Un paradis à l ombre des épées
109 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Un paradis à l'ombre des épées , livre ebook

-

109 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Conquérir le jardin des délices à la pointe du glaive, c'est là un des facteurs qui fait que Nietzsche affiche sa préférence de l'Islam, religion virile. Mais le même Nietzsche a exercé une influence sur Vladimir Bartol dont le roman Alamut exploite la légende ismaélienne du faux paradis qui incite ceux qui y goûtent à sacrifier leur vie avec la conviction qu'ils seront définitivement admis dans le lieu de toutes les jouissances.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2010
Nombre de lectures 266
EAN13 9782296265332
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

U N PARADIS À L’OMBRE DES ÉPÉES

Nietzsche et Bartol
La Philosophie en commun
Collection dirigée par Stéphane Douailler,
Jacques Poulain, Patrice Vermeren

Nourrie trop exclusivement par la vie solitaire de la pensée, l’exercice de la réflexion a souvent voué les philosophes à un individualisme forcené, renforcé par le culte de l’écriture. Les querelles engendrées par l’adulation de l’originalité y ont trop aisément supplanté tout débat politique théorique.
Notre siècle a découvert l’enracinement de la pensée dans le langage. S’invalidait et tombait du même coup en désuétude cet étrange usage du jugement où le désir de tout soumettre à la critique du vrai y soustrayait royalement ses propres résultats. Condamnées également à l’éclatement, les diverses traditions philosophiques se voyaient contraintes de franchir les frontières de langue et de culture qui les enserraient encore. La crise des fondements scientifiques, la falsification des divers régimes politiques, la neutralisation des sciences humaines et l’explosion technologique ont fait apparaître de leur côté leurs faillites, induisant à reporter leurs espoirs sur la philosophie, autorisant à attendre du partage critique de la vérité jusqu’à la satisfaction des exigences sociales de justice et de liberté. Le débat critique se reconnaissait être une forme de vie.
Ce bouleversement en profondeur de la culture a ramené les philosophes à la pratique orale de l’argumentation, faisant surgir des institutions comme l’École de Korcula (Yougoslavie), le Collège de Philosophie (Paris) ou l’institut de Philosophie (Madrid). L’objectif de cette collection est de rendre accessibles les fruits de ce partage en commun du jugement de vérité. Il est d’affronter et de surmonter ce qui, dans la crise de civilisation que nous vivons tous, dérive de la dénégation et du refoulement de ce partage du jugement.

Dernières parutions
Francisco NAISHTAT, Action et Langage. Des niveaux linguistiques de l’action aux forces illocutionnaires de la protestation , 2010.
Edgar MONTIEL, L’humanisme américain , 2010.
Julián FERREYRA, L’ontologie du capitalisme chez Gilles Deleuze , 2010.
Amparo VEGA, Le premier Lyotard : philosophie critique et politique , 2010.
Jad Hatem


U N PARADIS À L’OMBRE DES ÉPÉES

Nietzsche et Bartol
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-12813-2
EAN : 9782296128132

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
« Étant donné que l’homme est placé au sommet de la nature, il se considère comme une nature entière qui a derechef à faire surgir un sommet ».

Goethe
À Roger Abi-Nassif
AVANT-PROPOS
Pour qui conçoit un paradis à l’ombre des épées, la vertu principale est guerrière. Ce n’est pas qu’elle doive accorder sa protection à la cité de grande quiétude. Elle prétend conquérir le jardin des délices à la pointe du glaive. C’est là un des facteurs qui font Nietzsche afficher sa préférence de l’Islam, religion virile. Mais le même Nietzsche a exercé son influence sur le Slovène Vladimir Bartol dont le roman Alamut exploite la légende ismaélienne du faux paradis qui incite ceux qui y goûtent à sacrifier leur vie avec la ferme conviction qu’ils seront définitivement admis dans le lieu de toutes les jouissances. En adepte de la doctrine de la volonté de puissance et du désir d’expansion de l’être souverain, le Grand Maître des Assassins imprime les siens sur les hommes par le biais de leurs espérances.
Après avoir évalué le jugement que l’auteur de l’ Antéchrist porte sur l’Islam, je m’attache à montrer en Hassan al-Sabbah, le personnage de Bartol, l’un des disciples de Nietzsche et de Stirner.
Le présent ouvrage se propose également comme une contribution à cette figure du mal qui porte le nom de mensonge et qui, dans le cadre de l’idéologie rattachée à la carrière des Ismaéliens, énonce que « rien n’est vrai, tout est permis ». L’écho de ce cri de ralliement retentit jusque chez Nietzsche pour devenir, dans un roman rédigé à l’heure des fascismes, l’emblème d’une logique vivante et violente de l’action.
CHAPITRE I
NIETZSCHE ET L’ISLAM
« Expérimenter l’aveuglement humain jusqu’à ses dernières limites » (Bartol, Alamut , VI).
Dans sa charge contre le Christianisme, Nietzsche en vient à inverser toutes les valeurs chrétiennes, c’est-à-dire à les dénoncer en tant que valeurs, mais aussi à découvrir ce qu’elles recouvrent de motifs « anti-chrétiens » (au sens banal du mot). Il lui arrive souvent, pour préciser son propos, d’accorder sa préférence à d’autres croyances et, dans l’ Antéchrist, à l’Islam. Pour être une religion qui suppose des hommes virils et avoir produit une culture affirmatrice de la vie, l’Islam, soutient-il, n’a pas tort de mépriser son grand rival {1} .
L’évaluation correcte de ce jugement requiert de le replacer dans le contexte de la critique du Christianisme, mais aussi dans celui de toute confession religieuse.
I. LA CRITIQUE DE TOUTE RELIGION
Le troisième chapitre de Humain, trop humain, intitulé la Vie religieuse contient sur la religiosité un développement essentiel où le philosophe puisera, avec des variantes, l’arsenal de sa critique à venir. Je crois utile d’en reprendre, en les ordonnant, les éléments essentiels qui, parce que généraux, s’appliquent aussi à l’Islam. Cette partie peut donc porter comme titre : la critique implicite de l’Islam.
1. L’existence religieuse comme interprétation de la réalité
La percée de Nietzsche en philosophie se réalise avec son concept d’interprétation {2} laquelle recouvre un acte préréfléchi ou réfléchi par lequel le monde est tissé et hiérarchisé en significations complexes par la multiple appréciation humaine. Le langage joue à cet égard un rôle peu négligeable puisqu’il conforte l’homme dans sa croyance à la déesse vérité et à la réalité des objets perçus et conçus {3} . De là vient la possibilité d’une croyance en une sphère métaphysique {4} , et d’une manière plus immédiate, l’admission d’une signification du réel qui soit une Weltanschauung : « Ce que nous appelons actuellement le monde est le résultat d’une foule d’erreurs et de fantasmes qui ont pris progressivement naissance au cours de l’évolution globale des êtres organisés, se sont accrus en s’enchevêtrant et nous sont maintenant légués à titre de trésor accumulé de tout le passé » {5} . Mais l’erreur sur la vie est nécessaire à la vie {6} . La connaissance de l’essence même des choses est insupportable. La richesse quasiment infinie et la complexité du monde reposent en partie sur la conviction, dénuée de tout fondement avéré, que, par l’art et la religion, l’homme peut atteindre à cette essence, alors qu’il ne fait précisément que la voiler : « Ce n’est pas le monde comme chose en soi, mais le monde comme représentation (comme erreur) qui est si riche de sens, profond, prodigieux, si gros d’heur et de malheur » {7} .
La religion se signale donc comme une des lectures efficientes qui ont permis à l’homme de régir et de dominer le monde. Elle joue, par exemple, un rôle important dans l’anesthésie des souffrances humaines en réinterprétant le mal qui serait alors profitable de quelque manière dans une économie divine {8} . Elle rend intéressante cette vie aux âmes ennuyées {9} , ou les promet à une félicité surnaturelle {10} , ou les incite à changer l’existence en une réalité aisée et maniable {11} . Que l’interprétation religieuse soit fausse, c’est ce qu’il importe de souligner {12} . Le besoin ne prouve pas qu’il existe de quoi le satisfaire {13} . C’est pourquoi le sentiment religieux est en ultime instance sans objet réel. Pire, il développe, surtout chez les Chrétiens, le mépris de soi {14} et la mauvaise conscience {15} .
Une démythisation de la conscience religieuse opère à trois niveaux : explicatif (psychologique), critique (sémantique) et destructeur.
i. Niveau explicatif. C’est le culte qui a développé le monde intérieur de l’âme, l’émotion y tenant le rôle essentiel {16} . Plus précisément, l’idée de rédemption, conçue à hauteur de psychologie, remonte à un écart entre le comportement humain et le critère d’un comportement moralement parfait qu’on attribue à un être appelé Dieu {17} . La mauvaise conscience perpétuelle – et surtout relativement à l’œuvre de chair – est l

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents