Hallaj et le Christ
94 pages
Français

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Hallaj et le Christ , livre ebook

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Description

Hallâj est exposé comme un signe au centre du carrefour. Le saint y croise le blasphémateur et l'extatique le pieux musulman. Il rompt avec la religion légaliste, mais la présuppose partout. Il compose avec Jésus le mystique, celui d'un Jean de la Croix, un portrait saisissant. Et par-delà, c'est à la lumière du Verbe incarné que se révèle et se renoue le mystère de sa passion d'amour.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2006
Nombre de lectures 231
EAN13 9782336255521
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

THÉOLOGIE PLURIELLE

Collection dirigée par Jad Hatem
Le pluralisme de la théologie chrétienne, ce fait irrécusable puisqu’il remonte au Nouveau Testament et procède de la richesse suréminente du Mystère christique, est aujourd’hui amplement reconnu, et de surcroît considéré comme un facteur décisif dans l’appropriation convergente de la vérité.
Avec la montée en puissance des sciences humaines qui rivalisent avec la philosophie pour entrer en discussion féconde avec la Science sacrée,
avec le recentrement de la théologie politique autour des thèmes de libération, de sécularisation et de critique,
avec l’émergence des théologies du beau et de l’art et le renouvellement de l’herméneutique,
l’idée se fait jour que cette multiplicité commande toute approche nouvelle, notamment en matière de théologie des religions et de mystique comparée.
C’est à ce dégagement des perspectives et au croisement des intentionnalités que cette collection entend faire droit.

Dans la même collection
Jad HATEM, Extase cruciale et théophorie chez Thérèse d’Avila .
Jad HATEM, La Gloire de l’Un. Philoxène de Mabboug et Laurent de la Résurrection.
Bernard FORTHOMME, Sainte Dimpna et l’inceste.
Jad HATEM, Mystique et philosophie mêlées.
Jad HATEM, Eléments de théologie politique.
Jad HATEM, Le Sauveur et les viscères de l’être. Sur le gnosticisme et Michel Henry.
Hallaj et le Christ

Jad Hatem
Sommaire
THÉOLOGIE PLURIELLE Page de titre Page de Copyright Epigraphe Dedicace AVANT-PROPOS CHAPITRE I - PAROLES DE VIE DANS L’AGONIE DE JÉSUS ET DE ḤALLÂJ MYSTIQUES CHAPITRE II - DEUX PASSIONS MELEES CHAPITRE III - ḤALLÂJ, UN SAINT CHRÉTIEN? CHAPITRE IV - L’ANGELOS-CHRISTOS ET LA THÉOSOPHIE MUSULMANE. LE CHRIST SUHRAWARDIEN SELON CORBIN CHAPITRE V - MULLÂ ṢADRÂ ET L’ÉVANGILE
www.librairieharmattan.com Harmattan1 @wanadoo.fr diffusion.harmattan @wanadoo.fr
© L’Harmattan, 2005
9782747596886
EAN : 9782747596886
“ Il neige. Âme, que voulais-tu Que tu n’aies eu de naissance éternelle? Vois, tu as là Pour la mort même une robe de fête ”.
Yves Bonnefoy
À Nabil Okaïs
AVANT-PROPOS
“ Deux justes, l’un en Orient, l’autre en Occident sont l’un avec l’autre, parce qu’ils sont en Dieu ”.
Saint Augustin, In Psalm . 94

§ 1. Hallâj est exposé comme un signe au centre du carrefour. Le saint y croise le blasphémateur et l’extatique le pieux musulman. Il rompt avec la religion purement légalitaire, mais la présuppose partout. Il compose avec Jésus le mystique un portrait saisissant. Et par delà, c’est à la lumière du Verbe incarné que se révèle et se renoue le mystère de sa passion d’amour.
On rapporte que l’iconographie russe primitive intégrait à son sanctoral, “ saint Sophocle ” et “ saint Platon ” 1 . Le troisième chapitre, qui entend l’interroger dans la perspective de la théologie chrétienne, se propose d’examiner la question de savoir si Ḥallâj peut être considéré comme un saint chrétien ou à tout le moins christique et non seulement comme un chrétien (ceci non pas à titre de faux musulman, mais dira-t-on avec Justin, pour avoir vécu en conformité avec le Verbe 2 ). Deux signes de contradictions peuvent-ils se révéler l’un à l’autre dans la vérité de l’amour crucial? Il vont de pair sans pourtant ne faire qu’un.
La question de savoir si Ḥallâj peut passer pour un saint chrétien ne perd pas toute pertinence si replacée dans le cadre du premier chapitre pour peu qu’on ramène le théologoumène “ christique ” à son enracinement transcendantal : la dimension de transcendance en l’homme et la messianité, à savoir l’offre de sa vie, et parfois, cas extrême, de son salut que tout homme serait susceptible de faire au bénéfice d’autrui. C’est ici que Ḥallâj et Jésus rayonnent dans toutes les religions à partir de leur même pôle absolu.

§ 2. Deux enquêtes sont ici conduites qui concernent le Christ de l’Islam. La première porte sur la conception de Suhrawardî, la deuxième sur celle de Mullâ ḍaṢrâ.
CHAPITRE I
PAROLES DE VIE DANS L’AGONIE DE JÉSUS ET DE ḤALLÂJ MYSTIQUES
“ Depuis toujours les justes meurent mutilés Pour s’être exposés nus au toucher du bien ”.
René Char

§ 1. Jésus mystique
Que Jésus fut un mystique (au sens large de l’expression), les mystiques, pour leur part, n’en doutent guère puisque pour s’accroître de leurs propres conquêtes, ils leur arrive de le conformer à leur démarche. Mais peut-être l’est-il davantage pour les Musulmans que pour les chrétiens. Dans le cadre du christianisme, tel qu’il se définit à travers ses dogmes, le Christ est d’abord Dieu incarné. À ce titre, il est, en sa nature divine, de toute éternité substantiellement identique au Verbe, sa nature humaine lui étant hypostatiquement unie. Mais comme cette union est une donnée initiale, dès la conception, elle ne laisse pas beaucoup de place à un processus de déification de type mystique, notamment dans une christologie de type monophysite.
En Islam, le sort singulier qui est fait à son engendrement et à sa sainteté innée, n’empêche pas qu’on lui confère statut de sage 3 et d’intrépide ascète. Ibn ‘Arabî lui attribue un jeûne incessant et des oraisons nocturnes 4 qui en font un véritable athlète de la vertu. Al-Tha‘labî rapporte qu’il allait nu-pieds, sans maison, ni bagages, et passait la nuit en prières : “ Il était un renonçant en ce monde ( zâhidan fî l-dunya ) aspirant à l’au-delà; il était appliqué à l’adoration de Dieu, et fut un grand voyageur ( sayyâḥ ) à travers la terre ” 5 . Même son de cloche chez Mullâ Ṣaḍrâ 6 . Le dépouillement pouvait aller chez lui à des excès. Ghazâlî mentionne que dans ses pérégrinations il ne portait sur lui qu’une cruche et un peigne. “ Voyant un jour un homme buvant au creux de la main, il jeta la cruche et ne la retoucha jamais plus. Passant près d’une homme qui peignait sa barbe avec ses doigts, il jeta son peigne et n’en reprit jamais plus ” 7 . Cette rigueur suffit-elle à classer le Fils de Marie parmi les mystiques? Cela ne fait pas de doute dans l’esprit des auteurs, d’autant qu’il est parfois précisé qu’il portait une tunique de laine ou même la fameuse muraqqa ‘a. Ibn ‘Arabî en fait l’un des quatre piliers sur lesquels repose le monde, lui confère le titre de Sceau de la Sainteté universelle 8 , le considère comme son maître spirituel entre les mains de qui il s’est repenti, qui lui enjoignit le dépouillement et l’appela “ bien-aimé ( habîb ) ” 9 . Là même, comme chez Ibn Shu‘ba al-Ḥarrânî 10 , où on lui fait tenir des propos malveillants à l’endroit des soufis de stricte obédience, il porte la qualification, hautement prisée chez les shî‘ites, de walî. Mais les expressions de la mystique d’union lui sont en général épargnées pour le mettre à l’abri non seulement des outrances théopathiques d’un Bistâmî ou d’un Ḥallâj, mais également du “ contresens ” chrétien de l’Incarnation qui ne serait, selon Simnânî 11 , qu’une réinterprétation indue du Anâ l-Ḥaqq ḥallâjien tel que transféré à Jésus. Or, au moins chez Qutbuddîn Shîrâzî, commentant Suhrawardî, ces trois éminentes figures se trouvent associées : “ Il n’est guère possible que des incorporels deviennent, par fusion et mélange ( imtizâj ) , une seule et même chose comme les corps. Les expressions dans les discours des prophètes, des Amis de Dieu et des sages qui paraissent référer à une union et une inhabitation ( ḥulûl ) entendent signifier, en réalité, l’extrême proximité ( shiddat al-qurb ) puisque fusion aussi bien que inhabitation sont impossibles en ce qui concerne les substances immatérielles. Quelque chose comme cela est en effet possible pour les accidents qui ont besoin d’un substrat, mais non pas pour les substances qui subsistent par elles-mêmes. C’est à cause de la proximité extrême qu’ils imaginent fusion et inhabitation et qu’ils concluent à

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