Inspecteur PINSON
157 pages
Français

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Description

L’Inspecteur PINSON n’est pas réputé pour sa gaieté, mais pour ses connaissances en matière de vols et autres crimes qu’il met à profit pour résoudre rapidement les énigmes auxquelles il est confronté dans son métier. Tout truand pris dans ses serres est voué à déchanter, enfermé dans une cage. Les graines de brigand n’ont qu’à bien se tenir pour ne pas tomber sur un bec et se faire voler dans les plumes par l’Inspecteur PINSON.
Ce recueil est composé de quinze courtes enquêtes à picorer sans modération, bien au chaud au fond de son nid ou dans les transports en commun lors de périodes migratoires.

JACQUES BELLÊME est un auteur mystérieux qui a œuvré dans différents genres et sous une multitude de pseudonymes tels que Jules France, Roger Nivès, Henri Sevin et dont le plus connu demeure H.R. Woestyn. Critique d’art et traducteur d’une partie des œuvres d’Edgar Allan Poe, c’est, avant tout, en tant qu’auteur de romans d’aventures et policiers publiés par les « Éditions Tallandier » et la « maison d’édition J. Ferenczi & fils », qu’il s’est fait connaître.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 19 octobre 2015
Nombre de lectures 15
EAN13 9782373470673
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Inspecteur PINSON
Jacques BELLÊME
D’après les textes parus en 1907 dans le magazine populaire illustré de la famille « MON BONHEUR »
LA DISPARITION DU PROFESSEUR KOWALSKI
Les laboratoires du professeur de bactériologie Kowalski se trouvaient installés, depuis près de deux ans, dans une grande propriété, sise aux environs de Paris, et qu'un généreux donateur avait mise à la disposition du savant.
Celui-ci, dont les recherches avaient étonné le monde scientifique, avait, bien que de naissance polonaise, fait toutes ses études en France, et ses découvertes lui avaient valu les plus hautes récompenses, les plus grands honneurs.
Le domaine de La Chesnaye, depuis longtemps déjà négligé par son propriétaire, se trouvait dans un état de délabrement très prononcé, quand Kowalski en prit possession ; mais bien qu'il ne disposât personnellement que de fonds restreints, d'autres furent souscrits au professeur pour lui permettre de poursuivre et mener à bien ses recherches.
Il vivait là d'une existence assez recluse qu'il partageait entre son préparateur, Charles Baudon, et quelques élèves qui suivaient ses expériences avec grande assiduité.
Ils habitaient tous dans une grande bâtisse assez ordinaire, blanchie à la chaux – que tout alentour on décorait pompeusement du nom de château de La Chesnaye – tandis qu'un corps de bâtiment isolé, composé d'un rez-de-chaussée et d'un premier étage, avait été spécialement aménagé pour les laboratoires.
L'une des façades de cette construction était en bordure d'un petit étang, aux eaux presque stagnantes, et où croissaient de nombreuses plantes aquatiques ; les autres donnaient sur le parc demeuré à l'état sauvage.
Enfin la propriété comprenait encore, à l'autre extrémité de l'étang, un petit pavillon fermé que personne ne visitait jamais, et, auprès de la grille d'entrée du parc, une loge occupée par Pierre Chevalier, le jardinier, et sa femme Eugénie qui faisait le service du professeur et de ses élèves.
Tous ces détails sont nécessaires, comme on va le voir, pour pouvoir comprendre les événements qui se déroulèrent au château de La Chesnaye.
***
Il était environ une heure du matin, quand des cris de femme, des appels désespérés se firent entendre dans l'habitation principale, tandis que des coups résonnaient sur la porte du préparateur.
Réveillé en sursaut, Charles Baudon passait vivement un vêtement, et, sortant de sa chambre, se trouvait soudain en face d'une femme, aux traits bouleversés par l'effroi, ainsi qu'il put s'en apercevoir aux faibles rayons que jetait la petite lampe de
jardin qu'elle portait.
— Monsieur Charles, s'écria aussitôt Eugénie Chevalier – car c'était bien la femme du jardinier – je vous en supplie, venez à mon secours, je ne sais pas ce qui s'est passé, mais Pierre est dans la loge, en train de mourir, je crois bien. Il est sans connaissance.
Deux des élèves, qui avaient entendu tout ce vacarme, étaient, eux aussi, sur le seuil de leurs chambres, et le préparateur les pria de l'accompagner.
