La construction des arrière-mondes
281 pages
Français

La construction des arrière-mondes , livre ebook

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281 pages
Français

Description

L'histoire des trois discours religieux, philosophique, scientifique, révèle que celui de la philosophie fut gravement altéré, dévoyé, et contraint par des forces qui étaient étrangères à sa nature. Ce premier tome de La philosophie captive, La construction des arrière-mondes, retrace les péripéties d'une longue confrontation au cours de laquelle les communautés religieuses et leurs hiérarchies ont tenté de mettre sous tutelle les interrogations critiques et souvent subversives de la philosophie.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2011
Nombre de lectures 203
EAN13 9782296445611
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La construction des arrière-mondes
Ouverture philosophique Collection dirigée par Aline Caillet, Dominique Chateau et Bruno Péquignot Une collection d'ouvrages qui se propose d'accueillir des travaux originaux sans exclusive d'écoles ou de thématiques. Il s'agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexions qu'elles soient le fait de philosophes "professionnels" ou non. On n'y confondra donc pas la philosophie avec une discipline académique ; elle est réputée être le fait de tous ceux qu'habite la passion de penser, qu'ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des sciences humaines, sociales ou naturelles, ou… polisseurs de verres de lunettes astronomiques. Dernières parutions Marly BULCÃO,Promenade Brésilienne dans la poétique de Gaston Bachelard,2010. Martin MOSCHELL,Divertissement et consolation Essai sur la société des spectateurs, 2010. Sylvain TOUSSEUL,Les principes de la pensée ou la philosophie immanentale, 2010. Raphaëlle BEAUDIN-FONTAINHA,L'éthique de Kropotkine, 2010. Arnaud TRIPET,L'éveil et le passage. Variations sur la conscience, 2010. Stanislas R. BALEKE,Ethique, espérance et subjectivité, 2010. Faten KAROUI-BOUCHOUCHA,Spinoza et la question de la puissance, 2010. Arnaud ROSSET,Les Théories de l'Histoire face à la mondialisation, 2010. Jean PIWNICA,L'homme imaginaire. Essai sur l'imagination, 2010. Dominique LEVY-EISENBERG,Le Faune revisité. Figures du souhait dansL'Après-midi d'un faunede Mallarmé, 2010. Céline MORETTI-MAQUA,Bacchus de la civilisation pompéienne au monde médiéval, 2010. Michel FATTAL,Saint Paul face aux philosophes épicuriens et stoïciens, 2010.
Jean-Paul Charrier
La construction des arrière-mondes
La Philosophie Captive 1
© L’HARMATTAN, 2010 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-12689-3 EAN: 9782296126893
À Claudine
 Je ne sais ce qui me possède  Et me pousse à dire à voix haute  Ni pour la pitié ni pour l’aide  Ou comme on avouerait ses fautes  Ce qui m’habite et qui m’obsède Louis Aragon
Sommaire
Avant-propos IntroductionChapitre 1Chapitre 2Chapitre 3Chapitre 4
De la nature de la philosophie
Les origines et le « miracle grec »
La fondation platonicienne
Une philosophie heureuse
Les évolutions hellénistiques
AVANT-PROPOS
Cet avant-propos est, d’abord, un avertissement s’adressant à ceux qui s’attendraient à trouver dans mon travail une Histoire de la Philosophie. Or, il 1 en est de vénérables et d’excellentes et il n’était pas dans mon intention d’en ajouter une autre, d’autant que ce genre d’ouvrage requiert des compétences d’historien que je n’ai pas acquises. Certes, ce travail adopte des perspectives chronologiques et historiques qui exigeront du lecteur éventuel que sa curiosité prospecte le déploiement de la philosophie occidentale, sur plus de deux millénaires, depuis les présocratiques jusqu’aux récents travaux, publiés dans les dernières décennies. Je m’expliquerai plus loin sur l’extension de mes analyses. Mais je dois éclairer, dès à présent, les raisons qui lui donnent des intentions et des perspectives différentes de celles qui auraient animé le propos d’un historien de la philosophie. Mes raisons ont tenu à l’unique hypothèse qui sous-tend ma lecture des philosophes, et donc l’interprétation de leurs textes. Cette hypothèse, si on l’exprime avec sobriété est la suivante : la Philosophie est un discours critique et subversif, né sans doute dans des circonstances et un climat culturels qui n’anticipaient pas sur tous les présupposés et toutes les conséquences d’une telle entreprise critique et subversive, mais qui, dès les débuts du premier millénaire de notre ère, s’est trouvé aux prises avec des tentatives de récupération, d’annexion, d’instrumentalisation de son discours par des puissances religieuses, politiques et