La Dame d Auteuil
76 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

La Dame d'Auteuil , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
76 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

L'auteur nous conte la destinée tragique de Berthe, fille unique de M. Danglade, escroc de haut vol qui se cache aussi sous le nom de M. de l'Étiolle. Après avoir mené une vie pauvre et solitaire, elle connaîtra les joies d'une vie entourée de toutes les délices que peut donner l'opulence. Mais l'inévitable se produira... À l'opposé de son père, elle saura, en toutes circonstances, garder une attitude d'une intransigeante honnêteté.

Informations

Publié par
Date de parution 30 août 2011
Nombre de lectures 225
EAN13 9782820611048
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0011€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Dame d'Auteuil
Pierre Zaccone
1878
Collection « Les classiques YouScribe »
Faitescomme Pierre Zaccone, publiez vos textes sur YouScribe
YouScribevous permet de publier vos écrits pour les partager et les vendre. C’est simple et gratuit.
Suivez-noussur :

ISBN 978-2-8206-1104-8
Chapitre 1 LA POÉSIE SOUS LES TOITS

Dans les premiers mois de 1836, un homme, dont l’accent décelaitl’origine gasconne, vint louer un petit appartement de troispièces, au cinquième étage, dans un hôtel de la rue de l’Ouest,située derrière le Luxembourg. Son bagage était des plusminces ; son costume, des plus modestes ; mais il y avaitun tel cachet de bonne foi sur sa physionomie, tout en luirespirait tellement l’honnêteté et la distinction, qu’on lui louade confiance.
Cet homme, qui pouvait avoir une quarantaine d’années, amenaitavec lui sa fille, une jeune personne de quinze ans au plus,charmante et gracieuse, portant sa petite robe d’indienne tropcourte, comme il portait lui-même son habit noir suranné,c’est-à-dire de manière à donner à croire qu’une telle mise n’étaitpas faite pour elle.
L’arrivée de ces deux locataires mystérieux causa une sorte desensation dans l’hôtel, et pendant deux ans que M. Dangladehabita rue de l’Ouest, la curiosité qu’il avait excitée toutd’abord subsista et ne fut jamais satisfaite ; mais, singuliereffet de ses manières, ce qui, de la part de tout autre, auraitproduit une impression défavorable, augmenta au contraire laconsidération qu’il s’était conciliée sans l’avoir cherchée.
M. Danglade sortait le matin de très-bonne heure, il nerentrait que le soir, vers six heures, montait chercher sa fillequi l’attendait, et tous les deux prenaient silencieusement lechemin de Viot, le restaurateur providentiel du quartier latin.
Les habitués du lieu n’avaient pas été longtemps sans remarquerla jeune fille. Aussi, quand M. Danglade et Berthe faisaientleur entrée dans le restaurant, un murmure d’admiration courait detable en table. La pauvre enfant avait ensuite à soutenir uneartillerie d’œillades, si persistante et dirigée avec un telensemble, que, littéralement, elle ne pouvait lever les yeux dedessus son assiette.
Après le dîner, M. Danglade ramenait sa fille et ressortaittout de suite, pour ne rentrer qu’à minuit au plus tôt.
Que pouvait faire, durant les longues heures de sa solitude,cette enfant ainsi abandonnée à elle-même ?
Appuyée sur le petit balcon de sa fenêtre, elle rêvait… et cequi occupait sa pensée, ce qui attirait ses regards, ce n’était pasles beaux arbres du Luxembourg ou le magnifique panorama de Parisse déployant au loin.
C’était bien plutôt ces rares promeneurs qui passaient,solitaires et pensifs, sous les allées ombreuses du jardin. C’étaitencore, aux mille fenêtres qui s’ouvraient de toutes parts, desfemmes riches, heureuses, c’est-à-dire parées ; des jeunesfilles préparant leur toilette pour le bal du soir.
Pour l’âme jeune, pour le cœur enthousiaste, pour la penséeinquiète et troublée, la solitude a ses dangers, et comme déjàBerthe détestait la vie monotone qu’elle menait, elle s’arrangeaitun avenir tout plein de délices et brillant de plaisirs.
Le monde était pour elle quelque chose d’enivrant.
Ce qu’elle en voyait par échappées, ces belles jeunes femmestraversant parfois, au bras de leurs frères ou de leurs maris, lesmassifs du Luxembourg ; ces voitures qui, par le beau soleil,se découvraient pour laisser voir la soie de leur intérieur ;ces laquais aux livrées éclatantes ; ces plumes que cachaientà demi de petites ombrelles blanches, roses, lilas, tout celaondoyant : plumes, femmes, or, couleurs, au balancementmoelleux des équipages, tout cela la ravissait, la rendait folle.Puis, quand son regard se reportait sur l’étoffe terne et fanée desa robe, sur sa petite chaise de paille, sur les pauvres meubles desa chambre, elle pleurait.
Et cependant, aucune pensée mauvaise n’avait altéré la sérénitéde son front ; elle était chaste et naïve encore, comme ausortir des mains de Dieu.
