Personne, communauté et monade chez Husserl
220 pages
Français

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Personne, communauté et monade chez Husserl , livre ebook

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Description

La présente recherche étudie le surplus de sens que représente la socialité par rapport à la donation de la personne dans la philosophie de E. Husserl. Contrairement à la plupart des commentateurs, ce passage par le fondateur de la phénoménologie refuse son orientation téléologique et théologique pour se concentrer sur une description qui essaie de ne pas sortir de la sphère phénoménologique. Le recours à la monade au sens de Husserl s'impose alors pour appréhender la profondeur d'un tout par accident, et selon des modalités et des niveaux qu'aucune "harmonie préétablie", "main invisible" ou "Esprit" ne justifie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2010
Nombre de lectures 104
EAN13 9782296261235
Langue Français
Poids de l'ouvrage 6 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Introduction 1 L'acte de naissance de la phénoménologie politique est un article de Reinach publié dans leJahrbuch für Philosophie und phänome-nologische Forschung" intitulé apriorischen Grundlagen des« Die bürgerlichen Rechtes » (vol. 1: 685-847 1913). La méthode mise en œuvre est eidétique et phénoménologique, héritée de la philosophie de E. Husserl, le maître et le professeur de Reinach. Par la suite, Vierkandt, Scheler, Stein, v. Hildebrand ou Werner lui emboîteront le pas. Ce mouvement de pensée plongent cependant ses racines bien au-delà du père de la phénoménologie. On retrouve l'influence immense de Tönnies – et à travers lui de Hobbes. Au fondement se trouve ainsi une conception homogène de la société et de la communauté, une notion individualiste de la personne et un principe d'unification par identification. Les notions de personne, de société et de communauté – les trois concepts fondamentaux de la phénoménologie politique – s'articulent selon une logique du tout et des parties. Les personnes sont des atomes dont la propriété essentielle est d'être capable de former des liens avec d'autres atomes de même nature, de telle sorte que la relation sociale sera qualifiée de « mécanique », tandis que le lien communautaire 2 sera dit « organique » . En d'autres termes, la société et la communauté sont les deux espèces d'un genre. Le présent travail entend remettre en cause ce dogme, en affirmant d'une part que la personne ne fonde aucune totalité à la manière d'atomes, et d'autre part que la société et la communauté sont hétérogènes par essence. Au grand étonnement du lecteur peut-être, l'auteur a décider de traiter ce problème par un retour à Husserl, et non pas à partir de grands penseurs politiques tels qu'Aristote, Hobbes ou Hegel. C'est qu'il nous est apparu que la tradition philosophique a trop souvent considéré comme évidente la question de la personne et de la collectivité, sans examiner le sens de cette évidence et la reléguant généralement au statut
1 Nous n'ignorons pas que Hegel est certainement le premier à pouvoir prétendre avoir établit une phénoménologie politique. Cependant,comme nous aurons l'occasion de le rappeler, la phénoménologie au sens strict ne peut pas soumettre le phénomène étudié à une logique toute puissante. Il s'agit là d'une métaphysique du droit. 2 En utilisant ici la terminologie de F. Tönnies, “organique” renvoie aux relations familiales et affectives, tandis que le qualificatif « mécanique » désigne l'ensemble des relations formelles et rationnelles que les hommes tissent au fil de leurs intérêts (cf. Gemeinschaft und Gesellschaft. Grundbegriffe der reinen Soziologie, §1-2).
d'effet induit par un système, certes grandiose, mais penser pour autre chose. Dans l’histoire de la philosophie en effet, deux types opposés de traitement se dégagent. Le premier affirme que la communauté se réduit à un ensemble de personnes, et ce que l’on désigne par « communauté », « cité » ou « société » se résume strictement aux relations que ces personnes entretiennent entre elles ou avec les institutions. Au mieux, la communauté est-elle symbolisée par son système juridique ou sa constitution. Le second type de réponse explique que la personne n’a d’existence qu’en tant qu’elle est déterminée par une communauté, laquelle n’est aucunement une totalité de rapports, mais unprincipe. Sans elle, l’être humain ne serait jamais devenu une personne, c’est-à-dire un être entretenant des relations morales, juridiques ou autres avec ses semblables. Elle est au fond une sorte d’esprit qui conduit un animal à côtoyer ses semblables. Les plus grands penseurs de la communauté se situent tous entre ces deux positions limites. Ils confondent non seulement la société et la communauté, comme s'il s'agissait de deux phénomènes similaires mais, en sus, ils soumettent leurs observations attentives de la vie humaine à un système, ou à un cadre interprétatif, forgé à une autre flamme que celle dont ils tentent de rendre compte. Le choix de Husserl s'impose alors pour celui qui entend mener des descriptions précises des objets en jeu dans la relation interpersonnelle. Certes, Husserl n’est pas connu pour avoir révolutionné la philosophie politique de son temps, ni pour avoir développé une conception nouvelle de la personne. En fait, il est d’abord l’auteur de Philosophie de l’arithmétique, desRecherches logiques ou deLogique formelle et logique transcendantale. Il s’agit là de thématiques très éloignées du présent questionnement, raison pour laquelle, peut-être, Karl 1 Schuhmann souligne la naïveté de la pensée politique et éthique du phénoménologue, trop « spécialisé » dans les domaines de la logique et de la théorie de la connaissance. Pourtant, les méthodes phénoménologiques que Husserl
1 Cf. Schuhmann, K. :Husserls Staatsphilosophie, Verlag K. Alber, München, Freiburg 1988. Remarquons à propos de cet ouvrage qu'il ne possède pas la rigueur scientifique à laquelle l'auteur nous a habitué dans ses autres travaux. Il mélange les manuscrits, les époques et les idées, donnant une fausse impression des réflexions husserliennes sur le politique. Il oublie que la naïveté de certains « monologues intérieurs » est souvent partagée par toute une époque, charnière, pendant laquelle les repères ont été bouleversés.
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développe tout au long de sa carrière, en commençant par la fameuse analyse eidétique jusqu'à la méthode en zig-zag en passant par la réduction transcendantale, toutes ont pour vocation une application dans le champ des sciences humaines. En 1913, dans le premier volume des Idées directrices pour une phénoménologie et une philosophie phénoménologique puresouvrage en apparence peu en rapport avec – notre sujet – l’auteur reconnaît lui-même que la phénoménologie ne concerne pas seulement la conscience pure. Elle est le point de départ d’une « phénoménologie de l’homme, de sa personnalité, de ses propriétés personnelles et de son courant de conscience (en tant qu’homme) », et même d’une « phénoménologie de l’esprit social, des 1 configurations sociales, des formations culturelles, etc. » . Où mènerait cette phénoménologie ? A une axiologie communautaire ? A une logique de la personne ou du social ? A un Esprit du monde ? L’étude historique des écrits permettrait de répondre à chacune de ces hypothèses par l’affirmative. Il suffit de lire tel texte ou de privilégier tel manuscrit, interdisant toute réponse définitive. Comme tous les grands penseurs, la réflexion husserlienne ne peut pas retirer à la personne toute puissance d’autodétermination et à la communauté toute force normative. Comme toujours, la réponse se trouve à mi-chemin, mais sous une forme qu’aucune science ne peut espérer saisir. La grande découverte de la phénoménologie est, selon nous, l'insaisissabilité de la communauté par l'objectivation.Elle ne peut pas être prise comme objet. Cela signifie-t-il que la communauté est inconnaissable ? Il est bien entendu que non, mais la méthode pour en saisir les moments structurels ne peut pas être pensée sur le modèle des sciences positives.
1 Husserl :Idées directrices pour une phénoménologie et une philosophie phénoménologique, troisième section, chapitre II, §76,Husserliana III/1, p. 159, l. 33-39 ; traduction Ricoeur, p. 243-244. La phénoménologie husserlienne de la personne a inspiré nombre de philosophes et d'exégètes. C’est ainsi par exemple que James Hart a suivi la piste ouverte par les articles de la revue Kaizo,trouve l’unité de la et phénoménologie transcendantale en Dieu, faisant de Husserl une sorte de Leibniz des temps modernes. Hiroshi Goto prend au contraire le parti de développer la conception des Idées II sur un plan éthique, et de la confronter aux modèles aristotélicien, kantien et schélérien. Nous ne contredirons pas ces thèses, qui nous semblent justifiées dans les limites fixées par leurs auteurs. Pour notre part, nous éviterons l’éthique husserlienne, sinon pour en critiquer le caractère théologico-politique, et nous tenterons de répondre à la question de la personne et de la communauté à partir de l’idéalisme transcendantal, d’abord intersubjectif en suivant Husserl, puis monadologique en partant de Husserl.
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A) Problématique générale
La phénoménologie de la personne apparaît au premier abord oxymorique. S'étant débarrassé de tout arrière-monde métaphysique, Husserl procède à un « aplatissement » de l'être de l'objet sur le pur donné, et même si ce dernier ne se donne jamais complètement, force est de constaté que « l'imperfection de sa donation est sans mystère et sans 1 profondeur » . Un tel geste méthodologique a deux conséquences. D'abord, celle que souligne R. Bernet : le corrélat noétique d'un tel phénomène est un sujet pour qui l'apparition du phénomène ne provoque aucune surprise, ce qui advient étant attendu conformément à ses protentions. A ce sujet, il n'arrive jamais rien de nouveau. L'autre conséquence, noématique, fait de la personne un phénomène sans profondeur. N'est-ce pas contradictoire ? N'est-elle pas au contraire toute entière pro-fondeur, non pas un fond que l'on poserait comme une essence derrière l'apparition, mais le parcours vers un fond en abîme ? Et dans cette ligne de fuite vers un fond qui n'appartient qu'à elle, comment la personne peut-elle être pensée comme un atome individuel doté d'un improbableclinamenqui permettrait de rendre compte de cette réalité qu'est la société? Comment, si cette profondeur oriente la personne vers elle-même, peut-elle former une communauté avec d'autres personnes? Le défi lancé à la phénoménologie l'enjoint de concilier une profondeur à définir avec une surface qui ne va pas non plus sans difficultés. La personne ne se comporte pas comme un objet objet vécu autour duquel on tournerait pour en saisir les côtés. Elle se meut d’elle-même. Elle communique et évolue dans un univers symbolique. Même devant ces difficultés, Husserl ne doute pourtant pas de sa méthode. Il écrit lui-même : «bien quela psychologie et les sciences de l’esprit soient atteintes par la mise hors circuit, il y a une 2 phénoménologie de l’homme, de sa personnalité,… » . La question est seulement de cerner quelle forme celle-ci doit revêtir. Concrètement, il est nécessaire de soumettre la personne aux méthodes phénoménologiques pour en explorer la surface et les profondeurs. La première sera la méthode eidétique qui imposera une analyse selon deux fils directeurs : la nature (chapitre 1) et le monde de
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Bernet, R. :Conscience et existence. Epiméthée, Puf, Paris, 2004, p. 226. Op. cité, p. 159, l. 33-36 ;Ricoeur, p. 243.
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