idéologiques qui ont inscrit sa réflexion dans des champs et des intentions qui n’étaient pas conformes à sa vocation primordiale et à son objet. Si la culture occidentale s’exprime en trois sortes de discours qui sont le discours religieux, lediscours philosophiqueet lediscours scientifique, dans l’articulation desquels apparaissent d'autres champs discursifs, comme l'Esthétique ou la Technologie, il semble évident que le langage, les démarches et l’objet de ces discours doivent se concevoir comme essentiellement différents, bien que se soient multipliées, au cours de l’histoire occidentale, redisons-le, les interfaces de leur domaine d’intervention. L’objet du discours religieux, le plus ancien sans doute, est lesalut, ses voies traditionnelles ou
1 Deux de ces Histoires ont été sur la table de milliers d’étudiants français, auxquels elles apportaient, au début de leurs études, les remèdes à des lacunes inévitables, devant la masse des textes qu’il fallait aborder : celle d’Émile Bréhier, aux PUF, en plusieurs tomes et celle d’Albert Rivaud, plus érudite peut-être, aux PUF, également en plusieurs tomes. Signalons la récente Histoire de la philosophie moderne et contemporainede Jean-Michel Besnier chez Grasset, 1993, qui comporte deux parties thématiques, l’une consacrée à la philosophie de la connaissance, l’autre, à la philosophie politique. 9
exceptionnelles, ses attitudes spirituelles, ses médiations mythiques et rituelles, ses manifestations communautaires. L’objet du discours philosophique est la quête d’un sens, celui de l’existence humaine, vouée à des raisons de persévérer dans la volonté de vivre notre aventure fragile, jusque dans le questionnement sur notre finitude et l’angoisse d’un être-pour-la-mort. L’objet du discours scientifique est laconnaissance rigoureuse de toute réalité qui se manifeste dans une expérience et selon un ordre dont il nous est possible d’expliquer la nature et l’origine. On peut dire, plus simplement, que la connaissance scientifique est celle de l’ordre dans lequel les phénomènes, offerts à notre observation, se déroulent et se conditionnent, se nouent les uns aux autres, dans l’espace et le temps. Religion, philosophie et science sont donc des pratiques discursives dont l’objet, les moyens et la fin sont inscrits dans des ordres radicalement différents. Or, ma « lecture » des philosophes et des traditions de pensée qui théorisent leurs intentions, leur quête, leur souci, leur vocation à écrire et à enseigner, suggère que leur entreprise fut, par deux fois, gravement altérée, dévoyée, mutilée, contrainte par des forces qui n’étaient pas (ou plus) celles de la philosophie elle-même.
Une première fois, lorsque son autonomie, ses modalités d’analyse et sa puissance d’interrogation furent soumises, par un statut que lui octroyait une communauté étrangère à sa discipline, le statut de « servante » de la théologie (l’ancilla theologiaedes scolastiques). Dans le cadre de la pensée « païenne », certes, la philosophie avait eu affaire avec les phénomènes religieux et l’on rencontre chez les philosophes de l’Antiquité des constructions spéculatives sur la présence et l’efficience divines dans l’existence et l’ordre du monde ou dans les normes de la Cité : chez les premiers philosophes grecs, chez Platon, chez Aristote, chez les stoïciens, ou encore les épicuriens et les alexandrins. Mais ces phénomènes religieux n’étaient pas inscrits dans une « théologie », à laquelle ils auraient dû les normes de leurs croyances, comme ensemble des vérités révélées, et les normes des pratiques rituelles qui leur correspondent. Une théologie est un système des dogmes de la foi, fondé sur un corps de doctrines, instituées par une communauté hiérarchisée de spécialistes, ayant autorité sur toute vision du monde, jusqu’à mettre en tutelle la discipline philosophique, comme cela advint dès l’antiquité tardive, marquée par l’adoption du christianisme comme religion d’État. Le Dieu de la spéculation philosophique, n’était pas, au sens strict, unepersonne, distincte du monde, et la métaphysique religieuse, issue du polythéisme, était le plus souvent un panthéisme implicite. Quant au chrétien, il se savait en possession de la vérité et sa quête du sens était comblée par une foi qui manifestait, en un seul élan, cette vérité et le sens de sa vie ; d’où le rejet de la philosophie par les premiers Pères latins (comme Tertullien ou Lactance) : se donner à la philosophie, c’était renier le Christ. Mais les affinités de l’hellénisme tardif avec le christianisme primitif, de langue
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