessus d’eux, dans ce territoire de contrôle
et de la maîtrise où ils nous croient. Et jamais nous ne les détrompons, jamais nous n’avouons que
nous ne savons pas, que nous avons peur, que nous sommes parfois dans l’indigence et la stupeur, et
que nous leur tenons la main non seulement pour eux mais aussi pour nous.
P 134
Nul homme n’est pour lui-même celui qu’il est pour les autres et pas davantage celui qu’il se figure
être à leurs yeux. Si clairvoyants soient-ils, les regards rencontrent tant d’obstacles : ils ne se voient
pas eux-mêmes, ils ne traversent pas la chair. Dans les limites de la parole et de la sincérité, s’inscrit
la possibilité de découvrir celui que les autres connaissent. L’identité est changeante, soumise aux
situations et aux protagonistes. Chaque caractère est enfoui dans une individualité qui se pare d’un ou
plusieurs personnages. L’accès de chaque homme à l’individualité de l’autre est restreinte.
P 137
Un amour perdu vous vole le goût de vous-mêmes avant celui de la vie.
P 137
J’ai su ce jour-là que la grossesse est le plus immense secret des femmes : aucun homme n’aura
jamais idée de ce qu’elle est, un préjudice et une béatitude, une capitulation et un épanouissement.
P 258
C’est un problème d’agresser quand on souffre, ça n’excite pas la compassion.
P 303
- Pardon. Je ne dirai plus rien, dit Niels.
- Mais ce qui a été dit ne peut pas ne pas l’avoir été…dit Fleur.
P 376
- Je crois que les femmes n’ont pas changé, mais le monde dans lequel elles vivent s’est transformé.
Il ne suscite pas de leur part les mêmes réponses, dit Estelle.
- Vous avez raison Estelle. L’être humain ne change pas, il change le monde, dit Moussia.
P450
Les blessures intérieures se cachent fort bien derrière la santé. Ainsi la force dont nous faisons preuve
nous prive des consolations extérieures.
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