L oeuvre en cours de François Jullien
164 pages
Français

L'oeuvre en cours de François Jullien , livre ebook

-

164 pages
Français

Description

François Jullien tente une aventure singulière : se placer "en dehors" de la philosophie occidentale, pour mieux l'appréhender. C'est dans la pensée chinoise qu'il trouve ce recul nécessaire et un puissant levier pour mettre la pensée issue du "miracle grec" à l'épreuve de l'interrogation. L'enjeu de ce dépaysement oriental est de comprendre ce qu'il en va de l'opération de penser en général.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2007
Nombre de lectures 289
EAN13 9782296165083
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’œuvre en cours de François JULLIEN
Du même auteur Le sens du matériau,Delagrave / CRDP Toulouse, 2000. La Passion selon Saint-Simon,Grenoble, Ellug, 2002. www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr © L’Harmattan, 2006 ISBN : 978-2-296-02521-8 EAN : 9782296025219
Philippe JOUSSET
L'Harmattan Hongrie Könyvesbolt Kossuth L. u. 14-16 1053 Budapest
L’Harmattan 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris FRANCE Espace L’Harmattan Kinshasa L’Harmattan Italia Fac..des Sc. Sociales, Pol. et Via Degli Artisti, 15 Adm. ; BP243, KIN XI 10124 Torino Université de Kinshasa – RDC ITALIE
L’Harmattan Burkina Faso 1200 logements villa 96 12B2260 Ouagadougou 12
L’œuvre en cours de François JULLIEN Un déplacement philosophique
Ouverture philosophique Collection dirigée par Dominique Chateau, Agnès Lontrade et Bruno Péquignot Une collection d'ouvrages qui se propose d'accueillir des travaux originaux sans exclusive d'écoles ou de thématiques. Il s'agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexions qu'elles soient le fait de philosophes "professionnels" ou non. On n'y confondra donc pas la philosophie avec une discipline académique ; elle est réputée être le fait de tous ceux qu'habite la passion de penser, qu'ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des sciences humaines, sociales ou naturelles, ou… polisseurs de verres de lunettes astronomiques. Déjà parus Eustache Roger Koffi ADANHOUNMÉ,L’utopie des inventions démocratiques,2006. Nadia BOCCARA,David Hume et le bon usage des passions, 2006. Alain TORNAY,Emmanuel Lévinas, philosophie de l’Autre ou philosophie du Moi ?, 2006. Nadine ABOU ZAKI,Introduction aux épîtres de la sagesse, 2006. Lambert NIEME,Pour une éthique de la visibilité dans l’invisible, 2006. Michel DIAS,Hannah Arendt. Culture et politique, 2006. Alain PANERO,Corps, cerveau et esprit chez Bergson, 2006. Michel JORIS,Nietzsche et le soufisme : proximités gnostico-hermétiques, 2006. Miguel ESPINOZA,Théorie du déterminisme causal,2006. Christian FROIDEFOND,Ménon et Théétète, 2006. J.-L. VIEILLARD-BARON et A. PANERO (coord.),Autour de Louis Lavelle, 2006. Vincent TROVATO,Être et spiritualité, 2006 Michel FATTAL,Plotin chez Augustin, 2006. Laurent MARGANTIN (dir.),Kenneth White et la géopoétique, 2006. Aubin DECKEYSER,Éthique du sujet, 2006. Edouard JOURDAIN,Proudhon, Dieu et la guerre. Une philosophie du combat, 2006.
À Kamel Gaha, en témoignage d’admiration et de reconnaissance.
Préambule Un de ses brillants disciples faisait mérite à Marx d’avoir découvert un nouveau continent philosophique. F. Jullien, lui, s’est contenté d’en redécouvrir un très ancien ; il n’a pas eu à le baptiser, il portait déjà un nom : le continent-Chine, un continent peuplé et qui avait produit, n’en déplaise à Hegel, d’authentiques penseurs. Il s’est employé à faire connaître cette tradition lettrée pour saper, pied à pied, ce vieux préjugé qui voudrait que la Chine n’ait connu en fait de philosophes que des clercs bornés et des sages diaphanes. En fait, croyant aborder une nouvelle terre, F. Jullien inventa une méthode. On pourrait désigner comme premier enjeu de cette œuvre : la réflexion globale sur les impensés de notre pensée, le dégagement d’un hors-champ de notre scène philosophique, que le contrechamp de la pensée chinoise contribue à faire apparaître. C’est, à l’échelle de la pensée, le procédé dumaking of,qu’on appelait autrefois « coulisses » : qu’y a-t-il derrière lesreprésentations, quelles sont les machines,quidde la régie, des lumières, du souffleur, etc.?Non pas montrer que la philosophie est nue – ceci relève de la satire, qui n’est pas moins nue que ce qu’elle dévoile – ni désorienter la pensée pour le plaisir de la déboussoler, ni non plus l’orienter,c’est-à-dire lui faire mettre le cap plein est pour coloniser ces confins, mais bien redonner à cette pensée dominante filée depuis les Grecs dujeu. Ce qui revient aussi à mieux comprendre ce qu’on appellera la métastabilité de 7
cette tradition de pensée nôtre, sa consistance et ses insistances, sa raison d’être en définitive qui, étant le fruit d’une histoire, ne saurait être une simple somme d’accidents ; s’apercevoir que les « plis » de nos réflexions sont à la fois contingents et qu’ils possèdent une logique et une nécessité, autrement dit : comprendre les manières de pensée comme desstyles qui nous choisissent autant que nous les choisissons. Le deuxième enjeu se déduit directement du premier, mais il prend une physionomie originale de rencontrer une donnée de fait contemporaine : la réduction du monde au village planétaire. À l’heure de la mondialisation, d’un accroissement du nombre et de la vitesse des échanges, qui se solde par un appauvrissement de ceux-ci et un brouillage généralisé, l’exotisme n’est pas une réponse à la hauteur du défi. Le modèle de la fédération, de l’œcuménisme ou même les synthèses à la Auguste Comte sont insuffisants aujourd’hui, et, quand il s’agit depenser,guère plus de mise que les bonnes intentions de la « tolérance » ou les vœux pieux de la coexistence pacifique : rien qui ne soit rigoureusement élaboré, dans le respect de toutes les médiations nécessaires, et patiemment étayé – et c’est bien là la spécificité du travail philosophique – ne peut prétendre fonder un universalisme qui se distingue d’un simple encyclopédisme de la juxtaposition ou de la « bibliothèque imaginaire », à la façon du musée de l’esthète malrussien. F. Jullien n’abandonne pas cette ambition d’un savoir traduisible ; il en exploite même toute la ressource mais, en redéployant la pensée sur son versant oriental, il marque l’irréductibilité des univers conceptuels et, par là, réconcilie la pensée avec sa pluralité, sa richesse indéfinie, qui est d’abord l’exploitation de ses richesses finies, de ses dissensus. Il parie sur la (prise de) « conscience » plutôt que sur la Vérité : il ne cherche ni le savoir ni la spéculation pour eux-mêmes, mais philosophe comme ons’exerce, en essayant
8
de choisir les meilleurs agrès ; en un mot, il pense pour rester vivant et maintenir la pensée en forme. On aura compris que nous sommes passés ici, insensiblement, du deuxième au troisième enjeu (éthique). Nous pensons, certes, mais nous ne pensons pas de manière quelconque,etF. Jullien nous aide précisément à comprendre lecomment de nos modes de pensée, tente de leur assigner une généalogie et, actionnant le contraste chinois comme premier levier, montre que tout ce que nous concevons et énonçons n’est qu’un possible parmi les possibles, dont il importe de ressaisir les conditions, les dispositions, les articulations, les rythmes, etc. Si chaque pensée montre des limites, elle crée en même temps des ressources, transformant unpossibleenpotentiel. Aussi n’est-ce pas une curiosité ethnologique qui inspire le détour par la Chine ; ce terroir spirituel se constitue en profondeur de champ réelle pour penser. Il en va ainsi d’un renouvellement de la tradition empiriste : sous d’autres climats, sous d’autres cieux, il existe des corps qui pensent et qui pensent autant mais autrement que nous. On a beaucoup courtisé, ces dernières décennies, le concept de corps ; la pensée de Jullien, elle, serait plutôt une réhabilitation de la pensée comme vitalité particulière, point désincarnée ni coupée des mœurs en général – une vitalité qui est une façon immatérielle d’explorer de manière concrète le sort de l’être au monde dans toutes ses dimensions. Est-il nécessaire de souligner la portée pratique d’une telle entreprise ? Elle est multiple : elle cherche la rencontre avec autrui dans la plus respectueuse des négociations, celle de la discussion des fondements, amont et aval ; mais en redonnant du jeu à notre réflexion elle cherche aussi à lui reconquérir une certaine liberté, par éclairage de ses déterminismes : non pas pour donner à l’homme blanc une nouvelle occasion de se flageller ou de se renoncer, non pas afin de renier son particularisme, mais pour le « rechoisir » en connaissance de cause, et en assumer la pleine responsabilité par conséquent.
9
Car si chaque pensée montre des limites, avons-nous dit, elle crée en même temps des ressources et des obligations, transformant unpossibleenpouvoircette fois.Chaque philosophie a son style et chacun de ces styles constitue non pas la pellicule la plus extérieure de son « fond », mais une manière particulière d’ « adresser » la parole, de disposer les phrases, de développer des attitudes, d’aborderles objets, d’accomplir à leur égard certains gestes, etc. La prose de Jullien nous rappelle à chaque page que littérature et philosophie ne forment que deux branches d’un même tronc, qu’il n’existe pas de pensée sansécriture, sans une manière spécifique de créer une « écoumène » de paroles, un lieu physique et mental à la fois qui possède son espace, sa lumière, son caractère, ses saveurs…, et qui édifie dans les livres unehabitation,antichambre de l’Ouvert de l’existence auquel, après les rites accoutumés, nous sommes conviés de faire honneur.
10
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents