Mimi en bonneterie
88 pages
Français

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Description

Voici le témoignage de Mimi, ouvrière de la bonneterie auboise. Une vie de travail qui couvre presque toute la seconde moitié du 20e siècle. A l'occasion d'un périple autour de différents lieux de travail aujourd'hui désertés, la vaillante sexagénaire a convoqué ses souvenirs. La parole de Mimi est minutieusement restituée par une écriture qui n'entame en rien sa verve et sa truculence.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2014
Nombre de lectures 12
EAN13 9782336352657
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0474€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre
Alain Gagnieux






Mimi en bonneterie

Une vie d’ouvrière dans l’Aube entre 1950 et 2000
Copyright


Du même auteur
Dans le cadre de sa mission au Service éducatif des Archives départementales du Doubs :
Planoise 1960-1990, une véritable petite ville au sein de Besançon , Conseil général du Doubs, 2004
Étrangers de chez nous – L’immigration dans le Doubs et à Colombier-Fontaine (1850-1950) , Conseil général du Doubs, 2008
Aux éditions L’Harmattan :
Chronique des jours immobiles – Les « nomades » internés à Arc-et-Senans (1941-1943), 2011
Clair de lune, d’un ciel à l’autre – Itinéraire d’une Vietnamienne au gré de l’Histoire, 2013 (coécrit avec Tran Nguyêt Anh)
Le chemin du purgatoire , 2013 Récit autobiographique








© L’Harmattan, 2014 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-70276-6
Mimi en bonneterie
V oici le témoignage de Mimi, ouvrière en bonneterie 1 . Le récit qu’elle nous fait de ses quarante-trois années passées dans les usines de la capitale de la maille couvre presque toute la seconde moitié du 20e siècle. C’est son histoire, tirée de la boîte noire de sa mémoire. Ce n’est donc pas celle de la bonneterie troyenne, que bien des auteurs érudits ont déjà faite, et mille fois mieux que je ne saurais le faire.
Je crois utile de préciser que Mimi est la mère de ma compagne, Christine, celle-ci participant au périple d’un jour de printemps autour de différents lieux de travail aujourd’hui désertés, périple que les pages qui suivent ont pour objectif de restituer. Ce détail me paraît devoir être mentionné, car il explique le caractère bon enfant d’une démarche biographique dont l’improvisation apparaît au détour de plus d’une page.
Ainsi, après le déjeuner d’un dimanche de mai, nous avons pris la voiture de Christine, celle-ci au volant, Mimi à l’arrière ; et moi, muni de mon enregistreur numérique, à côté de la conductrice.
La matière des pages qui vont suivre est faite pour l’essentiel de la transcription de nos entretiens de cet après-midi, mais aussi de quelques compléments recueillis occasionnellement quand il s’est agi d’éclaircir certains points ou de lever d’inévitables malentendus.
Ces entretiens ont été à peine lissés des aspérités du langage parlé. Ici et là, quelques modifications ont été apportées : suppression de redites, concordance des temps de conjugaison, ajouts provenant de discussions ultérieures.
Inévitablement, la relation des faits a été recomposée afin de respecter la chronologie du parcours professionnel de Mimi. Enfin, par respect de l’image et de la vie privée de certains protagonistes, j’ai dû anonymiser leurs noms et prénoms, voire supprimer trois ou quatre passages de ces entretiens.
Probables – bien que fortuites – sont les ressemblances avec des personnes connues. Et je gage que certains des lecteurs et lectrices de ce modeste ouvrage croiront reconnaître, les uns et les unes une sœur aînée, les autres une mère ou une grand-mère.
* * *
A vant que nous prenions la voiture pour nous rendre sur les lieux de sa vie de travail, Mimi évoque son passage à l’école ménagère de Troyes. Elle y entra en 1949, après sa scolarité à l’école d’Unienville 2 et l’obtention de son certificat d’études primaires.
Alain : Pourquoi l’école ménagère ?
Mimi : Je vais te dire pourquoi. C’est parce que chez Pépé et Mémé 3 , il y avait jamais un sou ! Tous les mois, c’était la croix et la bannière 4 pour payer les pensions de Pierrot et de Gaby [son frère et sa sœur 5 ] à Brienne 6 . Alors si moi j’avais continué… C’était déjà la cata avec deux pensions, alors avec trois… Alors j’ai dit non.
Alain : À Brienne, qu’est-ce que ton frère et ta sœur faisaient là-bas ?
Mimi : Eh bien ils allaient au collège ! Comme maintenant, il n’y avait pas d’internat. Donc Pierrot avait trouvé un copain qui l’hébergeait. Gaby était chez madame R*** avec une de ses filles. Il fallait payer quand même, hein ! Comment voulais-tu qu’ils payent trois pensions ? C’est là que j’ai dit, allez hop, moi j’arrête…
Alain : Tu étais en quelle classe ?
Mimi : En certificat d’études. Quatorze ans. Et j’ai été deux ans à l’école ménagère.
Alain : L’école ménagère, c’était à quel endroit ?
Mimi : À Troyes, au Palais de Justice. Là, il y a eu les Allocations familiales, et depuis on a refait des immeubles… À l’école ménagère, on apprenait à faire le ménage. Je me souviens qu’on faisait les vitres avec du Blanc d’Espagne 7 et du papier journal. On apprenait aussi le repassage, la couture, la broderie, la cuisine, et comment emmailloter un enfant ! En première année, on faisait son tablier de cuisine et sa toque. Après, en deuxième année, on a appris à faire des vêtements de bébé : des barboteuses, des bavoirs, des petites robes… Et puis des vêtements pour les plus grands, et une jupe pour moi ! J’ai continué à broder quand j’ai été enceinte de Christine… Et j’ai tricoté aussi sa layette, et brodé ses vêtements.
Habitant alors chez ses parents à Unienville, Mimi ne pouvait faire les trajets quotidiennement. Elle obtint alors une place dans une pension.
Mimi : À Sainte-Anne !
Christine : C’était où ? Boulevard Danton ?
Mimi : Non non ! Avenue Pasteur. Au 83 de l’avenue Pasteur. C’étaient des sœurs qui accueillaient des enfants.
La voiture nous amène alors vers le site de l’ancienne pension de jeunes filles.
Christine : C’est toujours écrit « Sainte Anne » !
Mimi : La grille n’était pas comme ça… Et à droite on tirait la sonnette pour que la sœur vienne nous ouvrir… À gauche, là, c’était la pension des filles en demi-pension, comme moi. Et à droite c’étaient des ateliers de bonneterie [nous prononcerons dorénavant « bonn’trie »] de chez Valton 8 . C’était pour les grandes filles qui travaillaient. Des orphelines qui restaient là constamment, en pension complète. Et pour pouvoir les garder. He ben, les gamines…
En effet, des ateliers étaient installés dans l’enceinte de la pension pour les jeunes filles en âge de travailler. Pour autant, celles-ci n’étaient pas autorisées à en sortir.
Mimi : Les gens de chez Valton apportaient chez les sœurs le travail pour les ouvrières, les filles. Ils venaient tous les jours. Derrière, il y avait un grand jardin. Elles faisaient du jardin, et elles élevaient des volailles, des lapins aussi…
Au fond donc, c’était les dortoirs. Il y avait une sœur qui dormait avec nous. Toutes les semaines, le lundi, elle me demandait si j’avais été à la messe :
– Et vous Michelle, vous êtes allée à la messe dimanche ? – Ah oui ma sœur !
J’y allais jamais ! [rire] Ou je lui répondais : ah non, j’ai pas pu aller à la messe, j’étais à Unienville.
Mais au mois de Marie 9 , c’était une obligation. Et aussi le mercredi des Cendres 10 . Nous, on allait au centre-ville, à Saint-Martin 11 . Alors on se planquait derrière les piliers…
Autrement, on n’allait pas au centre-ville. Parce que chez les sœurs, il fallait pas y aller, c’est tout ! Il y en a qui se sont fait poirer 12 parce qu’elles traînaient dans la rue Milo 13 . Elles portaient des bas et tout ça… Mais moi j’étais très bien chez les sœurs, et très bien vue aussi…
Alain : Tu es restée combien de temps à la pension ? Christine : Quatre ans
Nous remontons dans la voiture pour nous diriger vers le site de l’ancienne entreprise Herbin. De l’avenue Pasteur, nous prenons la rue Charles Delaunay.
Arrivant au croisement avec la rue Ambroise Cottet :
Alain [à Christine] : Ta grand-mère a travaillé ici, dans cette maison-là, vers 1960 ?
Christine : Oui, je venais la voir à vélo, toute seule… Une ou deux fois, j’ai emmené ma sœur avec moi, dans mon landau de bébé. J’avais entre huit et dix ans.
Alain [à Mimi] : Donc au début, de la pension 

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