Pouvoir civil et pouvoir religieux
167 pages
Français

Pouvoir civil et pouvoir religieux , livre ebook

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167 pages
Français

Description

On admet communément que le pouvoir civil et le pouvoir religieux sont historiquement indissociables. Si le rapprochement entre les deux sphères est effectivement fréquent, cela ne signifie nullement la soumission systématique du politique au religieux, ni même l'harmonie entre les deux. Bien des civilisations connaissent une union simplement stratégique, où la conviction spirituelle pèse peu de choses face aux impératifs tactiques. Ces deux pouvoirs sont-ils aussi intimement liés qu'on le croit communément ?

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Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2010
Nombre de lectures 61
EAN13 9782296251045
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Pouvoir civil et pouvoir religieux
Entre conjonction et opposition

Sous la direction de
Jacques BOUINEAU

Pouvoir civil et pouvoir religieux
Entre conjonction et opposition

Du même auteur

Enfant et romanité. Analyse comparée de la condition
l’enfant, LrHarmattan, 2008.
Personne et res publica volume 1, LrHarmattan, 2008.
Personne et res publica volume 2, 2008.

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de

Editorial

Des «plus religieux de tous les hommes», selon le mot
d’Hérodote à l’adresse desEgyptiens, à la «fille aînée de l’Eglise »,
comme onqualifie depuislongtempsla France, l’histoire offreune
fresque nourrie desociétésetderégimesdanslesquelspouvoircivil et
pouvoir religieux vontde pairau sein d’une conception philosophique
quisoude en mêmetemps une entité inextricable oùil estdifficile de
séparermonde deshommesetmonde céleste.Un monde danslequel la
conception même du tempsestcelui de la créationrépétée (Egypte) ou
continuée (Descartes), c’est-à-direreproduite inlassablementau sein
d’unepolisparnature fragile,sousleregard de créatureselles-mêmes
imparfaites.Pharaon estchoyé parlesdieux,toutcomme le grandroi de
Hatti, oucomme lesouverain duDanemark protestant,qui concentre
entresesmainsceque lesgrandesfamilleslui laissentde latitude en
matière desceptre etdereligion.
Dansplusieurs régimes, etmême, peut-on dire, dans tousles
régimeshistoriques, le liensemble donc consubstantiel entre pouvoir
civil etpouvoir religieux.Celasignifie-t-il, pourautant,que lesdeux
pouvoirs sontentoutpointconfondus ?Même en Egypte,si pharaon est
roi etprêtre – c’est-à-dire mêmesi la confusionsembletotale entre
pouvoircivil etpouvoir religieux– la pratique administrativevient
nuancercette orientationthéocratique.
Serait-ce doncunequestion d’époque?Faudrait-il croirequetout
cequi estancien est religieuxet que la marche de l’humanitéversla
scission desdeuxmondesestinéluctable?Malrauxprophétisait que le
e
XXIsiècleserait spirituel,tandis que lesHittitesinventent une littérature
où raison etcroyancese côtoientà parité, etl’histoire de l’islam nous
montreque les rapportsentre lesdeuxpouvoirsdoiventêtre abordésavec
plusde nuancesencore.
Larupture entre lesdeuxnotionsouleurcaractère indissociable
viendraient-ilsde la nature de lareligion?Nousavonsdéjàvu quetel ne
semblaitpasêtre le cas, puisque danslescivilisationsde la Haute
Antiquité,traditionnellementconsidéréescommetrèsliéesà lareligion,
bien des secteursde l’activité deshommespouvaient s’en détacher, alors
qu’à l’inverse l’idée d’une laïcisation dudroità Rome ne faitpas

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l’unanimité deschercheurs.Aumoins, en islam,serait-ontenté de croire,
lesdeuxpouvoirs sontontologiquementconfondus….
Peut-êtresont-ce alorslesconvictionsoucroyancespersonnelles
qui fontanalysercommetel ou tel le lien entre lesdeuxpouvoirs ?Tout
dépendraitdansce casdu regardque l’on portesurle phénomène de
gouvernement.L’enjeududébat seraitdonc de nature historiographique
etnon pashistorique, etle deviendraitd’autantplus que l’éclairage est
fonction de l’époque.Cetétatde faitprendunrelief particulierdansles
systèmes religieux quisontencore d’actualité;en islamsingulièrement
peut-être.Le phénomène n’estcertespas unique etbien desdescriptions
historiquesontpourmobile essentiel d’étayerpardesargumentspuisés
dansle passé desconvictionsfortcontemporaines.Cethème d’étude
demeure cependantparticulier, enraison desdéfisde l’heure, enraison
aussi detoute l’implication personnelle et, osonsle dire, affective,
qu’appelle lesujetmême.
Peut-on, en effet, oserposerlaquestionsimple :les relations
entre pouvoircivil etpouvoir religieuxnesont-ellespas simplement
affaire de circonstances ?En fonction desintérêtsdumoment, desbutsà
atteindre, de la nécessité pourles unsde prendre le pouvoir surlesautres,
l’armereligieuse nevient-elle pasheureusementconsoliderla main du
prince?Regard impie?Maiscomment,sitel estle cas, constater sans
étonnement qu’à Babylone, le pouvoirdivin devient, dansle ciel, aussi
concentré et, pourainsi dire aussiunique,que le pouvoirpolitique
terrestre, etaumême moment ?
Observonslesfaits,suivonsleraisonnementdesauteursdontles
opinions s’exprimentde manièresi différente aucoursde cespages.
Cette lecture nousconduira naturellement verslaquestion de la laïcité, à
laquelle nousconsacreronsbientôt unvolume entier.

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Jacques Bouineau

La conjonction du pouvoir civil et
du pouvoir religieux dans
l’Egypte ancienne

L
n présentantlesÉgyptienslecomme «splus
scrupuleusement religieuxdetousleshommes», Hérodote (II,37)s’est
contenté detraduireune idéetrèslargement répandue dansl’espritdeses
contemporains.Religieux, lesÉgyptiensl’étaient, assurément, et toute
l’histoire égyptienneva d’ailleursdanslesensd’une affirmation
croissante du sentiment religieux.On peutmesurercettereligiosité (qui
confine avec letemps, même, à lasuperstition), à l’aune de l’expérience
individuelle, privée, etle matériel funéraire (les stèles votives, lesautels
particuliers, les sarcophages, les sépultures, etc.) en donneune idéetrès
1
nette.Maison peutaussi la mesurerà l’aune desinstitutions
égyptiennes,quis’en nourrissentlargementdans un contextequi en porte
la marque indélébile,tantlesacré, dont relève l’utilisation même de
l’écriture, imprègne ens’ydiffusant touteslescomposantesde lasociété.

Pourle comprendre, il fautfaireréférence à la culture età la
psychologie desanciensÉgyptiens, dontil n’est sansdoute pasinutile de

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On gardera cependantà l’esprit quesitoute la documentation faitétatde la piété des
Égyptiens, elle n’exprime pourautantjamais que les sentimentsde l’élite,rois, nobles,
dignitaires,scribesetartisans,quiseveulentconformesauxattentesd’une idéologie
officielle contraignante.Surlaquestion, nécessairementdélicate, de l’incroyance dans
l’Egypte ancienne, cf.D.MEEKSNie, «r, mésestimerouignorerlesdieux ?Le casde
l’Egypte ancienne »,inG.DORIVAL, D.PRALON(dir.),Nier les dieux, nierDieu(Textes
etDocuementsde la Méditerranée Antique etMédiévale2), Aix-en-Provence,2002,
p.15-28 (compterenduparC.CANNUYER, « Desincroyantsen Egypte pharaonique?»,
Acta Orientalia BelgicaXX,Incroyance etdissidences religieuses, Bruxelles–
Louvain-La-Neuve,2007, p.15-20).
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BurtKasparian
rappeler quelquescaractéristiquesfondamentales.Lasociété égyptienne
comprenaitlesdieux, leroi, les vivantsetlesmorts.Tousformaient une
communautéquise partageaitlaterre, le ciel etl’au-delà.Le pointde
convergence de cesdifférentsprotagonistes trouvait sa matérialisation
dansles temples,qui étaientdes structuresessentielles surle plan
symbolique, avantde l’êtresurle plansocio-économique et
institutionnel.Leurarchitecture enrend compte,quiseveut une
reproduction de l’universaumomentde la création,une créationqui est
reconduite parla divinité chaque jour, à chaque leverdu soleil, etdont
l’agencement, l’ordre, l’harmoniesontmenacés quotidiennementparle
chaos.

Cetterépétition incessante d’un même instant–rendu, parla
force deschoses, àtoutjamaisintemporel –traduit une conception du
temps quirejointcelleque lesanciensÉgyptiensavaientde leurespace
géographique et qui leurétaitdictée parleretourannuel de la crue.Le
tempsétait une continuité faite derépétitionsinfinies.Pourcetteraison,
le chaosmenaçaitcontinuellementl’ordre de la création.Letemple était
précisémentle lieuoùcette lutte entre l’ordre etle chaos trouvaità
s’exprimeret serésorberchaque jourgrâce aux rituels quiyétaient
accomplis.

Le maintien de l’ordre cosmique incombaitaupharaon dans sa
qualité de médiateurentre leshommesetlesdieux, et sonrôle était si
important,si essentiel,qu’il n’étaitpasenvisageable des’en passer.La
conceptionque lesanciensÉgyptiensavaientdu tempse

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