Quelques instants après le petit groupe se dirigeait vers le logement du jardinier et de la domestique.
Dans sa précipitation, celle-ci avait laissé sa porte grande ouverte, et de loin on apercevait, dans la nuit, la pièce tout éclairée.
Pierre Chevalier gisait évanoui sur le plancher, et il fallut quelque temps aux jeunes gens pour le faire revenir à lui. Tout hébété, il regardait autour de lui, sans pouvoir proférer une parole.
Un cordial que le préparateur avait apporté lui fut administré, et il put enfin parler, tandis que sa femme, agenouillée à ses côtés, lui soutenait la tête.
— Eh bien, voyons, fit alors Charles Baudon, que vous est-il donc arrivé, mon brave Pierre ? Un accident ?
— Oh, non, monsieur Charles. C'est pas un accident, c'est bien plus terrible que cela !
— Mais quoi donc ? Parlez.
— Le professeur Kowalski a été assassiné !
— Assassiné ?
— Oui. Et le crime n'a pas été commis par un être humain, ce qui est plus fort.
— Voyons, voyons ! Remettez-vous, que diable ! Tenez, avalez encore un peu de cognac. Là ! Maintenant, dites-nous où est le professeur.
— Dans son laboratoire.
— Comment cela ? Il nous a quittés pour aller se reposer à dix heures et demie ! À quelle heure donc l'avez-vous vu dans son laboratoire ?
— À onze heures et demie exactement. Je sais bien l'heure, car, à onze heures, avant de me coucher, j'avais remonté mon réveil. Je venais d'éteindre ma lampe, prêt à me mettre au lit, quand j'aperçus, à travers le rideau, l'une des fenêtres du laboratoire du premier étage encore éclairée.
« Ceci me parut curieux, sachant qu'à cette heure de la nuit, plus personne ne travaille là-bas !
— En effet, c'est étrange ! interrompit Baudon, mais il est vrai que le professeur préparait une conférence pour demain, et peut-être a-t-il voulu faire une dernière
expérience sans venir nous déranger, ou bien aller chercher quelque papier pour travailler encore quelques heures dans sa chambre. Enfin c'est bien bizarre, quand même !
— Tout ce que je sais, monsieur Charles, c'est que je crus de mon devoir d'aller faire une tournée par là, pour voir ce qu'il en était.
— Mais d'abord, comment savez-vous qu'il est mort ?
— Je frappai à la porte du rez-de-chaussée, sans recevoir de réponse. Je l'appelai. Même silence. M'aidant des mains, je me hissai jusqu'à la fenêtre éclairée, mais je redescendis aussitôt.
— Qu'aviez-vous donc vu ?
— Le professeur allongé tout de son long, la face contre terre, au milieu d'un amas de verres et de bocaux renversés et brisés. À côté de lui, la table était sens dessus dessous, et le parquet était jonché de papiers.
— Un accident peut-être ? Une attaque ?
— Je le crus comme vous, messieurs, et, à peine redescendu, je courus à la resserre où je range mes outils. J'y pris une échelle et revins en toute hâte, décidé à briser la fenêtre et à lui porter secours. Quelques minutes me furent suffisantes, mais quelle ne fut ma stupeur, en revenant, de trouver les lumières éteintes. J'allais briser les vitres, quand j'aperçus dans un des angles de la pièce... Ah, messieurs !...
— Mais parlez donc, Pierre, parlez !...
— Un être monstrueux, mes bons messieurs, tout rond, gros comme un gros ballon d'enfant, et avec de terribles pattes velues... Oh, l'horreur !... On eût dit une araignée géante...
— N'avez-vous pas dit, tout à l'heure, que les lampes étaient éteintes, quand vous êtes venu pour la seconde fois ?
— Certainement. Mais ce monstre possédait comme des lueurs de phosphore dans tout le corps, des lueurs bleuâtres... Jamais je n'ai rien vu de pareil. Il avançait lentement, puis reculait rapidement, montait le long du mur, sur lequel il laissait une traînée visqueuse qu'éclairait la lumière de son corps, puis tout d'un coup, il redescendait, comme s'il eût succombé par instants sous le poids de quelque chose de trop lourd qu'il ne pouvait arriver à traîner...
— Et après, qu'avez-vous fait ?
— Dame ! La peur m'a pris, car le monstre semblait regarder de mon côté ; je suis redescendu à terre, et tout d'un trait suis revenu dans la loge, pour y prendre une lampe et aller vous prévenir. Mais c'en avait été trop pour moi, les forces m'abandonnèrent, et je perdis connaissance. Après, je ne me souviens de rien.
— Restez là, lui dit Baudon, ces messieurs et moi, nous allons au laboratoire, et nous verrons bien ce qu'il en est. Donnez-nous votre lampe.
Tous trois partirent sans plus tarder. L'échelle, dont avait parlé le jardinier, se
trouvait bien toujours placée le long du mur extérieur.
Baudon monta le premier.
— On ne voit rien du tout, s'écria-t-il, en essayant de s'éclairer de la lampe. Tâchons d'ouvrir la porte.
Celle-ci était fermée à clé. Le préparateur glissa la sienne dans la serrure, mais il fut impossible d'ouvrir : un verrou était mis à l'intérieur, et il fallut aux trois jeunes gens leurs forces réunies pour enfoncer la porte.
En quelques enjambées, ils furent au premier étage, où il fallut encore enfoncer la porte du laboratoire particulier du savant.
Une odeur désagréable les prit à la gorge, à peine entrés.
— Tournons d'abord la lumière électrique, dit Baudon, en se dirigeant vers l'une des parois de la pièce.
Ses pieds glissaient sur des matières gluantes et broyaient des fragments de verres brisés.
— Oh ! L'horreur ! ajouta-t-il, en passant la main sur le mur. C'est tout mouillé et collant ici. Qu'a-t-il bien pu se passer ?
***
Les lampes électriques, allumées enfin, éclairèrent la pièce où régnait un désordre indescriptible, tel que le jardinier le leur avait décrit. On eût dit que les bocaux avaient été lancés contre les murs, car ces parois étaient striées de longues traînées humides qui couraient aussi sur le parquet au milieu d'un monceau de papiers éparpillés.
Mais, parmi elles, on en reconnaissait une toute particulière, par sa nature visqueuse et rappelant la trace des limaces, bien que beaucoup plus large.
On la rencontrait partout, aux murs, sur le parquet, et en la suivant, on la voyait aboutir à une fenêtre de petite dimension qui donnait sur l'étang.
Le préparateur se souvint soudain que le savant laissait souvent cette fenêtre entr'ouverte pour ne pas être incommodé par les fortes odeurs émanant de ses expériences.
Les recherches faites par Baudon et ses deux compagnons n'aboutirent cependant pas à la découverte du corps du professeur.
Tous les laboratoires furent explorés par eux de fond en comble. Impossible de trouver trace de Kowalski.
Cela tenait presque du surnaturel, car il n'y avait plus de doute : ce qu'avait aperçu Pierre Chevalier dans cette terrible vision qui avait abouti à son évanouissement, était exact de tous points, il n'était pas le résultat d'une hallucination.
Un corps pouvait fort bien passer par la fenêtre donnant sur l'étang, et qui, au lieu d'être entr'ouverte comme à l'habitude, était grande ouverte.
Il en fallait donc conclure que le professeur avait été tué dans son laboratoire, après une lutte acharnée contre son adversaire, puis traîné vers cette fenêtre et graduellement tiré vers les eaux stagnantes.
On reconnaissait, d'ailleurs, à la lueur de la lampe, la trace visqueuse le long du mur extérieur où la fenêtre était percée, et d'autre part cette théorie se trouvait corroborée par ce que le jardinier avait dit du monstre « semblant succomber, par instants, sous le poids de quelque chose de trop lourd qu'il ne pouvait traîner ! »
De sang, on n'en rencontrait nulle part, toutefois, ce qui laissait à penser qu'il avait dû se mélanger au liquide des bocaux brisés.
On distinguait pourtant l'empreinte d'une main ensanglantée sur le rebord de la petite fenêtre, c'était tout.
À ce moment, les autres élèves du professeur que le jardinier avait été réveiller, arrivaient à leur tour, pour savoir les nouvelles.
Baudon et ses deux compagnons les mirent vite au courant des premiers événements de la nuit et du résultat de leurs poursuites.
