Si tu vois le margouillat
301 pages
Français

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Si tu vois le margouillat , livre ebook

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Description

Pierre Biarnès a vécu une trentaine d'années en Afrique, à Dakar. Pendant près de 23 ans il y a représenté Le Monde. Ce sont ses souvenirs de reportage qu'il évoque ici, se remémorant tout particulièrement ses passages dans sept pays, le Zaïre, la République centrafricaine, le Tchad, le Gabon, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal. Des évocations hautes en couleurs qui montrent que ce familier du continent noir n'avait pas froid aux yeux, suivies de solides analyses de la situation qui prévalait dans les années 1960-1970 au sud du Sahara.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2007
Nombre de lectures 357
EAN13 9782336265612
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

9782296033207
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Du même auteur Avertissement aux lecteurs ZAÏRE Bloc-notes I ZAÏRE - Une indépendance en catastrophe CENTRAFRIQUE Bloc-notes II CENTRAFRIQUE - Bokassa Empereur TCHAD Bloc-notes III TCHAD - La vengeance de Rabah GABON Bloc-notes IV GABON Le petit émir d’Afrique équatoriale MALI Bloc notes V MALI - Les acquis du peuple MAURITANIE Bloc-notes VI MAURITANIE - Faire et défaire la Mauritanie SÉNÉGAL Bloc-notes VII SÉNÉGAL - Un député noir au Parlement de l’Universel
Si tu vois le margouillat
Souvenirs d'Afrique

Pierre Biarnès
Du même auteur
L’Afrique aux Africains. 20 ans d’indépendance en Afrique noire francophone, Armand Colin, 1981.
Les Français en Afrique noire de Richelieu à Mitterrand. 350 ans de présence française au sud du Sahara, Armand Colin, 1987.
Le XXI e siècle ne sera pas américain , Éditions du Rocher, 1998.
La mort de Paul. Et quelques réflexions sur l’euthanasie, First Éditions, 1999.
Un arrière-train de sénateur , chez l’Auteur, 2001.
Les États-Unis et le reste du monde. Les chemins de la haine. Chroniques de la dernière décennie, L’Harmattan, 2002.
Pour l’empire du monde. Les Américains aux frontières de la Russie et de la Chine , Ellipses, 2003.
La fin des cacahouètes , L’Harmattan, 2005.
Si tu vois le margouillat Qui s’est fait coudre un pantalon C’est que, pour placer sa queue, Il a trouvé la solution. Oh ! oh ! margouillat, Missié margouillat ! Dans la vie, il faut avoir de l’ambition Mais pas se faire trop d’illusion Oh ! oh ! margouillat, Missié margouillat.
Avertissement aux lecteurs
J’ai vécu une trentaine d’années en Afrique, à Dakar. Pendant près de 23 ans, j’y ai représenté Le Monde. Ce sont mes souvenirs de cette longue période que j’évoque ici, me remémorant tout particulièrement mes passages dans sept pays, le Zaïre, la République centrafricaine, le Tchad, le Gabon, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal.
Je consigne pour chacun de ces sept pays des souvenirs personnels, comme le fait un peintre en accompagnant d’esquisses ses tableaux. Puis je retrace l’évolution politique de chacun d’eux durant cette longue période, les années 1960-1970.
ZAÏRE Bloc-notes I
Nous étions en septembre 1960, et c’était la première fois que Le Monde, dont j’étais devenu le correspondant en Afrique francophone – ce qui m’avait amené à démissionner du secrétariat général de la Chambre de commerce de Dakar –, m’envoyait en reportage hors du Sénégal. Dès mon arrivée à Léopoldville, j’avais pris contact avec Louis Lamonzie, dont j’avais obtenu les coordonnées par le Grand Orient de France. Il était arrivé là avec la première mission des Nations unies, que Kasa Vubu et Lumumba, entrés en conflit dès la proclamation de l’indépendance, le 30 juin précédent, avaient appelée conjointement à la rescousse pour remplacer l’administration coloniale belge en train de s’effondrer. C’était un fonctionnaire des impôts et il se réclamait de Force Ouvrière. Mais il n’allait pas tarder à réaliser une importante fortune, avec une entreprise de fourniture et d’installation de matériel électrique. Son bureau était installé dans l’immeuble de la Société Générale de Belgique, juste en dessous de celui qu’avait occupé un temps Menahem Beguin, de l’Irgoum, fondu dans l’importante communauté de Juifs de Malte, qu’on confondait avec les Grecs travaillant avec les diamantaires d’Anvers.
Nous avions aussitôt sympathisé, et notre amitié fraternelle devait se maintenir pendant une trentaine d’années et même au-delà, jusqu’à sa retraite sur la Côte d’Azur, dans les années 1990. Il fut tout au long de ces années-là mon point d’appui au Congo, qui allait devenir le Zaïre. En septembre 1989, bien qu’ayant adhéré entre-temps au RPR, il sera un des membres de la droite au Conseil Supérieur des Français de l’Étranger – où il représentait le Zaïre, et moi le Sénégal – qui me permettront d’être élu sénateur, en dépit du fait que la Gauche était minoritaire et que mes idées, très proches de celles des communistes, n’étaient ignorées de personne. Tous les soirs, nous faisions le tour des bars à putes jusqu’à une heure avancée de la nuit... À La Perruche Bleue, au Café Rita, au Vatican, où on pouvait entendre Le Seigneur Rochereau (Pascal Tabu Sinamuey). Louis Lamonzie vivait sans sa femme, rentrée en France. Il avait toujours de superbes maîtresses métisses ou noires, qui lui coûtaient très cher. Dès que nous étions partis en virée, nous chantions la même rengaine : « Si tu vois le margouillat qui s’est fait coudre un pantalon, c’est que, pour placer sa queue, il a trouvé la solution. » Nous l’entonnions aussi chaque fois que nous nous rencontrions à Paris, au Centre des conférences internationales, avenue Kléber, où se tenaient les réunions du CSFE. Nos collègues, de Gauche comme de Droite, étaient toujours médusés et se demandaient si nous n’avions pas pété les plombs.

C’est à Ndjili, l’aéroport de Kinshasa, que j’ai failli me faire mettre le doigt au cul. Au prix de quelques matabish, j’avais passé sans trop de problèmes le contrôle de police et la douane. J’attendais mon avion, lorsqu’un homme mal rasé et sale, portant uniforme, s’était approché de moi : « Contrôle des Mines». Je ne savais que lui répondre, et il avait réitéré à deux reprises son interpellation, m’invitant à le suivre. Dans une petite pièce, deux de ses collègues m’attendaient : « Avez-vous des diamants ? » J’avais répondu non à plusieurs reprises, ironisant sur mon manque d’argent. On pouvait me fouiller. Je ne croyais pas si bien dire. Puis, soudain, j’avais aperçu, dans une cuvette jaune en plastique posée sur une table brinquebalante, un gant blanc dégueulasse qui flottait dans de l’eau merdique. J’avais réitéré mes protestations avec l’énergie du désespoir et, finalement, on m’avait laissé partir. Quand, quelques heures plus tard, j’étais arrivé à Dakar où Monique m’attendait, encore traumatisé, je n’avais pu que répondre à ses interrogations « On m’a mis le doigt dans le cul ». C’était presque vrai. Jean du Couëdic de Kergolan, un ancien camarade de Sciences-Po, qui voyageait avec moi, n’avait pas pu éviter, lui, de se faire fouir.

Tout était prétexte à Matabish. Des hommes en tenue militaire pouvaient vous intercepter sur l’autoroute de l’aéroport, de Ndjili à Kinshasa, et vous arrêter, le fusil mitrailleur à la main, en vous disant que vous aviez grillé un feu rouge. On ne pouvait que payer. Les passages au poste de police et à la douane étaient très onéreux. On devait même payer dans la salle d’attente du Président, sous peine de ne pas être reçu, faute d’avoir été annoncé.

Tout comme au Moyen Âge en Europe, la vie moderne s’était concentrée, en dehors de quelques grandes villes, dans de grosses structures de production, totalement autonomes, plus ou moins reliées entre elles, malgré le retour à la brousse et à la forêt d’une très large partie du pays, peuplée de coupe-jarrets et de coureurs de grands chemins.
Je me souviens ainsi d’une très grosse compagnie sucrière, propriété d’un baron belge, non loin de la frontière de l’Angola, près de Banza Ngundu, où la France avait installé une École de blindés. Il y avait tout d’abord là des milliers d’hectares de canne à sucre. Et aussi un corps de bâtiments impressionnant. Outre les logements des personnels européens et africains – plusieurs milliers d’hommes et de femmes –, on voyait d’importants ateliers de menuiserie, de fonderie et de métallurgie-mécanique ; d’appareillage électrique ; afin de subvenir sur place à toutes les réparations de matériel. De larges bassins de pisciculture, de très grands poulaillers, d’immenses jardins de cultures maraîchères et de fruitiers. Des ateliers de confection. Une clinique et plusieurs dispensaires, avec une dizaine de médecins, dont deux chirurgiens ; une centaine d’infirmières. Des écoles jusqu’au bac. Des églises catholiques, protestantes et kimbanguiste

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