Les Aventures Singulières de René : "Le Parchemin Secret"
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Description

René, docte médecin à la retraire, personnage haut en couleur, entend un bruit suspect dans son grenier où il n'est pas entré depuis de nombreuses années.Il s'y rend avec difficultés et découvre .....

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Publié le 05 mars 2012
Nombre de lectures 137
Licence : Tous droits réservés
Langue Français

Extrait

Le Parchemin Secret
Narration de Jean Paul POIRIER
Éditions de la Corne d’Or
AVIS AU LECTEUR Parmi toutes les «Aventures singulières de René» publiées par les Éditions de la Corne d’Or , celle relatée dans les pages qui vont suivre ne manquera pas de laisser certains lecteurs dans une profonde perplexité .Toute vérité n’est , en effet , pas toujours bonne à dévoiler , surtout auprès de ceux qui se sentent confortés par les prétendues «certitudes» de notre époque .La sagesse commande-t-elle pour autant de garder le silence ? C’est du moins ce qu’a cru bon de faire jusqu’à présent René et , semble-t-il , bien lui en a pris ! . Note de l’Éditeur
CHAPITRE 1 En se réveillant ce matin là de bonne heure , René n’était pas à l’aise . Pour une raison indéterminée il se sentait d’humeur maussade . Claude , son épouse ô combien dévouée , lui avait pourtant comme à l’accoutumée préparé un délicieux petit déjeuner , mais il trouva que son café avait un goût étrange et que les croissants chauds étaient ramollis .Ramolli ! C’est ainsi qu’il se ressentait lui-même . Pourtant il ne souffrait d’aucune manière , n’était pas engourdi . Mais la mécanique de son cerveau n’arrivait pas démarrer .Tout en mâchant machinalement , il jeta un coup d’œil par la fenêtre de la cuisine sise au premier étage et ce qu’il vit le découragea : les arbres dépourvus de tout feuillage , la pelouse gorgée d’eau de pluie et l’aspect piteux des rosiers sans fleurs de son jardin témoignaient que l’hiver était bien là , avec sa cohorte de froidure , de grisaille et d’ennui .René n’aimait pas l’hiver , saison durant laquelle chacun reste confiné chez lui de peur d’attraper quelque mauvaise grippe . Finies les sorties dominicales , les brocantes de plein-air, les aubades musicales de l‘Orphéon ! Finis les pique-niques , les rassemblements amicaux et festifs ! Comment allait-il pouvoir occuper le temps de cette journée morose qui commençait à peine ? Allait-il restr planté devant son poste de télévision ? Cela ne lui paraissait pas souhaitable compte-tenu de la débilité des émissions programmées . Allait-il peindre un nouveau tableau ou sculpter une nouvelle «rouille» ? Il manquait présentement d’imagination créatrice . Allait-il se plonger dans la lecture d’un ouvrage ? Il n’en avait ni le courage ni l’envie .Décidément cette journée ne présageait rien de bon ! Il aurait mieux fait de rester au lit . Pourquoi s’était-il réveillé si tôt contrairement à son habitude de retraité ?C’est alors qu’il entendit le bruit d’une dégringolade de verre cassé provenant de l’un des étages de sa confortable demeure .Bigre» se dit aussitôt René qui suspecta immédiatement son épouse d’être à l’origine de ce vacarme . Quelle maladresse avait-elle pu commettre , avec son perpétuel souci de rangement ! Une fois de plus il lui faudrait chercher à quel endroit elle aurait déplacé ses affaires , ou du moins ce qu’il en resterait après cette catastrophe .En se levant tout en maugréant pour vérifier l’étendue du désastre , René appela haut et fort Claude pour lui demander ce qu’elle était en train de faire . Mais ne l’entendant pas lui répondre , il commença à monter péniblement les marches de l’escalier conduisant aux étages .Ayant atteint le palier du deuxième étage , il regarda à travers les portes restées ouvertes des trois pièces s’y trouvant situées et n’y remarqua rien d’anormal ; en tous cas Claude ne s’y trouvait pas . L’appelant de nouveau avec force , en vain , il gravit avec difficulté de nouveau l’escalier puis reprit son souffle sur le palier du troisième étage . Et pénétrant successivement dans chacune des chambres de celui-ci , il ne trouva trace ni de Claude ni de la catastrophe.
