Anthropologie d un service de cancérologie pédiatrique
292 pages
Français

Anthropologie d'un service de cancérologie pédiatrique , livre ebook

-

292 pages
Français

Description

Cet ouvrage propose un nouveau regard sur une institution qui n'est souvent perçue que dans sa dimension tragique où l'enfant, pur objet de fatum, peut guérir ou parfois mourir. Issu d'un travail de trois années au sein des équipes d'un service spécialisé, l'auteure a mis en œuvre une approche pluridisciplinaire originale, avec pour but de contribuer à une meilleure modulation des approches curatives, ainsi qu'à la formalisation d'une réflexion plus globale à destination des non-praticiens.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2011
Nombre de lectures 69
EAN13 9782296456808
Langue Français
Poids de l'ouvrage 7 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

ANTHROPOLOGIE D’UN SERVICE DE CANCÉROLOGIE PÉDIATRIQUE
De la parole au choix
CollectionAnthropologie critiquedirigée par Monique SELIM Cette collection a trois objectifs principaux : - renouer avec une anthropologie sociale détentrice d’ambitions politiques et d’une capacité de réflexion générale sur la période présente, - saisir les articulations en jeu entre les systèmes économiques devenus planétaires et les logiques mises en œuvre par les acteurs, - étendre et repenser les méthodes ethnologiques dans les entreprises, les espaces urbains, les institutions publiques et privées, etc. Dernières parutions Monique SELIM & Bernard HOURS, Aglobalisation,nthropologie politique de la 2010. Patrick HOMOLLE,D’une rive à l’autre. Associations villageoises et développement dans la région de Kayes au Mali, 2009. Laurent BAZIN, Bernard HOURS & Monique SELIM,L’Ouzbékistan à l’ère de l’identité nationale. Travail, sciences, ONG, 2009. Claire ESCOFFIER,Transmigrant-e-s africain-e-s au Maghreb. Une question de vie ou de mort, 2008. Charlotte PEZERIL,Islam, mysticisme et marginalité. Les Baay Fall du Sénégal, 2008. Rodolphe GAILLAND,La Réunion : anthropologie politique d’une migration, 2007. Fernandino FAVA,Banlieue de Palerme. Une version sicilienne de l’exclusion urbaine, 2007. Julie DEVILLE,Filles, garçons et pratiques scolaires. Des lycéens à l’accompagnement scolaire, 2006. Marie REBEYROLLE,Utopie 8 heures par jour, 2006. Rémi HESS & Gérard ALTHABE,Une biographie entre ici et ailleurs, 2005. Carmen OPIPARI,Le candomblé : images en mouvement. São Paulo, Brésil, 2004. Alina MUNGIU-PIPPIDI & Gérard ALTHABE,Villages roumains. Entre destruction communiste et violence libérale, 2004
Marie Bonnet
ANTHROPOLOGIE D’UN SERVICE DE CANCÉROLOGIE PÉDIATRIQUE De la parole au choix
Aux enfants du monde, à ceux qui les élèvent,
à ceux qui les soignent.
© L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-54352-2 EAN : 9782296543522
Sommaire
Introduction A la recherche d’une anthropologie des enfants atteints de cancer L’organisation de la prise en charge du cancer chez l'enfant Prise en charge des enfants atteints de cancer : le changement de paradigme L’enfance au carrefour des savoirs Quelle place pour la parole de l’enfant gravement malade à l’hôpital ? Terrain : Triste « Topique » ? "Observation participante" Le service d’oncologie pédiatrique L’enfant, objet d’examens L’enfant patient « Il y a une boule… » Nommer la maladie Des dialogues qui peinent à se nouer L’enfant souffrant Le territoire de la douleur L’enfant confronté à la violence de la maladie et des soins Des soignants à l’écoute Entendre et traiter la douleur Les bonhommes douleur La ritualisation des soins : l’exemple de l’aplasie Point d’orgue Fin de Partie Interaction et rôles des acteurs La participation aux choix thérapeutiques : une autonomie déléguée ? Trajectoires de parents d’enfants en fin de vie Enfants, soignants et médecins face à la fin de vie « La vie, c’est dehors que ça se passe » Et après ? Vivre et survivre aux autres Clara : de la conspiration du silence à l’enfermement dans l’actuel La circassienne et sa mère La possibilité d’une narration Conclusion Annexes Annexe 1 : Protection des marques commerciales Annexe 2 : Quelques données scientifiques et statistiques Bibliographie
913151935475153576769737989111113117127139151161167169171173185207233235237243247257261273 269277281
Préface
Pr Jean-Michel Zucker
