ANTIOCHE (D) AU HATAY
224 pages
Français

ANTIOCHE (D)'AU HATAY , livre ebook

-

224 pages
Français

Description

A travers l'histoire du Sandjak d'Alexandrette, rattaché à la Turquie au terme d'un processus où la France s'empêtrera dans ses contradictions sur la question " nationale ", cet ouvrage interroge la validité d'une vision homogénéisante et jacobine de la nation, qui continue de faire des émules et justifie les affrontements sanglants que connaissent, aujourd'hui, outre le Proche-Orient, les Balkans et le Caucase. Etude historique, ce livre est aussi une réflexion sur une problématique centrale actuelle, la quête identitaire et ses expressions nationalistes et religieuses, et l'attitude ambiguë de l'Occident face à ces " Orients compliqués ".

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2000
Nombre de lectures 63
EAN13 9782296414228
Langue Français
Poids de l'ouvrage 6 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

D'ANTIOCHE AU RATAY
L 'Histoire oubliée du Sandjak d'Alexandrette@ L'Harmattan, 2000
ISBN: 2-7384-9266-5Michel GILQUIN
D'ANTIOCHE AU RATAY
L'Histoire oubliée du Sandjak d'Alexandrette
Nationalisme turc contre nationalisme arabe
La France, arbitre?
L'Harmattan L'Harmattan Inc.
5-7, rue de l'École Polytechnique 55, rue Saint-Jacques
75005 Paris - FRANCE Montréal (Qc) - CANADA H2Y IK9Du même auteur:
. La Malaisie. Collection « Méridiens », Editions
Karthala, Paris 1996.
. Malaisie, kaléidoscope de l'Asie. Collection
« Carnet de Voyage », Editions du Dauphin, Paris 1997.Prologue
Trois jours après l'armistice de Moudros, le 30 octobre 1918, des
troupes britanniques débarquent à Alexandrette, port stratègique au
creux du golfe qui porte le nom de cette ville, rappelant le passage,
sur ces rivages abrités des hwneurs capricieuses de la Méditerranée
orientale, d'Alexandre le Grand. Ce jour-là, à une centaine de
kilomètrès au nord-ouest, à Adana, le jeune général turc Mustafa
Kemal s'apprête à rejoindre Istanbul qui va être occupée par les
Alliés.
Pàm1Ï les officiers de l'Empire ottoman, le désarroi est grand:
que va-t-il advenir de ce puissant empire qui, des siècles durant, de
Vienne au Hedjaz, des confms du Maroc au fond du golfe
arabopersique a régné sur une multitude de peuples? Lorsqu'il regarde la
carte, il songe à cet immense territoire qui, depuis son apogée au
temps de Suleyman al KanûnÏou Suleyman le législateur que les
Européens appellent Soliman le Magnifique, n'a cessé de
se réduire: inquiétude face à l'avenir, d'autant plus intense qu'il
est, lui, Mustafa Kemal, originaire de Salonique, ce grand port
égéen où, depuis six ans, à l'issue des guerres balkaniques, les
Turcs sont devenus indésirables. Est-ce la dernière ligne droite vers
l'anéantissement total de la Turquie? Les plans de démembrement
concoctés dans les chancelleries ne sont pas encore rendus publics
mais nombre d'officiers les pressentent. L'heure ne permet pas de
se laisser aller à la nostalgie d'un passé prestigieux qui s'effrite.
Mais ce qui rend Mustafa Kemal le plus amer, ce qu'il a le plus
de mal à admettre, ce sont les dernières scènes de la guerre, reçues
comme un camouflet, durant ces ultimes semaines précédant
ernel'armistice: nommé fm septembreà la tête de la VII année,il a
7juste eu le temps de parvenir à Naplouse pour constater l'offensive
des Arabes menés par le général britannique Allenby: trop tard
pour faire face, Damas tombe le 3 octobre et le général ottoman ne
peut que se replier vers Alep, en essayant d'éviter la débandade.
Faire face aux Anglais, il l'a déjà fait, aux Dardanelles, où sa
victoire l'a consacré héros de l'Empire. S'affronter aux puissances
alliées, quoi de plus naturel, puisque c'est la guerre. Combattre les
forces chrétiennes de l'Occident qui cherchent à détruire la Maison
de l'Islam, Dar ul Islam, comme se nomme l'Empire ottoman, est
dans la logique des choses depuis des siècles. Même à l'époque
byzantine, n'a.t-on pas eu à résister aux entreprises venant de
Rome, puis aux Croisés? Réprimer les chrétiens de l'Empire,
suspectés de sympathies envers les Alliés et de vouloir disloquer le
pays, ne lui pose pas d'états d'âme majeurs. Non, ce qui rend
Mustafa Kemal et ses officiers amers, c'est d'avoir vu déferler,
remontant les rives du Jourdain, des musulmans sunnites comme
eux, armés et encadrés par des chefs militaires débarqués de
Londres, du Caire ou de Chypre. Pour les jeunes officiers ottomans,
que des Arabes se révoltent contre la Maison de l'Islam est déjà
inadmissible, contre-nature, mais qu'ils le fassent sous la houlette
d'étrangers, est ressenti comme une trahison épouvantable. Ces
Arabes, dont la langue est celle du message coranique, qui se
dressent contre le Sultan 1'00 Inimaginable! Mustafa Kemal y
songera-t-il, plus tard, lorsqu'il s'acharnera à proscrire de la langue
turque ottomane les mots arabes, et qu'il s'efforcera
d'instrumentaliser le discours religieux, le plaçant au service de
l'ambition nationale turque?
Les Anglais sont donc à Alexandrette, en ce début d'automne
1918, tandis que les marins français débarquent à Beyrouth. Durant
tout le conflit, les Français ont été absents du théâtre d'opérations
levantin, exception faite du petit corps expéditionnaire envoyé au
Hedjaz sous les ordres du colonel Brémond et du Détachement
français de Palestine-Syrie (DFPS) qui ne compte que trois
bataillons, engagés tardivement en Palestine. Certes, une escadre
française mouillait à Port~Saïd, protégeant le canal de Suez. Paris
n'ignore pas l'importance des événements qui se préparent dans
cette zone, et ne peut s'en détourner, ne serait-ce qu'en raison des
1 Et ce n'est pas un obscurchef musulmanqui s'est soulevé, mais le gardien des
Lieux Saints de 1lslam. le Chérif Hussein! Les révoltés sont dirigés par un de
ses fils, Fayçal.
8liens historiques qui placent la France, depuis Louis XIV, en
position de protectrice des nllnorités chrétiennes du Levant et des
intérêts commerciaux. qu'elle y possède dans tous ces comptoirs de
la côte qu'on appelle «Echelles du Levant ». Mais avant tout,
l'effort militaire est axé sur le territoire hexagonal, partiellement
occupé. Pour les Britanniques, protégés par leur insularité, les
enjeux sont différents: le contrôle de ce Moyen-Orient est vital afin
de garantir la route des Indes, fleuron de la Couronne. Ne pas
permettre que se rompe ce lien a été une obsession des Anglais
depuis le début de la guerre. Après le désastre de
Gallipoli (mars 1915), ils se sont ingéniés à trouver des appuis. Ce
fut d'abord la lettre de Sir Mac Mahon au Chérif Hussein de La
Mecque (24 octobre 1915), lui promettant un Royaume arabe sous
leur protection si celui-ci soulevait les tribus arabes contre les
Ottomans. Ce soulèvement tant attendu ne venant pas assez vite, ils
ont, par des accords secrets avec les Français (accords Sykes-Picot,
mai 1916), auxquels les Russes étaient associés, anticipé un plan de
partage du Moyen-Orient après la victoire. Enfm, lorsque la Russie,
en proie à 1a révolution, cessa d'être un allié crédible, c'est par la
déclaration Balfour (2 novembre 1917) promettant l'établissement
d'un foyer national juif en Palestine, qu'ils ont essayé de se gagner
des alliés dans le mouvement sioniste, puissant dans l'ancien
Empire des Tsars.
A la veille de cet hiver 1918, l'Empire ottoman est donc vaincu.
La France hésite à intervenir davantage dans cet Orient lointain et
compliqué. Les troupes sont épuisées par quatre années d'une
guerre atroce. Bientôt, il va falloir en envoyer de nouvelles, en
Rhénanie pour occupation, ainsi qu'en Pologne, en Hongrie, en
Mer noire, pour contenir la révolution bolchévique... Le pacifisme,
après la grande saignée des tranchées, s'empare du peuple ftançais.
Mais la France est sortie puissance victorieuse de la Grande
Guerre: comment pourrait-elle ne pas profiter de sa position?
L'heure est, à nouveau, au redécoupage du monde entre les
vainqueurs. Clémenceau qui, pourtant, n'a pas la réputation d'être
un fervent partisan des entreprises coloniales, souhaite une
réactivation de la présence ftançaise au Levant, avec pour base
d'appui le réduit maronite du Mont-Liban. Mais les Anglais sont
présents presque partout dans le "Bilad al Cham", cette Syrie
historique parsemée d'innombrables vestiges de r Antiquité. Ils
renâclent désormais à l'application des accords Sykes-Picot qui
9prévoyaient la présence française en Cilicie, sur la côte du
Croissant fertile au nord de Saint Jean d'Acre et dans la région de
Mossoul, riche de promesses pétrolières et où flotte dorénavant
l'Union Jack. Quant à la Syrie, ce sont les troupes chérifiennes de
Fayçal, un des fils du Chérif Hussein qui l'occupent sous les
conseils et la supervision intéressée des officiers de Sa Majesté.
L'Entente Cordiale est de moins en moins ... cordiale entre Londres
et Paris. Si les atermoiements de la

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