Drôle d histoire
41 pages
Français

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Description


DRÔLE D’HISTOIRE


Célestin Lespinois est un épicier qui n’inspire pas la confiance. Aussi, quand il est reçu par le commissaire Odilon QUENTIN pour lui signaler la disparition de sa riche épouse, le policier a vite fait de le placer en haut de sa liste de suspects.


Mais, si le marchand a l’aspect louche, il semble, également, très lâche, ce qui laisse supposer qu’il n’a pas assassiné sa femme, du moins, pas encore ou pas de ses propres mains...


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Informations

Publié par
Nombre de lectures 11
EAN13 9782373471298
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

couve

Odilon QUENTIN

 

* 14 *

DRÔLE D’HISTOIRE !

Roman policier

 

par Charles RICHEBOURG

CHAPITRE PREMIER

 

De même qu’un homme grand n’est pas nécessairement un grand homme, une drôle d’histoire se présente rarement sous l’aspect d’une histoire drôle. C’est là une vérité indiscutable qui fait honneur aux finesses de la langue française ; mais dans certains cas la distinction est si difficile à établir, si subtile, que l’on est en droit de se demander comment s’exprimer afin de traduire sa pensée sans la trahir.

Telle était précisément la réflexion que se faisait le commissaire Odilon Quentin, de la Police Judiciaire, après avoir débrouillé l’affaire Lespinois. Cette drôle d’histoire était-elle véritablement une histoire drôle ? Cela dépendait surtout du point de vue des protagonistes du drame... car l’homme est ainsi fait qu’il modifie son échelle des valeurs suivant le milieu dans lequel il évolue.

Ainsi, par exemple, placez un individu déterminé à la terrasse d’une brasserie des grands boulevards, en face d’un demi, bien tiré, par une belle après-midi de mai ! Croyez-vous que sa conception de l’existence sera la même s’il est hébergé dans une cellule de la Santé, ou à Fresnes, même aux frais d’un gouvernement tutélaire ?

C’est ici qu’intervient l’élément subjectif du problème : assis devant son verre couronné de mousse crémeuse, l'homme sera enclin à considérer que la « drôle » d’histoire est vraiment une histoire très « drôle ». Par contre, s’il est bouclé et que sa seule distraction consiste à contempler les toiles d’araignées qui garnissent le plafond de son cachot, il la qualifiera de « sale affaire », sans sophistiquer davantage.

Ces prémisses philosophiques étant posées, il ne reste plus qu’à exposer les faits, dans leur implacable rigueur, afin de permettre au lecteur de se faire, à son tour, une opinion personnelle.

Cela commença d’une façon idiote, au Quai des Orfèvres, par un coup de téléphone dans le bureau de Quentin. En phrases hachées, M. Laubespin expliquait au commissaire qu’il venait de lui envoyer un « client » ; un raseur dont il ne s’était débarrassé qu’à grand-peine, et en lui promettant d’intéresser à son cas un fonctionnaire habile et consciencieux.

Le Directeur de la P.J. bredouillait, tant il parlait vite ; visiblement, il voulait mettre son adjoint au courant de tous les détails de l’affaire avant l’apparition de l’indésirable.

Le gros policier, habitué à des homélies de ce genre, n’écoutait que d’une oreille distraite ; cependant, en l’espèce présente, il crut vaguement comprendre que le raseur était cocu.

Comme, d’autre part, ce verbiage l’exaspérait, il mit fin aux explications du grand patron, en affectant de prendre un ton confidentiel, pour murmurer dans l’appareil un : « Le v’là... je coupe » irrévocable. Après quoi, il se roula prosaïquement une cigarette de gris qu’il fuma béatement, en attendant le gêneur de pied ferme.

L’intéressé s’était vraisemblablement perdu dans le dédale des couloirs de la P.J., car il n’arriva qu’une bonne demi-heure plus tard, à court d’haleine et rouge comme un homard. Marcel, le garçon de bureau, l’introduisit, et brusquement jeté en pâture à ce gros homme débraillé, qui ressemblait à un marchand de vaches, le cocu crut à une méprise :

— Mais c’est au commissaire Quentin que je désire parler... claironna-t-il avec véhémence. M. Laubespin lui a téléphoné spécialement afin de lui annoncer ma visite. J’ai été recommandé au Directeur de la P.J. par M. Clairbois, conseiller municipal à Villejuif qui...

— Quentin, c’est moi... aboya le policier, bien décidé à mettre un terme à ces flots d’éloquence. Et vous ?...

— Comment ?... M. Laubespin ne vous a même pas communiqué mon nom ?... Il ne vous a pas exposé les raisons de ma légitime inquiétude ?... Il...

— Il m’a simplement laissé entendre que vous étiez cocu !

Ça, c’était du Quentin tout pur. Le commissaire ignorait les précautions oratoires ; il appelait un chat « un chat », professant que les mots sont faits pour s’en servir.

Quoi qu’il en soit, bien que proférée sur un ton d’affabilité bon enfant, sa déclaration produisit sur le petit homme qui lui faisait face, un effet foudroyant : il ouvrit la bouche à deux ou trois reprises, à la manière des carpes à l’époque de la canicule, ses petits yeux chafouins lancèrent un regard éperdu, où beaucoup de désillusion se mêlait à un vague sentiment de malaise, et son visage déplaisant de rongeur passa de l’écarlate au cramoisi.

Sans lui laisser le temps de se remettre, son interlocuteur enchaîna aussitôt :

— Si nous continuons ce petit jeu de devinettes, dans deux heures, je ne saurai pas encore qui vous êtes ! Ne croyez-vous pas qu’il serait préférable de vous expliquer ? Comment vous appelez-vous ?

Le cocu à tête de rat était maté, et il répondit avec la docilité d'un enfant sage :

— Mon nom est Célestin Lespinois, j’ai quarante-neuf ans, et j’exerce la profession d’épicier sur la rive gauche, dans le quartier des Écoles.

— De quoi vous plaignez-vous ?

— Ma femme a disparu !

Le commissaire eut l'impression étrange que cette constatation était plutôt agréable à son visiteur, et ce dernier, comme s’il comprenait que ses pensées venaient d’être devinées, s’empressa de tirer de son veston un mouchoir de poche vaste comme un drap de lit, pour s’en tamponner les yeux avec affectation.

— Quand a-t-elle levé le pied ?

— Il y a quatre jours, au début de la soirée.

— Avait-elle des bagages avec elle ?

— Rien... si ce n’est la volumineuse sacoche en peau de porc qui ne la quitte jamais.

— Pourquoi avez-vous attendu si longtemps pour signaler sa disparition ?

— Nous avions eu une discussion assez vive... je ne me souviens même plus à quel propos ! Vous savez comment ça arrive : on se fait des reproches... on se lance des épithètes dont on ne croit pas un mot... Bref, ma femme est partie en claquant...

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