Chef de département honoraire à l’Institut Curie Président du Cercle d’Ethique en Recherche Pédiatrique Partant de la rencontre du sujet enfant et de ses émotions, et de la relation soignant-soigné, c’est une véritable contribution à une anthropologie de l’enfant atteint de cancer que nous offre ici l’auteure, qui est également psychanalyste. Travaillant au sein ou à l’extérieur des services hospitaliers depuis 40 ans en étroite collaboration avec des psychanalystes, le médecin onco-pédiatre que je suis ne peut qu’être sensible à cette démarche. Il est remarquable que l’équipe soignante du lieu de la recherche ait accepté d’accorder sa confiance à un sachant de nature différente de la sienne, l’anthropologue, rivé certes à son objectif de faire progresser la connaissance dans son domaine - mais conscient aussi du bénéfice qu’en pourrait recueillir l’enfant gravement atteint, et des difficultés de la maîtrise des effets du transfert en situation traumatique ou de soins palliatifs. Cette démarche me rappelle l’expérience inoubliable du tournage par Denis Gheerbrant dans le service de pédiatrie de l’Institut Curie du film « La vie est immense et pleine de dangers » au cours de laquelle un cinéaste a pu devenir l’accoucheur de la parole des enfants. Parmi les riches conclusions de ce travail anthropologique éclairé par la psychanalyse, je voudrais relever plusieurs repères forts qui rejoignent l’expérience du pédiatre oncologue La relation de l’enfant atteint de cancer avec son soignant prend dans le meilleur des cas la forme de l’accompagnement réciproque de deux solitudes, toutes deux averties et toutes deux dans le ménagement l’une de l’autre. Compte tenu de la valeur extrême qu’a pris l’enfant dans nos sociétés, cette situation, pour reprendre la formulation de l’auteure, est un « terrain sensible » qui confine au « tragique absolu ». La parole de l’enfant, habituellement rare tout au long de sa trajectoire dans la maladie, peut-elle dans cette situation de vulnérabilité, exprimer un consentement, c’est-à-dire une adhésion aux soins proposés, et l’alliance thérapeutique avec lui a-t-elle un sens comme elle en a un avec ses parents ? Plutôt que de demander à l’enfant d’exercer ainsi son autonomie -exigence à laquelle il ne peut souvent pas répondre et qui, comme le note Marie Bonnet, ajoute de la violence à la violence de la maladie- l’objectif éthique de l’équipe
soignante est de susciter chez un patient enfant une confiance en un adulte sachant, qui lui explique comment on en est arrivé à la proposition de traitement qui lui est présentée. Cette confiance, aussi fragile que l’enfant est vulnérable, ne doit jamais pour l’anthropologue être considérée comme un acquis définitif. Le pouvoir symbolique détenu par le médecin de nommer la maladie risque de basculer dans le registre paternaliste s’il utilise un jargon pour énoncer la clé des maux sans permettre l’accès de l’enfant et de ses parents à la clé des mots, avec le risque d’identifier le sujet malade à une tumeur qui peut apparaître comme le seul objet de son intérêt. L’enfant acquiert une perception concrète de sa maladie et de sa gravité à travers les soins. Ainsi le long et pertinent passage consacré dans cet ouvrage au diagnostic et aux modalités de contrôle de la douleur est-il le reflet de l’attention qu’y apportent les soignants, conscients qu’il n’est, -sans cette maîtrise, beau modèle de la ritualisation des soins avec sa fonction de contenance-, pas d’expression ni d’écoute possible de la parole de l’enfant C’est lors de l’installation de la guérison ou en fin de vie que se manifeste avec le plus d’éclat l’ambiguïté de la relation de confiance des enfants avec leurs parents dans le domaine de la maladie. Celle-ci trouve sa limite dans le ménagement mutuel qu’ils entretiennent l’un et les autres, origine du non-dit qui, dans le cas heureusement le plus fréquent de la guérison, perdurera souvent bien au delà de la fin du traitement et jusque à l’âge adulte, expliquant à ce moment une soif de réorganisation identitaire, au terme d’une recherche de sens qui permette par le retissage d’une narrativité de recoller des morceaux de vie éclatés. J’aimerais pour terminer attirer l’attention du lecteur sur deux points : le premier est souligné par l’anthropologue qui conclut modestement que l’ on ne peut pas apporter de réponse à la question de la validité du consentement de l’enfant aux soins : de fait la valeur éthique du consentement ne réside pas dans son contenu mais dans son existence même. C’est l’impliquer en tant que sujet qui est l’acte éthique fondant son autonomie. J’atteste pour ma part du second, suggéré par les traces de la souffrance des soignants décelables dans leurs témoignages, qui est me semble-t-il la nécessité pour les équipes en question d’un soutien psychologique : dès lors que les émotions peuvent submerger, mais peuvent aussi être véhiculées par des paroles, il apparaît nécessaire que, pour partager entre eux et pour partager avec les enfants et les parents, les soignants puissent échanger au sein d’un groupe de parole.
Introduction
« Un livre, c’est toujours un enfant né avant terme qui me fait l’effet d’une créature assez répugnante en comparaison de celle que j’aurais souhaité mettre au monde, et que je ne me sens pas trop fier de présenter aux regards d’autrui », dit […] Lévi-Strauss. Sans doute n’est-il pas possible de faire plus quand on espère justement du discours qu’il laisse enfin à autrui une place, quand on sait que ce n’est pas du sens (bon sens ou pas) que procède le discours, mais du signe. C’est d’autrui qu’il reste à attendre que le signe soit recueilli pour que l’ellipse qui se referme sur ce qui a été trop vite, trop mal dit, trouve son autre centre qui la justifie. » Jean Clavreul,L’ordre médical
Le service d’oncologie pédiatrique d’un hôpital français n’a plus rien à voir avec ces lieux des années soixante que décrivent avec un émoi toujours intact les anciens patients ou les médecins qui y ont débuté. Le cancer de l’enfant est aujourd’hui soigné et, trois fois sur quatre, il est guéri. Pourtant, un tel service reste un lieu de nos sociétés modernes difficile à appréhender émotionnellement et dont personne - patients, parents et soignants – ne sort indemne, quand bien même la maladie a été vaincue. C’est aussi un lieu qui a ses chefs, ses rituels, ses croyances, ses circuits d’échange et de communication – bref, un lieu propice au décryptage de l’anthropologue. Issu d’une pratique de trois ans d’immersion et d’observation, ce livre est d’abord une description fidèle de cet espace de soins et de la complexité des relations qui s’y nouent entre les soignants, les enfants et leurs parents. Il a pour ambition de concilier la rigueur de l’étude ethnographique avec l’humilité et la délicatesse qui s’imposent dans un tel terrain dit « sensible ». A l’origine de ce livre, il y a eu les questions qui me sont venues dans un parcours d’hospitalière, me menant de l’hôpital pédiatrique Sain t-Vincent de Paul (1999) à la direction d’un pôle de cancérologie à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille (2003-2006). Dans ce contexte, ce sont les nouveautés législatives qui s’imposaient à moi comme directrice d’hôpital qui m’ont d’abord fait reprendre les chemins de la recherche universitaire. La législation relative à l’information du patient (loi n° 2002-203 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du
Ethnologie d’un service d’oncologie pédiatrique système de santé), la législation relative à la recherche du consentement dans le cadre des essais cliniques (loi dite Huriet-Sérusclat), le dispositif d’annonce du 1 cancer dans le cadre de la mise en œuvre du plan cancer (mesure 42) , l’information et le dispositif d’annonce à l’enfant atteint de cancer et à ses parents (circulaire relative à l’oncologie pédiatrique) : tous ces dispositifs mis bout à bout conduisent à une exigence institutionnelle normée, la nécessité d’informer un enfant atteint de cancer sur la pathologie dont il est atteint et sur les traitements qui lui sont proposés, la nécessité de chercher son consentement exprès dans le cas où la participation à un essai clinique est envisagée. Autant d’exigences qui doivent être combinées à la nécessité de protection de la vulnérabilité enfantine. Je me trouvais alors confrontée à plusieurs questions : le patient hospitalisé peut-il conserver sa place de sujet, tout particulièrement en pédiatrie ? Comment le discours du malade coexiste-t-il avec le discours biomédical en pédiatrie où l’enfant est lui-même soumis à l’autorité parentale ? Quelle est la valeur des propos fantaisistes d’un enfant par rapport à la catégorie morale du mensonge ? Le savoir développé en médecine adulte est une aide, mais n’épuise pas la réflexion nécessaire à l’établissement en pédiatrie de relations soignant - soigné de qualité. Cette dernière nécessite que soit prise en compte par le soignant la diversité des aptitudes à la compréhension des enfants, dans un contexte de constellation familiale toujours spécifique. Cette prise en compte fait appel aux capacités d’adaptation du soignant. Autant de sujets rejoignant les réflexions sur la place de l’enfant dans la société, déjà abordées dans les domaines judiciaire, psychologique et psychanalytique. Comment renseigner un tel questionnement ? Sur un plan méthodologique, l’organisation des temps hospitaliers, des roulements d’équipe et des patients accueillis, les mouvements perpétuels de la vie et de la mort, ont requis l’élaboration d’un protocole de recherche particulier. Il s’est agi en effet de rendre compte de faits singuliers, dans leur immanence, sélectionnés sur le temps de ma présence qui ne pouvait être constante et perpétuelle. C’est d’ailleurs une recherche d’ordre phénoménologique qui est proposée ici, essayant de mettre à distance le discours hospitalo-universitaire du lieu qui développe son propre registre de pensée réflexive. La médecine a donc été envisagée ici comme un habitus et un sociolecte, et l’éthique médicale comme un registre de communication endogène. Cela reste pourtant un travail d’anthropologie dans le champ médical et non pas sur la médecine, que j’ai nourri d’une affectation réciproque dans le rapport au terrain sans en faire pour autant une lecture herméneutique libre. C’est une forme de compréhension
1 Un grand chantier national de lutte contre le cancer a été ouvert sous l’impulsion du Président de la République le 14 juillet 2002.
10
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents