Cameroun : liquider le passé pour bâtir l avenir
230 pages
Français

Cameroun : liquider le passé pour bâtir l'avenir , livre ebook

-

230 pages
Français

Description

Comment sera le Cameroun de demain ? Cinquante ans après les "indépendances", le Cameroun a conservé, pour conduire les affaires du pays, le pacte colonial habillé aux couleurs de la néocolonie. Le moment est venu de liquider tout ce passé pour bâtir un Cameroun nouveau. Quel contenu les Camerounais vont-ils donner au pacte républicain ? Il devra aborder sérieusement les questions de cohabitation, souveraineté et gouvernance dans la perspective du développement.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2009
Nombre de lectures 98
EAN13 9782296236592
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Avant-propos

L’impuissance aujourd’hui paralyse nos mains […].Mais
sachons rendre notre angoisse profitable à la génération
qui nous remplacera […].Nous serons la pierre avec
laquelle nos enfants dresserontun pilier de la maison
future.
SouhailIdris, poète libanais,L’Angoisse, 1956

Rien ne se passe jamais auCameroun comme
ailleurs, sommes-nous accoutumés à entendre dire. «Le
Cameroun, c’est leCameroun», conclut-on d’habitude.
Vérité deLaPalice, ilva de soi.Pourtant à bienypenser,
cela neva pas tellement de soi.Au-delà de son caractère
un peusimpliste, cette affirmationveut attirer l’attention
sur cette singularité qu’est leCameroun dans le contexte
qui est le sien, probablement depuis la pose de la première
pierre de sa fondation.Toute son histoire, que les
Camerounais dans leur grande majorité connaissent peu,
témoigne de cette singularité qui, des fois, confine à la
bizarrerie.
Le pays tient son nom de crustacées ; il s’en faut de
peuqu’il soit colonisé par le pays deSa gracieuseMajesté
dont le digne représentant est coiffé aupoteaude justesse
par l’AllemandGustav Nachtigal ; l’Allemagne rêve d’un
grand destin pour le pays mais sera contrariée par la
GrandeGuerre qui en fitune possession internationale,
sous mandat de laSociété desNations.Celle-ci, naïvement
ounon, livra cette charmante possession aux vainqueurs

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FrançaisetAnglais qui, fondant sur ce morceaude choixà
la manière devoraces coyotes, le mettront en pièces et,
subtilement, distrairont quelques-unes de ses pièces
essentielles pour les incorporer à leurs coffres-forts
personnels.Dugrand rêve allemand, il ne subsista en 1961
qu’un étroit triangle que l’on se garda de confier à des
mains paternelles.
Comme on levoit, ce raccourci historique
ressemble à toutes les histoires dumêmetype,maisen
mêmetemps,semblerévéler lapersistanced’un concours
de circonstances défavorables d’une rare ténacité.La nuit
a beau êtrelongue, elle finit toujours parcéder sa place à
l’aube, aime-t-on à dire.
Les années 60apparurent comme l’aube d’un
nouveaudépart.Dansun contexte de lutte contre le
nationalisme armé, le pouvoir néo-colonial ne bénéficia
mêmepas d’un état de grâce et se raidit dès les premiers
pas.Dansun silence assourdissant obtenuàun prix
horriblement élevé, il engageaune course qui aurait dû
être celle dudéveloppement.Mais ce n’avait été,
semble-til, qu’un fauxdépart comme on leverra en 1982, et
comme il fallait bien que quelqu’un en payât le prix, ce fut
le paysan qui trinqua.Heureusement s’ouvraitune
nouvelle ère, apparemment riche de promesses.
M.Biya prenait les rênes dupays, par la grâce de
son prédécesseur oudu Saint-Esprit, allezdonc savoir.Lui
eut droit à son état de grâce, en plus d’une situation
économique exceptionnelle, le pétrole s’étant substitué au
planteur ;en outre, la transition semblait idéale :
décidément, leCameroun, c’était bien leCameroun !La
machine ne fut cependant pas longue avant de se gripper et
le fils dude la nation» de« pèrevenului-même «père »
ne fit pas mieuxquele désormais «grand-père de la
nation ».Il avait pourtant bénéficié de circonstances
exceptionnelles, même aucœur de la tourmente de 1984.

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Cette fois, ceuxquiavaient profité ducalvaire dupaysan
payèrent à leur tour:le fonctionnaire,le commerçant.
Aujourd’hui, aubout d’un long règne qui agonise
interminablement, l’un des bilans les plus éloquents du
régime nousvient de son propre glacis, sous la plume du
trèsRDPCisteAtebaEyéné, qui n’hésite pas à résumer
son propos par le terme «malédiction »qu’il associe
simplement à la province duSud sous le renouveau.
Qu’est-ce qui pourrait bien justifier que cette image
n’englobe pas dans son orbe gris l’ensemble du
Cameroun ?
Ainsi, fidèle à lui-même,le Cameroun restele
Cameroun:par merhouleuseoucalme,sonbateauprend
de l’eau.La chose a atteint dès la fin des années 90 un
degré tel que les rats– ceuxqui parasitent lepays sans
s’en sentir responsableset sansconcevoir queleur destin
soit lié ausien–ontcommencé àquitter lenavire.Tout
autour de nous, les choses bougent, avancent, reculent.Et
comme dans l’univers deGuillaumeApollinaire, «Vienne
la nuit sonnel’heure/Les jours s’envont je demeure».
LeCameroun n’est pourtant pasures nn «ullus ».Est-il
normal qu’il dépérisse sous le soleil et la pluie sans qu’une
bonne âme,un bon samaritain comme l’on dit, intervienne
pour s’inquiéter de son sort et lui porter quelque secours
alors qu’il est peuplé de près de20millions d’habitants ?
Oui, cela est normal à partir dumoment oùchaque
Camerounais se sent plus membre de son ethnie que du
Cameroun.Ah, pardon !J’avais oublié qu’il ne fallait pas
toucher à ce sujet.De peur d’êtretaxéde tribaliste, ce à
quoi je ne tiens pas spécialement.De quoi faut-il donc
parler ?De l’économie qui sombre faute d’une politique
économique lisible et efficace ?Vous le dites parce que le
ministre de l’économie n’est pas devotre tribu,vousêtes
un tribaliste.DuCameroun qui nesemblepasgéréparce
queson président estvieux, malade et passe le plus clair

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deson temps à l’étranger?C’est parce qu’il n’est pas de
votre tribu : vous n’êtes qu’un jalouxetun tribaliste.On le
voitbien,le Camerounestbloquéparcequeletribalismey
rend tous les sujets tabous.Ilya ceuxquiyassument leur
statut de tribalistes et dénoncent ce qu’ils peuvent
dénoncer:leur discours est désamorcé avant mêmede
franchir leurs lèvres, parce qu’il ne concernera plus
désormais qu’une fraction de la communauté nationale.Il
ya ceuxqui jouent à n’appartenir à aucune tribu:il
s’ingénientàtrouver lepouret le contrepartoutetàla fin
de la journée, ils réussissent à tout relativiser, à la grande
satisfaction desuns et augrand mécontentement des
autres.C’est donc la quadrature ducercle ?Certainement
pas.
Le regard trop enfoui dans le présent, nous
saisissons de trèsvieuxphénomènes comme s’ils étaient
nés de notre époque.L’analyse que nous en faisons se
nourrit alors de faits actuels qui renforcent des logiques
anciennes oubliées mais qui continuent à agir et déforment
celles d’aujourd’hui.Voilà pourquoiun pèlerinage à la
source s’impose.Mais ce pèlerinage ne se fera de manière
efficace que lorsque le débat sur l’ethnisme oule
tribalisme outous les–ismesapparentés quittera
l’informel pour le formel.Cen’est que de cette façon que,
levant cette hypothèque audialogue franc et dénué
d’hypocrisie, l’on pourra peut-êtreorganiseravec
quelqueschances de succès ce débat national–largeou
grand maisvéritable –quele Cameroun réclamesans
succès depuis 1958 surun ton de plus en plus aiguaufil
des générations.
Ce livre seveut donc surtoutun appel et nous
espérons que beaucoup l’entendront, et qu’aumoins
quelques-unsyrépondront.

L’auteur.

Première partie :

La questiondel’EtatauCameroun

Introduction

Le Camerouncomme Etatexiste-t-il réellement ?
Question saugrenue enapparence.A entendre parler de
l’Etat camerounais, à considérer l’insistance faite autour
de son autorité qu’il faut sans cesse affirmer comme s’il
s’agissait d’un objet fuyant après lequel l’on court sans
cesse, on finit par se faire à l’idée que l’Etat camerounais,
s’il existe, doitêtre « grevéde nombreuses hypothèques »
qui demandentà êtrelevées pour luiassurerune
personnalitépleine,indiscutable, forte.De quelles natures
sont ces hypothèques ?Par quels côtés amoindrissent-elles
la personnalité de l’Etat camerounais ?Pour répondre à
ces questions, il faut s’appuyer sur les concepts
fondamentaux.
En science politique, la notion d’Etat recouvre
deuxsens différents: c’est d’une part l

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