« Elle ne peut être que dans le grenier », pensa René . Rassemblant toutes ses forces , il grimpa de nouveau les escaliers pour atteindre ce quatrième étage dans lequel il n’avait pas mis les pieds depuis de fort nombreuses années . Quand il voulut tourner la poignée de la solide porte en permettant l’accès, il se rendit compte que cette dernière était … verrouillée !Furieux , René se mit cette fois-mais à l’apostropher à travers laci non plus à appeler Claude porte sans ménagement , lui demandant ce qu’elle pouvait bien faire ainsi enfermée dans cette sous-pente pleine de vieilleries sans intérêt , lui intimant l’ordre de lui ouvrir sur le champ .Mais au bout d’un moment il dut se rendre à l’évidence : Claude n’était pas là , partie vraisemblablement faire des emplettes en le laissant seul devant son petit déjeuner . Décidément ce n’était pas son jour ; elle avait dû le prévenir mais il ne lui avait prêté aucune attention . En tous cas il lui fallait maintenant redescendre , retrouver les clefs du grenier puis remonter ces satanés étages .Puisque Claude n’était pas la responsable du vacarme qu’il avait entendu , il ne pouvait s’agir que d’une chute de quelques tuiles détériorées de la toiture , en déduisit l‘esprit cartésien de René . Une réparation d’urgence s’imposait donc pour empêcher la pluie hivernale de pénétrer et de s’infiltrer ensuite dans les pièces à travers les plafonds . Heureusement qu’il avait conservé dans le grenier un stock de tuiles neuves pour palier à ce type d’incident .« Mais quelle corvée !»se plaignit René à la pensée de ces travaux qu’il devait impérativement exécuter et qui risquaient de lui prendre tout le temps de sa journée . Ne serait-il pas plus sage de téléphoner à un couvreur plutôt que de réaliser lui-même cette délicate et difficile réfection ? Aussitôt pensé , aussitôt fait ! Redescendant prudemment l’escalier jusqu’au rez-de-chaussée et pénétrant dans son bureau , René chercha du regard l’endroit où il avait posé le bottin des pages jaunes de l’administration des télécommunications . Ne le détectant pas immédiatement à travers les nombreuses piles de papiers , journaux , revues , livres, gravures et dessins qu’il avait entassées , René maudit dans l’ordre ,-d’abord lui-même , incapable de rechercher seul où il avait rangé ce satané bottin-ensuite Claude , partie en catimini sans le prévenir .Finalement il le retrouva sur … son fauteuil de bureau où il avait dû faire office de coussin . Le feuilletant avec empressement il y découvrit pas moins de vingt adresses d’entreprises de couverture à Saint Germain en Laye et dans les localités avoisinantes , ce qui le rassura .Toutefois il déchanta vite lorsqu‘il voulut les joindre par téléphone : il eut affaire soit à des messageries impersonnelles dans lesquelles un disque pré-enregistré l’invitait à laisser ses coordonnées téléphoniques en vue d’un éventuel rappel , soit à des abonnés absents , soit à des artisans manifestement âpres au gain qui refusaient purement et simplement de se déplacer pour un si petit chantier . Une seule fois il put converser courtoisement avec une voix féminine , mais s’entendit répondre que son patron n’était pas disponible avant plusieurs semaines , son carnet de commande étant plein à raz bordFurieux contre cette époque où l’on ne trouve plus de professionnels compétents malgré l’importance du nombre de chômeurs , René prit les clefs du grenier dans le tiroir où elles se trouvaient pour une fois bien rangées et se mit à remonter péniblement les étages de sa maison .
CHAPITRE 2 Arrivé totalement essoufflé sur le palier du quatrième étage , René glissa avec énervement la clef dans la serrure de la solide porte du grenier; mais il ne put la faire tourner , le penne restant inexorablement bloqué ! Sur l’instant il pensa s’être trompé de clef et s’en prit à lui-même d’avoir été si peu clairvoyant ; il n’était pas en effet habituel qu’il retrouve du premier coup et seul , sans l’aide de Claude , quelque objet que ce soit dans sa confortable demeure. Il avait dû confondre avec la clef de la cave ( autre lieu où il mettait rarement les pieds ).La clef semblait pourtant bien correspondre à la serrure , certes fort ancienne et donc vraisemblablement grippée . A cette pensée René fut découragé car redescendre les étages , fouiller dans son atelier situé au rez-de-chaussée pour y dénicher un bidon d’huile de machine à coudre , remonter l’escalier , dérouiller le mécanisme de la serrure lui parurent au dessus de ses forces . Nul doute que dix ans auparavant il aurait fait tout cela facilement . Mais aujourd’hui il n’était plus aussi alerte ni aussi patient !Faisant , par acquit de conscience , une nouvelle tentative avant de redescendre , il tourna par mégarde la clef en sens inverse . Et bien lui en prit car miraculeusement le penne émit un cliquetis révélateur ; la serrure était tout simplement montée à l’envers .Soulagé , René s’empressa de pousser la porte , mais il ne put l’ouvrir en grand quelque chose étant coincé derrière celle-ci . Son entrebâillement était toutefois suffisant pour que René puisse , en rentrant son ventre , s’y glisser sans trop de difficulté .A l’intérieur du grenier la pénombre des lieux légèrement éclairés par les rais de lumière pénétrant à travers les interstices des tuiles de la couverture ne lui permirent pas de voir plus loin que le bout de son nez . A tâtons il décela des cartons qui en bloquaient la porte et il tenta de rassembler ses souvenirs pour déterminer l’endroit où se trouvait situé l’interrupteur électrique . De la main droite , il longea l’huis et sentit la présence de plusieurs toiles d’araignée qui le firent , malgré lui , légèrement frissonner . Puis ses doigts ne détectant rien d’autre que le plâtre des murs , il se rappela soudain avoir fait rénover dix ans auparavant l’installation électrique en positionnant l’interrupteur à l’extérieur sur le palier lui-même Ressortant en maugréant et en rentrant de nouveau son ventre , René alluma puis se re-faufila à l’intérieur du grenier éclairé cette fois-ci par une faible lueur blafarde s’écoulant de l’unique ampoule pendante d’un fil accroché sur une poutre maîtresse de la charpente . Et ce qu’il y découvrit l’étonna .Quel invraisemblable capharnaüm ! Des bois de lits , des meubles démontés , des cartons plus ou moins empilés , des sacs de toile bourrés à bloc , des cadres et tableaux rangés les uns à coté des autres , des livres et bibelots de toute sorte disposés de-ci de-là et un gigantesque canapé au tissu râpé encombraient dans le plus grand des désordre cette remise poussiéreuse . René ne se rappelait même plus avoir un jour possédé , ou même simplement vu , tous ces objets surannés qui s’y trouvaient remisés .
A vrai dire lorsque René avait acquis trente années auparavant cette maison bourgeoise ayant appartenu à une famille de notabilités locales , le grenier était déjà en partie encombré , son vendeur n’ayant pas eu le courage de le vider totalement . Depuis René n’avait fait qu’y entreposer ce qui ne lui paraissait plus utile pour son quotidien sans pour autant lui paraître voué à la décharge et ce dans l’espoir de pouvoir lui re-servir un jour .En regardant rapidement l’ensemble constitué par toutes ces vieilleries accumulées sans souci de rangement comme dans une échoppe de brocanteur , René se sentit soudainement fébrile : en cherchant bien il n’allait pas manquer de découvrir quelque chose d’intéressant .Et c’est alors qu’il remarqua dans l’un des angles de la souspente ce qui avait provoqué le bruit de verre cassé qu’il avait perçu depuis sa cuisine : un imposant vaisselier de style Louis Philippe en partie vermoulu y était renversé avec tout son contenu , jonchant le plancher de débris de porcelaine , faïence et verre , écrasant dans la violence de sa chute un stock de cadres et de sous verres en les brisant en mille morceaux .Levant les yeux pour examiner les tuiles de la couverture à travers les poutres et linteaux de la charpente , René constata qu’en revanche l’ensemble était en parfait état malgré les innombrables toiles d‘araignée qui le tapissaient. Heureusement qu’aucun couvreur n’avait voulu venir car non seulement René en aurait été quitte pour payer un déplacement inutile mais surtout il se serait couvert de ridicule !Avant de commencer à s’approcher de l’imposant vaisselier renversé , René entendit Claude l’appeler du bas des escaliers pour lui demander son aide afin de monter à la cuisine son caddie et ses sacs remplis du ravitaillement pour la semaine qu’elle venait de faire au marché .Refermant à contre-cœur la porte du grenier , René descendit sans grand empressement l‘escalier, ralenti par la présence sur une marche du chat de la maisonnée qui s’y trouvait confortablement lové en train de dormir .Claude le vit arriver pestant contre ce fichu animal , les vêtements plein de poussière et les cheveux remplis de toiles d’araignée . En épouse dévouée , elle s’abstint de tout commentaire et ne lui posa aucune question , mais elle s’étonna quand même de le voir dans un tel état alors qu’elle l’avait quitté tranquillement assis à la table de la cuisine : qu’avait-il bien pu faire pendant les quelques heures de son absence?René n’estima pas de son coté utile de lui raconter l’incident qui s’était produit , il se promit intérieurement d’aller re-visiter son grenier dès qu’il aurait terminé la corvée de rangement des victuailles . Avec un peu de chance il allait retrouver quelque objet digne d’être de nouveau mis en valeur dans l’une des pièces d’apparat de sa confortable demeure .Mais il faut croire que , ce jour là , le ciel n’était pas avec lui , car sitôt les victuailles rangées, René dut se prêter bon gré mal gré à une nouvelle corvée domestique : celle de l’épluchage des haricots verts frais que Claude avait décidé de cuisiner pour le repas du midi !Il devait donc maintenant s’armer de patience avant de pouvoir retourner dans ce grenier qu‘il avait déserté depuis tant d’années . C’était bien sa veine , alors qu’il avait enfin trouvé comment occuper sa journée !
CHAPITRE 3 Sitôt le déjeuner avalé , René retourna discrètement dans son grenier , échappant à la corvée de la vaisselle , avec l’empressement d’un collectionneur à la recherche de l’objet rare lui manquant . Tout en regardant le capharnaüm qui s’y trouvait , il hésita un moment : par où devait -il commencer ? Après un regard circulaire rapide il jeta son dévolu dans le coin du grenier où se trouvait situé le vaisselier renversé . Puis s’en approchant avec précaution en évitant de marcher sur les éclats de verre et de porcelaine jonchant le plancher alentour , il décida de le remettre debout dans sa position initiale .S’accroupissant afin d’attraper par en dessous l’un des angles supérieurs de l’imposant meuble , il tenta de le soulever tout en se relevant , mais une vive douleur au bas du dos , prémisse d’un lumbago . le contraignit à lâcher prise sur le champ .«Je n’y arriverai jamais tout seul»se lamenta-t-Pas question pour autant d’appeler Claudeil ! à la rescousse car il risquerait fort d’essuyer ses remontrances ; n’était-il pas en effet déraisonnable pour un grand’ père de son âge , de surcroît récemment opéré de l’articulation d’un genou , de se livrer à ce genre d’exercice ? Ne commençait-il pas à sérieusement perdre la tête en voulant ranger ce grenier plein de vieilleries sans intérêt ?Ne pouvant seul remettre debout le vaisselier , mais curieux de savoir ce qu’il contenait avant sa chute , René réfléchit en faisant appel à son bons sens et à son astuce coutumière : avec un solide levier , il devait lui être possible de le faire à tout le moins basculer sur un côté sans grand effort .Or il avait bien entraperçu auparavant quelque part dans le grenier des bois de lits rangés les uns à côté des autres à même le plancher le long d’un mur ; il lui fallait donc présentement les retrouver . Se redressant tout en douceur pour éviter une réapparition de sa douleur lombaire , René entreprit de les rechercher puis , les trouvant , il s’empara d’une traverse de sommier et se remit à la tâche . Effectivement en seulement deux tentatives il réussit avec ce sommaire outil à faire basculer sur le côté l’imposant vaisselier .Dans la manœuvre , ce dernier émit des grincements de bois et des bruits de verre cassé qui durent se transmettre jusqu’au rez-de-chaussée .«Pourvu que Claude n’ait rien entendu » songea René de crainte d’éveiller chez elle la curiosité devant ce remue-ménage et de se voir par elle réprimandé .Gardant le silence un moment , en s’abstenant de tout mouvement et en épiant les bruits familiers de la maisonnée , René fut soulagé en ne voyant pas arriver Claude . Il se mit alors à examiner les dégâts occasionnés par la chute du vaisselier et devint immédiatement très intéressé car parmi les débris de cadres et de sous-verres il détectait la présence de gravures et d’aquarelles anciennes .
Afin que le lecteur comprenne bien le déroulement des faits qui vont suivre , il est opportun de préciser ici que depuis sa plus tendre enfance , René avait toujours été fasciné par le dessin et la peinture . Son père lui avait même déclaré , un jour , qu’il devait tenir cela de famille , car l’un de ses grand’ oncles , médecin comme eux , avait fait de «l’ Aquarelle» son véritable violon d’IngresDevenu peintre de talent , dont les nombreux tableaux et collages allaient prochainement être exposés en grande pompe dans une galerie réputée , René était irrésistiblement intéressé dès qu’il voyait une œuvre picturale . Il se plaisait à la comparer avec ses propres créations artistiques , tantôt avec envie lorsqu’il l’estimait plus belle que les siennes , tantôt avec une pointe d’auto-satisfaction lorsqu’il l’estimait moins réussie .En tous cas , sa curiosité totalement en éveil , il entreprit de sortir une à une des vitres cassées , avec délicatesse , les gravures et aquarelles afin de pouvoir les examiner ensuite tranquillement dans leurs moindres détails . Ce faisant il fit une singulière découverte qui n’allait pas manquer de le préoccuper .Parmi les aquarelles , un vieux parchemin jauni par les années s’y trouvait plié en quatre . Manifestement il n’était là que par le plus grand des hasards , à moins qu’il n’ait été volontairement caché entre une aquarelle et le fond en carton de son encadrement .L’aquarelle se trouvant au dessus du parchemin n’apparut pas totalement étrangère à René : elle représentait une ancienne cité orientale avec une multitude de petites maisons en bois aux toits recouverts de tuiles rouges , parsemées de ci de là de coupoles et de minarets . L’ensemble n’était pas loin de ressembler à l’une des ses œuvres maîtresses , un collage intitulé «Sans Titre» qui lui avait valu de gagner un concours organisé par le Lion’s Club International où elle avait été primée ( *)Prenant délicatement ce parchemin au risque de le faire tomber en poussière , René le déplia précautionneusement avec la curiosité d’un archéologue sur le point d’effectuer la découverte du siècle et il le mit bien à plat afin de pouvoir l’examiner . Mais il dut changer de place , car non seulement sa position accroupie commençait à lui faire mal au genou , mais de plus il n’y voyait guère suffisamment dans ce coin sombre de son grenier .Cherchant un endroit plus propice , René avisa le gigantesque canapé trônant au beau milieu du capharnaüm , juste au dessous de l’unique ampoule éclairant les lieux , et il s’y vautra confortablement faisant fi de l’imposante couche de poussière en recouvrant le tissu râpé . Il ne put cependant retenir une brusque envie d’éternuer provoquée par l’intrusion dans son nez de particules qui s’étaient envolées sous son poids . Craignant d’avoir quelque peu maculé son parchemin , René le regarda mais dut s’y reprendre à deux fois . Ses lunettes n’ayant pas été épargnées par la poussière des lieux , il lui fallut d’abord les essuyer .Que vit René sur cet antique parchemin caché depuis des années dans le sous-verre d’une vielle aquarelle ? C’est , à n’en pas douter , ce que vous , cher lecteur, avez hâte de connaître . Un peu de patience . Vous ne manquerez pas de le découvrir dans les pages qui vont suivre .(*)Note de l’éditeur:Lire «Le Premier Prix du Jury» déjà publié aux Éditions de la Corne d’Or
CHAPITRE 4 Après avoir essuyé correctement ses lunettes pleines de la poussière qui s’était échappée sous son poids du vieux canapé sur lequel il venait de se vautrer , René regarda le parchemin éclairé par la lueur blafarde de l’unique ampoule éclairant le grenier . Un texte manifestement écrit à la plume et d’une calligraphie orientale aux fioritures toutes en points et déliés s’y trouvait , témoignant de l’ancienneté du document . L’encre qui devait vraisemblablement être noire s’était au fil des ans pâlie , seule sa pigmentation ocre étant encore visible .Et voici ce que lit René :«Tard dans la nuit , Nasreddine Hodja était dans la rue à tourner en rondsous un lampadaire . Son voisin , qui rentrait d’une longue soirée , passa près de lui .- Que fais-tu Nasreddine , si tard ?-J’ai perdu la clé de ma maison .-Ne t’inquiète pas , je vais t’aider à la retrouver .Le voisin se mit à chercher avec Nasreddine . Ils regardèrent partout , sousla poussière , sous les feuilles mortes , mais en vain : il n’y avait aucune tracede la clé .- Dis-moi , Nasreddine , es-tu sûr d’avoir perdu ta clé ici ?-Non je l’ai perdue dans l’autre rue , là-bas .- Mais alors , pourquoi la cherches-tu ici ? -Parce que là-bas , il fait sombre , alors qu’ici , il y a la lumière .»A cette lecture , René fut … décontenancé . Lui qui croyait avoir trouvé quelque chose d’intéressant , un document ancien d’une certaine valeur , volontairement caché dans le fond d’un cadre , en restait sur sa faim .Pourquoi tant de mystère pour conserver secrètement cette blague à-priori débile ! Quel rapport avec l’aquarelle derrière laquelle il l’avait trouvée ?René ne cessait de se poser ces questions , déçu que le parchemin n’ait révélé aucune intrigue singulière . Il aurait bien imaginé une lettre d’amour témoignage d’une liaison adultère d’êtres ayant vécu jadis une irrésistible passion . Il aurait bien imaginé la trame d’un antique complot , ou encore des indications sur un trésor dissimulé .Mais découvrir qu’il ne s’agissait que d’une histoire drôle , d’un humoriste totalement inconnu de nos jours , lui faisait en cet instant regretter sa fébrile quête et l’effort qu’il avait dû fournir pour dénicher ce vieux parchemin .Avec rage , il le froissa entre ses mains , le mit en boule et le jeta en le lançant à travers le grenier sur le tas de verre cassé où il l’avait découvert , cette fois-ci sans ménagement , se souciant peu de le détériorer ou le faire tomber en poussière .
Après ce geste rageur , René se calma un peu . Qu’espérait-il vraiment découvrir en cherchant dans le capharnaüm de son grenier ? Un objet oublié susceptible de rehausser la décoration de sa demeure ? Un ustensile bon à ré-utiliser ? Un souvenir de son passé ou de celui de sa famille ? S’il avait remisé toutes ces vieilleries qu’il avait oubliées , c’était bien parce qu’elles ne pouvaient plus lui servir à grand’ chose et que son grenier constituait , en vérité , l’antichambre de la décharge publique . Pourquoi les avait-il conservées malgré tout ? Par nostalgie du temps qui passe ? A cette pensée , René se remémora sans trop savoir pourquoi ces vers appris dans son enfance :«Objets inanimés avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force à aimer? » Mais son esprit cartésien reprenant le dessus , il se ressaisit d’un coup , se relevant prestement du canapé , refoulant le spleen qui commençait à s’incruster dans ses pensées . Il ne trouverait rien d’intéressant dans ce grenier et n’y remettrait pas les pieds de sitôt ! Même l’aquarelle représentant la cité orientale n’était pas digne de son salon et ferait pâle figure à côté de son propre collage beaucoup plus réussi !Quittant sur le champ le grenier et alors qu’il s’apprêtait à redescendre les marches pour retourner dans une pièce plus confortable de sa demeure , René faillit se rompre le coup , la lumière électrique venant brusquement de s‘éteindre . Attribuant immédiatement cette panne d’électricité à une grève surprise des assimilés-fonctionnaires préposés de l’E.D.F. , René jura entre ses dents et s’accrocha du mieux qu’il put à la rampe de l’escalier pour , prudemment et à tâtons, rejoindre une pièce baignée par la lueur de jour .Ce faisant , l’histoire de Nasreddine Hodja lui revint en mémoire . A bien y réfléchir que signifiait-elle réellement ? Était-elle si débile ? Pourquoi quelqu’un avait-il cru bon , jadis , de la cacher ? Était-ce pour qu’elle reste ignorée de ses contemporains ? Était-ce pour la transmettre à une génération future lorsqu’elle remplacerait le sous-verre de l’aquarelle ? Et qu’avait-elle de si important pour avoir été ainsi conservée et transmise en secret jusqu‘à notre époque ? Plus il réfléchissait , plus René devenait convaincu que cette blague de Nasreddine Hodja avait un sens caché qui méritait que l’on s’interroge plus profondément . Et qui était donc ce personnage , manifestement oriental , qui avait dû vivre bien avant le peintre de l’aquarelle ? Était-il un fou simplet ou au contraire un sage ? La lumière et l’obscurité ne sont-elles pas des concepts éternels que toutes les philosophies et religions se sont appropriées ? De tous temps les prédicateurs et les scientifiques n’ont-ils pas eu la prétention d’être lalumièresans laquelle les hommes resteraient dans l’obscurantisme ? Peuvent-ils pour autant résoudre les difficultés de l’humanité ?Pendant le reste de la journée , René ne cessa de se poser des questions sur le sens caché de cette parabole orientale . Puis à force de s’interroger il en comprit subitement , dans toute sa clarté lumineuse , l’évidence dumessage. Mais il s’est bien gardé jusque là de le révéler à quiconque … de peur de paraître aussifouque Nasreddine Hodja !Au milieu de la nuit , pendant que Claude dormait profondément , René en profita pour retourner en catimini dans son grenier et récupérer ce vieux parchemin qu’il avait si rageusement jeté , convaincu dorénavant de sonincontestable valeur. Depuis lors il se trouve soigneusement replié entre les pages d’un volumineux traité de médecine générale , bien rangé dans la bibliothèque de son bureau . Et René espère sincèrement que ses descendants pourront le redécouvrir un jour .
EPILOGUE Ce qu’ignorait vraisemblablement René est que Nasreddine Hodja avait vécu au VIIIème siècle dans un village d’ Anatolie ( Turquie) où l’on peut encore voir sa tombe de nos jours.Ses histoires étaient , en général , assez courtes , nues et coupantes comme la vérité . Derrière chacune d’elles se cachait une sagesse simple comme la lumière du jour . Il pouvait être grave , sérieux ou absurde , mais ce qu’il disait n’était jamais gratuit . Derrière le rire que suscitaient ses histoires , il présentait à chacun la vérité dans toute sa cruauté .En tous cas , si d’aventure , Vous , les amis et proches de René , venez à visiter la volumineuse bibliothèque de son bureau situé au rez-de-chaussée de sa confortable demeure , abstenez vous formellement d’en feuilleter , par curiosité , les livres ! . Vous risqueriez fort , en effet , de le contrarier secrètement !.
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