Les colocs
81 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Près du Bon Marché, à Paris, six vieux amis âgés de 60 à 85 ans, aux personnalités originales et attachantes, partagent leur quotidien pour adoucir leurs vieux jours dans un grand appartement.







Jean, le " précieux " patron du dernier cabaret transformiste de Montmartre ; Kathy, une comédienne sur le retour ; Monica, une ancienne vendeuse du Bon Marché devenue agent de renseignements du quartier ; Paul, ancien détective de l'hôtel Lutetia et vieux séducteur accro au Viagra ; Blanche, une romancière en herbe en quête d'un éditeur, et Honorine, une vieille bougonne neurasthénique.







Leur vie s'écoule tranquillement jusqu'au jour où une société foncière vient mettre en péril l'avenir du cabaret en projetant de le remplacer par le premier hôtel de luxe de la Butte Montmartre. Notre petite bande va remuer ciel et terre pour tenter de le sauver.





Informations

Publié par
Date de parution 06 octobre 2011
Nombre de lectures 98
EAN13 9782749123189
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Vincent Pichon-Varin
LES COLOCS
Roman
Couverture : Caterine Costerisant. Photo de couverture : Brigitte Baudesson. © le cherche midi, 2011 23, rue du Cherche-Midi 75006 Paris
Vous pouvez consulter notre catalogue général et l’annonce de nos prochaines parutions sur notre site : www.cherche-midi.com « Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. »
ISBN numérique : 978-2-7491-2318-9
À Emma, Manon et Lou.
M algré la mousse du tapis de sol, le vieux parquet en chêne craque en rythme sous les pas saccadés. La musique donne la cadence, trop rapide pour certains qui font l’économie d’un mouvement sur trois. Au premier rang, à la place habituelle de la bergère Louis XV, Blanche tente de se concentrer. En étant plus près de la jeune prof de gym et des enceintes qui encadrent la cheminée, elle a une petite chance de percevoir quelques sons. Derrière elle, Jean et Paul, les deux garçons, en lieu et place du canapé Chesterfield qui, chaque matin de la semaine à dix heures, est déplacé contre les fenêtres, jouent les mauvais élèves. Kathy et Monica ont annexé le fond du salon, près du grand radiateur, pendant qu’Honorine, la dernière comparse, lit tranquillement dans sa chambre.
 
Il y a dix ans, Honorine, Blanche, Kathy, Monica, Paul et Jean ont choisi de partager leurs vieux jours pour adoucir la solitude qui grandit au fil du temps.
 
Ces colocataires d’un nouveau genre ont posé leurs cartons au cœur de Paris, à deux pas du Bon Marché, dans un grand appartement du très chic 7 e arrondissement, au 7, rue Récamier, où chacun dispose de sa propre chambre. L’appartement surplombe un petit square dissimulé au fond de l’impasse, que seuls les riverains connaissent.
 
La première à avoir emménagé a été Honorine ; c’est d’ailleurs elle qui s’occupe de tout l’administratif de la colocation. Au départ, elle connaissait Blanche et Jean. Blanche a fait venir Monica, qui a fait venir Paul, tandis que Jean proposait Kathy. Tout le monde s’est tout de suite bien entendu, ce qui surprend toujours les personnes extérieures, mais pas celles de la troupe. Bien sûr, les caractères évoluent, on devient parfois un peu bougon avec l’âge, mais tout le monde accepte les petits écarts des autres, car c’est le prix à payer pour que cette petite communauté vive. Et puis, compte tenu de l’espace dont chacun dispose, le prix du loyer est presque dérisoire, c’est une autre bonne raison de se tenir à carreau. La seule à sortir vraiment des rails est Honorine, mais, étrangement, personne n’a idée de la reprendre. Est-ce pour les services qu’elle rend en gérant la location pour tout le monde ? Sa générosité pâtissière ? Son ancienneté dans l’appartement ? Nul ne sait, mais tous pardonnent ses écarts. La seule entorse qu’ils s’autorisent et qui sert à évacuer un peu la tension, est de l’appeler Tatie Danielle à son insu.
 
« Plus haut la jambe, madame Monica. Prenez exemple sur monsieur Paul, qui lève la sienne avec la souplesse d’un jeune homme. »
 
L’assistance rigole doucement, Paul sourit, beau joueur. Paul, c’est l’éternel charmeur de la bande. 81 ans, ancien détective de l’hôtel Lutetia, jamais marié, un nombre incalculable de maîtresses à son palmarès, toujours très actif, et ça devient de plus en plus facile. Il a de moins en moins de concurrents et de plus en plus d’amantes potentielles. Monica, elle, prétend que ça le conserve.
 
Aussi loin que remontent ses souvenirs, il a toujours été obnubilé par les femmes, mais, malgré une fâcheuse manie de collectionneur, il leur a toujours témoigné un profond respect. C’est un séducteur à l’ancienne, qui flatte, qui a des petites attentions, qui papote beaucoup et qui rappelle toujours. Et ce petit coup de fil post-coïtum le distingue des goujats. Il a la braguette reconnaissante, Paul, et il n’oublie jamais, pas seulement parce que la fois suivante il y aura moins de chemin à faire pour arriver à nouveau à ses fins, mais parce que c’est dans son éducation. Paul est un vrai gentleman.
 
Chez Paul, tout fonctionne, ou presque ; car une ablation de la prostate après la découverte de cellules cancéreuses, il y a cinq ans, l’empêche désormais d’avoir des érections naturelles. Mais cela n’est pas un souci, il s’est vite habitué aux injections de stimulant. Il est incollable sur les corps caverneux, connaît sur le bout des doigts le temps de réaction et la durée de stimulation, et a adapté sa technique à ce petit contretemps. Un véritable professionnel. Quand il a ôté la culotte, et seulement à cette condition qui valide l’accord de la partenaire, alors il commence les préliminaires. Grâce à sa souplesse d’ancien gymnaste, il attrape discrètement la seringue placée au préalable à un endroit accessible, en général sous le lit, réalise une contorsion étudiée pour pratiquer l’injection tout en continuant ses préliminaires. Et dans ce laps de temps, Paulette, comme il a surnommé affectueusement son engin, se met au garde-à-vous et donne le top départ de la chevauchée fantastique. Mais attention, la bête a beau être lâchée, il ne faut pas pour autant oublier le chronomètre, car l’érection peut cesser au bout de quinze minutes. Alors, il n’est pas question de réviser tout le Kamasutra, Paul doit faire des choix tactiques ingénieux parmi les figures de style.
 
Ce matin, comme tous les autres, il est le plus docile aux injonctions de la jolie prof de gym, et pas uniquement par amour du sport.
« Jean, c’est la dernière fois que je vous le dis, pas de chaussons au cours de gym. Ils sont très beaux, très roses aussi, mais les chaussons, ça glisse sur le parquet et donc c’est ?
Et l’assistance de répondre en chœur :
– Dan-ge-reux.
– Eh oui, c’est pas la peine de faire de l’exercice...
– Du sport ! l’interrompt Kathy.
– Oui, pardon, du sport, si c’est pour se faire du mal. Allez, on finit cette série et on passe aux étirements. Madame Blanche, essayez d’être plus en rythme avec la musique, vous verrez, ce sera plus fluide. Elle est assez forte, la musique ? »
 
L’assistance ricane à nouveau. Blanche n’a pas entendu la question et vaguement la musique, elle enlève son appareil auditif pour la gym, car il est fragile et peu pratique. À part cette légère surdité et un peu d’hypertension, elle se porte comme un charme. Elle continue même ce qui était un passe-temps lorsqu’elle enseignait le français et qu’elle était lectrice pour les éditions Mabillon. Le cours de gym est le seul moment où elle accepte vaguement d’être dirigée, car sa longue carrière de prof et son statut de doyenne de l’appartement, avec 87 printemps au compteur, lui confèrent une autorité rarement contestée.
 
La prof de gym enchaîne :
« Allez, on arrête, vous avez bien travaillé. Un verre d’eau et on passe aux étirements. Quelqu’un prévient madame Honorine ? »
 
Honorine ne fait pas de gym, elle n’aime pas cela, par contre son médecin lui a imposé de se joindre au groupe pour la séance d’étirements afin de lutter contre l’engourdissement des articulations. Dans le meilleur des cas, elle est un peu acariâtre, le reste du temps elle est plutôt acerbe. Son surnom depuis peu, c’est Tatie Danielle. Mais ses compagnons ne se permettraient pas de faire de l’humour en sa présence. Elle est crainte et aimée à la fois, comme une vieille maîtresse d’école, célibataire et renfrognée. Malgré son caractère exécrable, tout le monde la ménage et la respecte, car elle n’a pas toujours été ainsi.
« Bonjour, madame Honorine, merci de vous joindre à nous. Comment va l’artérite aujourd’hui ?
– Ne vous occupez pas de moi, faites votre cours. Vous savez ce que je pense de tout ça, ma petite demoiselle. Si le docteur ne m&

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