La fenêtre de Berthe, bien que dominant le jardin du palais desPairs, donnait aussi sur la cour de la maison qu’elle habitait.Vis-à-vis de cette fenêtre, dans l’aile opposée, qui était moinshaute d’un étage, s’ouvrait un châssis à charnière, donnant du jourà une petite chambre, laquelle était occupée par un jeune artiste,un sculpteur, dont la vie se passait à travailler ou à flâner.
L’artiste s’appelait Lucien Bressant. Il était grand et fort,hardi d’allures, franc de physionomie et de paroles, spirituel,ardent, paresseux, et poëte. Poëte, au point d’avoir gardé, aumilieu du bouffon scepticisme des ateliers, sa foi en Dieu et sacroyance en l’amour.
Lucien avait été mauvais garçon, comme tant d’autres ; ilavait mené la vie d’artiste après la vie d’étudiant ; mais iln’était point de ceux que le plaisir blase ou tue. – Au rebours deces pauvres natures, qui, téméraires dans leur faiblesse, attaquentétourdiment la vie aventureuse, se prennent un jour corps à corpsavec elle, puis, s’affaissent bientôt pour s’éveiller, – honteuxdébris, – veufs à vingt ans de ce qu’ils appellent des illusions,revenu à lui, il s’était remis à marcher d’un pas ferme ; ilétait homme et se sentait au complet.
Mais par cela seul que ses sens n’étaient pas émoussés, que soncœur était demeuré vierge et son énergie entière, il fut, àvingt-cinq ans, une sorte d’exception bizarre au milieu de cettefoule d’hommes alanguis par les excès. Il vécut d’une vieexcentrique et changeante : tournant, pour ainsi dire, au ventde sa fougueuse inconstance ; nature chevaleresque et dévouéeà l’excès, il lui eût été impossible de se baisser, pour passer parcette porte basse de la nécessité dont parle le grandpoëte !
Et cependant, Lucien n’avait pour subsister que son art ;sa fortune, moins robuste que lui-même, avait succombé dèslongtemps ; – il travaillait, mais par boutades, et son talentd’ailleurs n’était pas de ceux qu’affectionne la masse. De temps entemps, son ciseau produisait une ébauche devant laquelle sesconfrères s’arrêtaient avec admiration ; mais avant quel’ébauche fût terminée, l’inspiration semblait se perdre enlui : et, soit nécessité, soit fantaisie, son atelier seremplissait ainsi d’œuvres inachevées.
Toutefois, malgré cette apparente impatience, Lucien avait enlui le germe de ces talents originaux qui sont destinés à triompherde l’inattention de la foule. Comme André Chénier, il se sentaitdans le cœur et dans la tête la fièvre ardente, inquiète du génie,et sans qu’il sût précisément vers quel but il marchait, ilcomprenait que, quelque jour, le voile se déchirerait, et que lagloire apparaîtrait dans toute sa splendeur à ses yeuxéblouis !…
Avant l’époque où M. Danglade vint habiter la rue del’Ouest, on rencontrait souvent Lucien assis sur un banc solitaire,au fond du Luxembourg. Il était rarement triste. Le plus souvent,sa physionomie portait l’empreinte d’une insouciance et d’unetranquillité parfaites. Comme Berthe, il rêvait ; mais sesrêveries à lui n’avaient pas pour objet un monde fantastique.C’était le monde réel considéré d’un point de vue trop poétiquepeut-être, mais embrassé d’un coup d’œil vaste et perçant. Le rêvede Lucien était tout à la fois une aspiration et un souvenir :un souvenir sans regret, car il n’avait rien perdu ; uneaspiration sans inquiétude, car il se moquait de ses désirs, qui,gloire, amour, fortune, changeaient vingt fois en une heure.Souvent il prenait ses tablettes et écrivait rapidement quelquesvers, non moins brillants et aussi peu achevés que ses ébauches desculpture. Ce devait être un curieux album que celui de cet homme,qui ne dédaignait rien et connaissait tout, hors le mensonge ou labassesse.
Vers le commencement de 1836, peu après l’arrivée deM. Danglade, Lucien changea tout à coup de conduite. Sespromenades au Luxembourg cessèrent, mais sans que pour cela sonatelier le vît davantage. Il passait sa vie dans sa petite chambre,au premier étage ; là, il écrivait ou modelait presque sansrelâche ; il semblait pris d’un subit accès d’activité.Qu’était-il donc arrivé à Lucien pour qu’il abandonnât ainsi seshabitudes aimées de flânerie ou de paresse ?
Il avait vu un jour Berthe à sa fenêtre, il l’avait trouvéebelle, et il l’avait aimée !
Dès que l’image de Berthe était venue se placer sous le regarddu jeune artiste, l’idée d’un amour nouveau, puissant, fécond,s’était emparée souverainement de son esprit.
Ce lui fut d’abord une fatigue étrange et impatiemmentsupportée. Cet amour l’effraya sérieusement. Il eut une velléité defuir, mais il eût fallu se faire violence ; il resta. Bientôt,sa passion le dominant entièrement, il fit trêve à son activit

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents