Spinoza et la médecine
186 pages
Français

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Spinoza et la médecine , livre ebook

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Description

La médecine est chez Spinoza un véritable modèle pour la pensée : son éthique constitue une thérapeutique du Corps et de l'Esprit, et le matérialisme médical joue un rôle décisif dans la constitution de sa philosophie de la nature. On comprend mieux alors comment la médecine permet de définir l'activité philosophique en tant que processus thérapeutique et comment le spinozisme est une invitation à prendre soin de sa vie afin d'accéder à la béatitude ou à la grande santé de l'âme.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2011
Nombre de lectures 109
EAN13 9782296808904
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Spinoza et la médecine
Éthique et thérapeutique
H IPPOCRATE ET P LATON
Études de philosophie de la médecine

Collection dirigée par Jean Lombard

L’unité originelle de la médecine et de la philosophie, qui a marqué l’aventure intellectuelle de la Grèce, a aussi donné naissance au discours médical de l’Occident. Cette collection accueille des études consacrées à la relation fondatrice entre les deux disciplines dans la pensée antique ainsi qu’à la philosophie de la médecine, de l’âge classique aux Lumières et à l’avènement de la modernité. Elle se consacre au retour insistant de la pensée contemporaine vers les interrogations initiales sur le bon usage du savoir et du savoir-faire médical et sur son entrecroisement avec la quête d’une sagesse. Elle vise enfin à donner un cadre au dialogue sur l’éthique et sur l’épistémologie dans lequel pourraient se retrouver, comme aux premiers temps de la rationalité, médecins et philosophes.

Déjà parus

Jean Lombard, L’épidémie moderne et la culture du malheur, petit traité du chikungunya, 2006.
Bernard Vandewalle, Michel Foucault, savoir et pouvoir de la médecine , 2006.
Jean Lombard et Bernard Vandewalle, Philosophie de l’hôpital , 2007.
Jean Lombard et Bernard Vandewalle, Philosophie de l’épidémie , le temps de l’émergence , 2007.
Simone Gougeaud-Arnaudeau, La Mettrie (1709-1751), le matérialisme clinique , 2008.
Jean Lombard, Éthique médicale et philosophie, l’apport de l’Antiquité , 2009.
Gilles Barroux, Philosophie de la régénération, médecine, biologie, mythologies , 2009.
Victor Larger, Devenir médecin, phénoménologie de la consultation médicale , 2011.
Bernard Vandewalle


Spinoza et la médecine
Éthique et thérapeutique
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-54963-0
EAN : 9782296549630

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
I UNE PHILOSOPHIE DE LA NATURE
N OTRE but n’est pas du tout de proposer une interprétation d’ensemble de l’ontologie de Spinoza, qui supposerait un travail d’une autre nature. L’enjeu est plus modeste mais, aussi bien, décisif. Il s’agit de montrer que Spinoza s’est nourri de la pensée et de la pratique médicales de son temps et que cela n’a pas été sans effet sur la constitution de sa philosophie. Spinoza se donne les moyens de penser la médecine et ses enjeux à la lumière de l’extraordinaire révolution scientifique de son temps. La pratique de la médecine lui sert aussi à penser la spécificité de l’activité philosophique en tant que processus thérapeutique. L’appendice de la première partie de l’ Éthique s’achève – et ce n’est certainement pas par hasard – sur la notion de soin ou de purgation : emendare , soigner ou expurger, soit le terme même utilisé comme substantif dans le titre du Traité de la réforme de l’entendement , selon la traduction usuelle qui substitue la notion politique ou juridique de réforme à celle, plus exacte, d’amendement ou d’épuration, terminologie en tout cas d’inspiration clairement médicale. Mais pour comprendre l’importance de ce modèle médical, tant sous l’angle de l’épistémologie que sous celui de l’éthique, il faut d’abord mettre en place les concepts fondamentaux de l’ontologie spinoziste qui ont rendu possible la constitution d’une des plus grandes philosophies de la nature de toute l’histoire de la pensée.
Ce qui caractérise nombre d’interprétations de Spinoza, c’est trop souvent la volonté de tirer la pensée de notre auteur du côté de telle ou telle influence : le panthéisme de la Renaissance, la philosophie juive, le mécanisme et la science galiléenne, etc. Or Spinoza offre à son lecteur une pensée qui est unique, singulière et reconnaissable immédiatement dans son écriture et ses effets de vie. Sa philosophie ne ressemble qu’à elle-même et elle se révèle irréductible à telle ou telle influence. À partir d’une très grande diversité de traditions philosophiques, Spinoza a su élaborer une philosophie, sa philosophie , qui ne se prétend pas la meilleure, mais simplement une philosophie vraie, comme il le souligne lui-même dans une lettre célèbre à Albert Burgh.
C’est toujours la question ontologique de l’un et du multiple qui se trouve posée ici, comme dans la philosophie de Platon et notamment l’étourdissante construction du jeu dialectique du Parménide . Comment, en effet, passer du multiple à l’un et de l’un au multiple ? La forme platonicienne demeure-t-elle identique à elle-même dans les choses multiples ou bien au contraire se fragmente-t-elle à l’infini dans la diversité des choses ? En termes spinozistes faut-il privilégier la plénitude de la substance infinie dans son adhésion à soi ou la formidable puissance qui s’exprime dans la productivité des modes ? Il nous semble que Spinoza conjugue les deux mouvements : ascendant vers la substance et descendant vers les modes, dans une grande pensée de l’immanence. Chaque chose singulière exprime l’infinie puissance de la substance, qui elle-même n’est que par et dans la multiplicité infinie de ses affirmations modales, comme dans la symphonie de la quatrième hypothèse du Parménide .
L’élément de toute connaissance humaine est pour Spinoza la connaissance de Dieu {1} . C’est qu’il s’agit dans le de Deo , soit la première partie de l’ Éthique , de connaître la totalité du réel. Car tout ce qui est réel est pleinement intelligible. La pensée et la connaissance ne sont donc en rien l’œuvre d’un sujet, comme si elles étaient de nature subjective, mais elles coïncident avec un processus immanent au réel lui-même. Et c’est ce processus de production du réel dans la productivité infinie de la substance que décrit la première partie de l’ Éthique . Il n’y a ni fondement subjectif, ni sujet de la connaissance, puisque l’entendement n’est pas le pouvoir d’un sujet mais la propriété de la Pensée comme attribut infini de la substance ou bien comme mode infini de l’entendement de Dieu. Les premières propositions de l’ Éthique font assister à l’autoproduction du réel dans l’affirmation absolue de la substance infinie.
Spinoza part de l’intelligence en acte qui est la vie de l’esprit. Toutes les définitions par quoi commence l’ Éthique , en effet, sont rapportées à un acte de l’intelligence ( intelligo , « je comprends »). L’ Éthique commence certes par une première définition relative à l’infini, celle de la cause de soi, mais elle aborde aussitôt la question du fini dans sa deuxième définition {2} . Le fini se comprend par l’infini, mais c’est bien lui qu’il s’agit de changer dans le double projet d’une cathartique de l’esprit (le purifier des maladies de l’esprit) et d’une libération éthique (la clinique des affects). Il est essentiel de comprendre que l’entreprise de Spinoza a d’abord un sens éthique, dont nous analysons ici la portée « thérapeutique ».
La réalité coïncide ainsi avec le processus immanent de la cause de soi identifiée à Dieu. Le mouvement du de Deo ira en conséquence, comme l’a bien noté Pierre Macherey, de ce que Dieu est en soi ( in se ) à tout ce qu’il fait exister dans la productivité infinie de sa puissance ( a se ). Et il y a réciprocité pleine entre ce que Dieu produit et ce qu’il comprend. Dieu est donc substance infinie qui enveloppe tout ce qui existe et tout ce qui peut être compris. Mais l’idée de Dieu n’apparaît que dans la définition VI et la proposition XI, de sorte qu’on ne commence pas par Dieu, contrairement à une idée reçue, mais qu’on y parvient à partir de la constitution des notions de cause de soi, de substance et d’attribut. La substance infinie est plénitude d’être et affirmation pure. Dieu est l’être infini dont l’essence enveloppe nécessairement l’existence (aséité ontologique et épistémologique : Dieu est l’être qui existe par lui-même et qui se comprend par soi), là où les choses finies se caractérisent par le fait que leur essence n’implique en rien leur existence (propositions XX et XXIV).
Là où la substance est suffisance, le mode, lui, n’existe que comme affection de la substance et donc par elle. Comme effet, le mode existe nécessairement en autre chose. C’est que Dieu ou la substance infinie est à la fois cause de soi et cause de toutes choses. Mais pour comprendre comment la puissance infinie de Dieu ou de la nature peut être constitutive de toute chose finie, il faut faire intervenir une notion qui est commune à Dieu et aux modes, celle d’attribut. Les attributs, en effet, sont constitutifs de la substance infinie. Chacun d’entre eux est puissance infinie qui exprime l’essence infinie de la substance

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