AU FIL DE L AUTRE
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Description

...Et pourtant, me reste et me restera toujours les visages ancrés dans ma mémoire des autres pèlerins qui ont croisé mon chemin, un chemin au demeurant le plus souvent solitaire....
J’ai envie de faire revivre ces rencontres, d’une heure, d’un jour ou plus. Peu importe d’ailleurs le temps passé ensemble. Seul compte l’intensité de l’échange, la richesse du partage. Seul compte le chemin pas à pas parcouru et non la destination

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Publié par
Publié le 08 avril 2014
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 6 Mo

Extrait

1)
AU FIL DE L’AUTRE ….
PRÉAMBULE :
Cela s’est fait en deux années. En 2011 puis 2012. Un long cheminement. 1500 Km à
pied. Plus d’un million de pas. Plus de 50 jours de marche. En direction de Saint
Jacques de Compostelle.
Cela s'est prolongé pour le plaisir à vélo en 2013 .
Tout a déjà été dit bien sûr sur ce pèlerinage que tout un chacun est invité à faire au
moins une fois dans sa vie sous peine d’être dépassé : les rencontres fortuites ; les
vicissitudes diverses et variées ; les auberges et refuges offrant le meilleur et le pire ; les
douleurs et les enchantements ; l’enrichissement spirituel, culturel et humain tout
simplement. Plus rien ne semble à dire présentant le moindre originalité.
Et pourtant.
Et pourtant, me reste et me restera toujours les visages ancrés dans ma mémoire des
autres pèlerins qui ont croisé mon chemin, un chemin au demeurant le plus souvent
solitaire.
J’ai oublié parfois leurs prénoms mêmes. J’ai conservé précieusement quelques photos.
Je n’ai gardé contact qu’avec une seule dont je reparlerai bien sûr.
J’ai envie de faire revivre ces rencontres, d’une heure, d’un jour ou plus. Peu importe
d’ailleurs le temps passé ensemble. Seul compte l’intensité de l’échange, la richesse du
partage. Seul compte le chemin pas à pas parcouru et non la destination.
Des rencontres furent belles, d’autres peut-être moins. A l’image de la vie d’ailleurs.
J’évoquerai tout ici, sans embellir le meilleur ni cacher le moins bon.
Pourquoi cette démarche ? Pour faire ressortir l’essentiel : le pèlerinage est d’abord une
rencontre avec soi-même mais aussi et surtout avec l’autre. Chaque visage croisé à cette
occasion donne sens et profondeur au chemin. Ce sont ces rencontres que j'évoque ici . A
ces compagnons et compagnes de route , je laisse la parole.2)
Dernière précision : les prénoms entre guillemets ne sont pas les prénoms réels pour
préserver l’anonymat de personnes concernées.
2011 – NANTES - BURGOS
« ELIANE »
Nos chemins se sont croisés avant même de s’y engager ! Lors d’une réunion – à Nantes
– de l’antenne départementale de l’association de Saint Jacques. Peu avant le grand
départ. Je m’y suis rendu par curiosité, pour glaner aussi quelques bons conseils de
dernière minute.
Elle était là dernière moi, attentive, discrète. Interrogée sur ses intentions, elle indique
que son départ est programmé le 28 juin, soit deux jours avant le mien. Je l’enregistre
distraitement. Quelques mots échangés sans plus en fin de soirée pour lui souhaiter
bonne route. Elle ajoute, juste, l’air de rien, qu’elle est mariée, que son mari approuve
son projet de pèlerinage et que cela ne pose aucun problème ! A bon entendeur ..salut .
Chacun ensuite est retourné chez lui pour préparer le départ.
Je m’engage sur le chemin le 30 juin suivant. Tout est découverte et ravissement. Les
étapes se succèdent. Les épreuves physiques n’arrivent pas à entamer mon
enthousiasme.
La Vendée est rapidement traversée et la forêt de Mervent au parfum enchanteur se
profile à l’horizon.
J’aborde en soirée la commune de Saint Cyr les Gats où se trouve un petit refuge. La
gardienne des lieux me fait savoir qu’une dame est déjà arrivée et s’est absentée
quelques instants. Elle revient peu après, brune, les cheveux courts déjà bronzée, mi-
souriante-mi amusée et ...pas surprise du tout plus que cela de me voir ici. Nous nous
embrassons comme si nous nous connaissions depuis longtemps. Puis direction le seul
restaurant ouvert du « village «. Nous nous présentons alors réellement l'un à l'autre . .
Sans fausse pudeur mais avec la réserve qui sied à un premier échange. Nous ne savons
pas alors comment évoluera cette rencontre ni même si nous repartirons ensemble
demain. Tout reste possible et rien n’est décidé.
Le lendemain matin, nous repartons de fait ensemble comme si cela paraissait évident.
Elle marche d’un bon pas, parle peu en marchant et a toujours l’air un peu ailleurs.
Je perçois rapidement ce qu’il faut dire ou ne pas dire, les sujets qu’il faut aborder ou
pas. Je perçois aussi intuitivement quand il faut parler ou pas. C’est une constante dans
un tel pèlerinage : préserver lors des rencontres fortuites l’intimité de chacun, ne pas
forcer, rester ouvert sans être intrusif.
J’apprends aussi qu’elle voyage sans portable : assez étonnant de la part d’une femme
seule . Volonté sans doute de vivre pleinement la solitude, au mépris du danger .
Halte, le soir même à Saint Michel les cloucqs, chez un couple de professeurs . Accueil
très chaleureux. Il faut de suite préciser – pour éviter tout malentendu - que nous ne
sommes pas un couple en ce qui nous concerne, que seul le hasard du chemin a fait
que… Nous avons droit de ce fait bien entendu à une chambre chacun.
Au réveil, ma « compagne de route « me fait comprendre qu’elle souhaite marcher
seule désormais. Cela ne fait que confirmer la réserve relative qu’elle avait manifestée la
veille à mon égard . Pas de souci en ce qui me concerne. C'est son droit .
A Maillezais, en plein marais poitevin, le soir venu, nous nous retrouvons mais pas de
refuge jacquaire, ni habitant du bourg pour nous accueillir. Direction le camping 3)
municipal où nous louons ensemble à bas prix une caravane. Le repas partagé sur
place est agréable et convivial. Elle souhaite dormir seule dans l’habitacle. Méfiance à
mon égard ? Je me contente, quoi qu’il en soit, d’un matelas sous l’auvent.
Nous repartons le lendemain chacun de notre coté. Je la laisse pour cela prendre les
devants, gardant avec elle la distance qui convient. A l’approche de Saint Laurent la
Palud, alors qu’un début de tendinite me cisaille le tendon du pied droit, je finis, sans
vraiment le vouloir, par la rejoindre. Elle manifeste alors un agacement à me voir
revenir sur ses pas. Je sais déjà que nous ne ferons plus route commune longtemps.
L’incident est vite étouffé et nous trouvons peu après un hébergement ensemble dans
une famille qui élève des oies dans les marais.
Saint Jean d’Angély est en vue deux jours plus tard , première grande étape vers Saint
Jacques .Nous clopinons l’un et l’autre à distance ,souffrant encore des tendons . Elle
sait déjà qu’elle ne pourra repartir le lendemain matin ; le soir même, je n’ai pas encore
pris ma décision. Je n’ai pas réellement de tendinite et je pourrai repartir . Je pourrai
aussi l’attendre un ou deux jours .
Ma décision est assez vite prise : je continue en me disant – sans trop y croire - que nous
pourrions nous retrouver un jour prochain Il n’y eu jamais de prochain jour . Je ne l’ai
jamais revu. Elle n’a jamais essayé de me joindre sur mon portable dont elle avait le
numéro. Je ne sais même pas si elle est parvenue à Saint Jean Pied de Port où elle devait
se rendre.
Il en est ainsi du chemin. J’apprends ses codes en cheminant. Je sais désormais que les
routes se rejoignent , se croisent puis , un jour , se séparent . Nulle tristesse à en ressentir
. C’est ainsi que cela doit être.
SERGE
J'arrive au refuge de Bordeaux-Gradignan, seizième étape de mon périple.
Serge dénote de suite parmi les pèlerins encore peu nombreux s’étant arrêtés en ce lieu . est sans âge, le regard clair et placide, la barbe abondamment fournie. Nous nous
saluons poliment. C’est un taiseux qui ne se jette pas sur le premier pèlerin venu pour
l’étouffer de ses confidences. Il ne recherche pas la compagnie ni ne la rejette d’ailleurs.
Il se suffit à lui-même.
Je finis par engager la conversation. C’est un routard. La taille imposante de son sac à
dos l’atteste d’ailleurs ! Il est allé 14 fois à Saint Jacques et j’ai envie de le croire. Il
raconte peu de choses sur ses pérégrinations. Il vit les choses plus qu’il n’en parle.
Nous repartons séparément le lendemain : c’est un marcheur solitaire. Nous nous
retrouvons le soir au Barp où il loge au refuge et moi chez l’habitant. Il m’offre une
bière au bar du coin, avec deux

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