Quelques-uns proposaient de procéder immédiatement à des recherches dans l'étang, mais le préparateur les arrêta, en leur disant :
— La théorie d'un crime commis sur notre maître par une bête monstrueuse, théorie appuyée sur le dire de Pierre Chevalier, est réelle, je le crois, bien qu'invraisemblable, et il est évident pour moi que le professeur est bien mort ; il gît quelque part au fond des eaux, et nos recherches, au milieu de la nuit, n'aboutiront à rien. Je suis donc d'avis, messieurs, de laisser le laboratoire dans l'état où nous l'avons trouvé, et d'attendre le jour pour faire notre déclaration à la police qui parviendra peut-être à éclaircir ce mystère.
Presque tous les élèves se rangèrent à l'avis du préparateur. Quelques-uns cependant se rendirent sur les rives de l'étang qu'ils cherchèrent à sonder, mais en vain.
La disparition du professeur fut déclarée le matin même, dès les premières heures, à la gendarmerie, et les journaux du soir, à Paris, y consacraient de longs articles, avec force commentaires sur cet événement entouré d'un profond mystère.
Les autorités s'étaient rendues sur les lieux et de fins limiers avaient été, dans la journée, envoyés par la préfecture de police, sous la direction de l'inspecteur Pinson, à qui l'on réservait toujours la solution des problèmes les plus ardus à résoudre.
Pinson se fit donner, par les occupants du château de La Chesnaye, un récit détaillé de tout ce dont ils avaient été témoins.
Quelques-uns des élèves s'étant séparés de l'opinion accréditée par le préparateur, sur le dire du jardinier, avaient émis des soupçons sur Pierre Chevalier,
soupçons que Pinson se garda bien de combattre.
Il leur conseilla de le garder à vue à son insu, préférant – comme il l'expliqua plus tard, – ne pas être entravé par le zèle de ces jeunes gens dans ses investigations.
Il eut même soin de laisser les reporters parisiens se lancer sur cette piste, afin de les éloigner également du lieu de ses recherches.
Il s'en fallut de peu que les habitants des villages avoisinants ne fissent un mauvais parti au jardinier et à sa femme, tellement ce mystère, encore impénétrable, avait surexcité les esprits. On dut même avoir recours à la protection des gendarmes.
Pendant ce temps, Pinson poursuivait ses recherches avec un zèle infatigable.
Cinq à six jours passèrent ainsi.
***
L'étang avait été sondé de toute part, le parc fouillé dans tous ses coins et recoins, sans qu'on parvînt à obtenir le moindre résultat.
Un soir enfin, Pinson, qui, pour plus de facilité, avait été accommodé d'une chambre au château, vint comme à l'habitude fumer un cigare et prendre une tasse de café dans la chambre du préparateur.
— Eh bien, lui demanda celui-ci, rien de nouveau encore, monsieur Pinson ?
L'inspecteur se tut un instant, lança au plafond quelques bouffées de fumée, puis, tranquillement, répondit :
— Voulez-vous que je vous parle franchement, mon cher monsieur Baudon ? Eh bien, le mieux serait de laisser le Parquet classer cette affaire, et de permettre que le silence se fasse autour de ce mystère.
— Mais alors ? Vous n'avez rien trouvé ?
— Oui et non.
— Comment ?
— Oui, parce que j'ai tiré au clair la disparition du professeur Kowalski...
— Ah ? Et...
— Non, continua Pinson flegmatiquement, parce que, bien que disparu, le savant n'est pas mort, et qu'il n'y a pas eu crime.
— Mais alors, si vous savez où il est, il n'y a qu'à rassurer tous ceux qu'intéresse cette affaire, ses amis, ses élèves, le public.
— Croyez-vous que ce soit bien utile, bien nécessaire ?
Charles Baudon sauta dans son fauteuil :
— Ah ça, vous devenez fou, mon cher !
Pinson sourit :
— Et si le professeur Kowalski était disparu de lui-même, s'entourant de tout un luxe de détails dramatiques, pour faire croire à sa mort ?
— Hein ?
— Si vous voulez bien me prêter votre attention quelques instants, je vais vous donner le résultat de mes recherches, et vous verrez à quoi je suis arrivé, de déduction en déduction.
— Je vous écoute, répondit Baudon, en s'asseyant de nouveau.
— Vous remarquerez tout d'abord qu'on n'a trouvé aucune trace de sang humain dans l'analyse des liquides trouvés à terre, pas plus que sur les papiers qui jonchaient le sol...
— D'accord, mais l'empreinte de la main ensanglantée ?
— Ce n'était pas du sang, mais un liquide rougeâtre qui, à l'œil nu, pouvait donner l'idée d'une empreinte ensanglantée.
« Vous remarquerez aussi qu'aucun cri, aucun bruit de lutte ne fut entendu dans le profond silence de la nuit.
« Or, ce qui serait encore possible dans une ville, où les bruits de la rue peuvent étouffer d'autres sons, ne l'est plus du tout, en campagne.
« Même surpris à l'improviste, le professeur n'était pas homme à ne pas se défendre, la preuve en est dans tous les objets brisés ou éparpillés trouvés à terre. Mais ce désordre était voulu et savamment aménagé par lui, ainsi que le prouve ce marteau que j'ai trouvé dans le laboratoire.
Et Pinson sortit d'une de ses poches un marteau assez ordinaire.
— Il a pu servir à assommer notre maître, interrompit Baudon.
— Quand un assassin se sert d'un instrument de ce genre, on y relève trace de sang. Or il ne s'y en trouve pas. Un coup appliqué sur la tête eût, en outre, fait adhérer des cheveux à l'instrument meurtrier. Or il n'y en a pas.
— Mais la théorie de l'araignée géante ?...
— Invraisemblable d'abord, fausse ensuite.
« Suivez-moi bien : au cas même où ce monstre aurait perpétré ce meurtre, et soit arrivé à entraîner le cadavre au fond des eaux, vous admettrez bien que nos investigations ayant commencé douze heures après la disparition du professeur, cette bête monstrueuse n'aurait pas eu le temps de dévorer le corps dont on n'a pas retrouvé trace dans l'étang, ni sur ses rives...
— J'avoue que ces déductions sont très subtiles et contredisent la théorie de ce monstre, bien que les traînées visqueuses que nous avions remarquées,...
— Ont pu très bien être faites par un liquide gluant quelconque.
— Reste alors la vision d'une bête horrible, de la grosseur d'un gros ballon d'enfant, et à lueurs phosphorescentes bleuâtres dont le jardinier a fait mention.
— Voici ce qui l'explique amplement. Regardez ceci.
Et Pinson lui présenta une petite plaque de verre, comme on en met dans les lanternes magiques.
— Le monstre bleu qui a affolé Pierre Chevalier, continua-t-il, était simplement une projection lumineuse produite par quelque appareil du professeur, que je n'ai pu retrouver, car tous étaient détruits.
« J'arrive enfin aux dernières preuves. Vous avez sur l'étang un petit bachot dont personne ne se sert, et qui est toujours demeuré amarré à la rive... Cette petite embarcation n'était plus attachée, lorsque j'ai visité l'étang... Enfin, sur les deux marches du petit pavillon situé à l'autre extrémité de l'étang, et qui vont jusqu'au bord de l'eau, j'ai trouvé ce porte-cartes, qui porte les initiales du professeur et contient des papiers à lui. Le voici.
« Dans ce pavillon, où personne n'est entré depuis nombre d'années, j'ai relevé sur la poussière du parquet des empreintes de pas qui correspondent exactement avec les dimensions des semelles des chaussures de Kowalski, chaussures que m'a remises le domestique.
— Soit, tout ceci semble concluant, mais enfin, un meurtrier humain peut alors l'avoir entraîné là-bas, que sais-je ?
— Non. Lisez plutôt ce télégramme, adressé par le chef de la police anglaise à notre chef de la sûreté.
Baudon saisit le papier.
Il lut :
« Soyez sans inquiétude. Kowalski sain et sauf. Désire silence absolu sur disparition ? »
— Mais alors ? dit le préparateur.
— Alors ? C'est bien simple. Le professeur s'apprêtait, je crois, à faire part au monde savant d'une découverte nouvelle qui devait bouleverser certaines théories admises jusqu'à présent. Au dernier moment, il s'est aperçu qu'il s'était trompé, et, plutôt que de revenir sur son erreur et de la reconnaître, il a préféré disparaître à tout jamais et devenir, à l'étranger, un savant fameux sous un autre nom. D'où toute cette mise en scène.
« Eh bien ! ajouta Pinson, ne croyez-vous pas, monsieur Baudon, qu'il vaille mieux que l'affaire soit classée, pour l'honneur même du grand savant qui, par orgueil, s'est laissé aller à un si piètre expédient ?
FIN
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