Communication et modernité sociale
209 pages
Français

Communication et modernité sociale , livre ebook

209 pages
Français

Description

Ce livre est né de discussions sur les besoins des étudiants de la formation doctorale en communication de Yaoundé, et l'opportunité de faire connaître à un plus vaste public les objectifs d'une formation en ce domaine. Répondant au départ à des objectifs très didactiques, il a pris la forme d'un échange de questions et de réponses, qui tentent de situer la place de la communication dans la modernité sociale, à l'usage de cadres et de praticiens de la communication sociale.

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Date de parution 01 janvier 2011
Nombre de lectures 335
EAN13 9782296452671
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

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Extrait

Communication et modernité sociale
Communication et Civilisation Collection dirigée par Nicolas Pelissier La collectionCommunication et Civilisation, créée enseptembre 1996, s’est donné un double objectif. D’une part, promouvoir des recherches originales menées sur l’information et la communication en France, en publiant notamment les travaux de jeunes chercheurs dont les découvertes gagnent à connaître une diffusion plus large. D’autre part, valoriser les études portant sur l’internationalisation de la communication et ses interactions avec les cultures locales. Information et communication sont ici envisagées dans leur acception la plus large, celle qui motive le statut d’interdiscipline des sciences qui les étudient. Que l’on se réfère à l’anthropologie, aux technosciences, à la philosophie ou à l’histoire, il s’agit de révéler la très grande diversité de l’approche communicationnelle des phénomènes humains. Cependant, ni l’information, ni la communication ne doivent être envisagées comme des objets autonomes et autosuffisants. Dernières parutions Lucienne CORNU, Parina HASSANALY et Nicolas PELISSIER,Information et nouvelles technologies en Méditerranée, 2010. Gloria AWAD,Ontologie du journalisme, 2010. Marc HIVER,Adorno et les industries culturelles. Communication, musiques et cinéma, 2010. Françoise ALBERTINI & Nicolas PELISSIER (dir.),Les Sciences de l’Information et de la Communication à la rencontre desCultural Studies, 2009. Patrick AMEY,La parole à la télévision. Les dispositifs des talk-shows, 2009. R. RINGOOT et J. P. UTARD,Les Genres journalistiques, 2009. Agnès BERNARD,Musées et portraits présidentiels. Les sens cachés, 2009. Sébastien GENVO,: comprendreLe Jeu à son ère numérique et analyser les jeux vidéo, 2009. David BUXTON,Vulgarisateurs, essayistes, animateurs. Inter-ventions et engagements médiatiques en France depuis les années1980, 2009.
Laurent Charles Boyomo-Assala Jean-François Tétu Communication et modernité sociale Questions Nord/Sud L’HARMATTAN
© L'HARMATTAN, 2010 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Parishttp://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-54087-3 EAN : 9782296540873
INTRODUCTION
Que deux auteurs aient choisi la forme de l’entretien pour écrirela communication afin d’en explorer les contours forcément flottants étonnera sans doute plus d’un. Cet étonnement sera plus intense encore lorsqu’on découvrira que lesdits auteurs ne s’inscrivent a priori dans aucune des théories de la communication qui se veulent générales : paradoxalement en effet, le succès de la notion de « communication » a surtout accru son opacité. En outre, la forme discursive de l’interview, issue de pratiques médiatiques et journalistiques non académiques, se prête assez difficilement à l’élaboration théorique et épistémologique, qui sous-tend pourtant les échanges qui suivent. On devrait donc commencer par dire que ce petit ouvrage est un jeu de rôle qui dans sa forme se dissimule derrière un double brouillage : celui de la fidélité à une amitié à la fois intellectuelle et humaine dans les parcours et les trajectoires sociales de l’un et de l’autre et, sûrement, une complicité intellectuelle à la recherche de son accomplissement. Mais ce jeu de rôle semble aussi recouper le paradigme de la division du travail intellectuel qui fonde les relations entre le Nord, producteur d’idées, et le Sud qui en serait le réceptacle. Cela pourrait conduire à un malentendu qu’il faut dissiper. Aussi dois-je affirmer d’emblée que ce brouillage n’éclipse pas la conviction des deux auteurs, dont je confesse les aperceptions idéologiques, que la communication est porteuse de libération sociale. C’est cette commune conviction en tout cas qui est à l’origine de cet opuscule, dont la prétention n’est pas d’apporter d’abord une connaissance nouvelle de la communication mais de souscrire à un devoir d’amitié, par le témoignage d’un engagement scientifique. Devoir d’amitié, certes, mais aussi devoir intellectuel. Nous en situerons le commencement en divers endroits : la mission d’enseignement effectué en 2002 à Yaoundé par Jean-François Tétu, professeur des Universités à Lyon 2 et qui a permis la création d’une unité de formation doctorale à l’Ecole supérieure des sciences et techniques d’Information et de la Communication
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de l’Université de Yaoundé 2, suivie – pour moi -de missions d’enseignement et de participations à des colloques et à des jurys de soutenance de thèse de doctorat à Lyon 2 et 3 et à Grenoble 3. Ces échanges ont contribué à fonder une communauté d’intérêts et d’idées dont ont découlé l’ensemble des développements académiques et le rayonnement international de l’Esstic, avec la possibilité pour de nombreux étudiants issus de l’UFD de soutenir des thèses de doctorat à Lyon 2, et de densifier l’équipe pédagogique de cet établissement. Le mérite en revient, bien sûr, à Jean-François Tétu qui a su donner à cette collaboration l’appui institutionnel dont elle avait besoin . Ses développements marquent également son évolution heuristique et épistémologique, depuis les premiers travaux descriptifs et normatifs des années 80 inscrits dans la problématique générale du développement des nations, jusqu’aux analyses plus critiques de la société et des pratiques sociales, plus susceptibles de fonder les conditions d’une pensée communicationnelle rationnelle et émancipatrice. Il n’est pas jusqu’aux formes de recherches socio-anthropologiques actuelles qui ne subissent l’impulsion de ce mouvement intellectuel initié certes avec le basculement de l’ancienne Ecole Supérieure Internationale de Journalisme de Yaoundé (ESIJY) à l’Université. Nos échanges, tantôt en France, tantôt en Afrique, ont leur origine sur la terre africaine, dans une perspective simple, et bien limitée, le développement d’un département de recherches à l’ESSTIC. Mais il convient de le situer d’abord au sein du « grand récit de la modernité » dont le développement de l’Afrique, y compris scientifique, est un avatar. On pourrait dire que ce grand récit commence, pour l’Occident, en 1784, lorsque Kant écrit son fameux article« L’idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolite». Cet article, strictement contemporain de l’article «Réponse à la question : Qu’est-ce que les Lumières ?» auquel J.-F. Tétu se réfère fréquemment, a probablement une importance qu’on a tendance à oublier. Kant y développe, à l’aube de la colonisation, trois principes essentiels pour comprendre comment l’Occident a pensé la modernité, au nom d’un universalisme qui lui a longtemps assuré sa bonne conscience. L’humanité est « une », elle est susceptible de « progrès », et son moteur est la « raison ». Cela pouvait caractériser le système démocratique de l’État-nation européen, mais cela a aussi fondé pour longtemps le système
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international. L’époque de la colonisation a été caractérisée en effet par un discours civilisateur dont la légitimité reposait sur l’idée de faire passer des peuples « enfants » à l’âge adulte, celui de la citoyenneté, de la démocratie, et d’une société des nations. Le modèle kantien a donc été utilisé non pas pour ce qu’il était, une idée régulatrice susceptible d’animer l’action des sociétés occidentales sur elles-mêmes, mais comme le support légitime des visées impérialistes des puissances occidentales, l’universalisme revendiqué par Kant devenant le moyen de masquer les inégalités entre les États, et de dénier l’apport et la diversité des traditions étrangères à la culture occidentale. Puis, précédant le moment des indépendances nationales, dès la rédaction de la charte des Nations Unies, un second récit de la modernité apparaît, celui qui met en exergue le principe de l’autodétermination des peuples, fondé sur le principe de l’égalité des droits des peuples. Ce second principe est fortement lié au premier parce qu’il signifie que cette autodétermination marque la réussite des peuples colonisés qui ont appris de leurs dominateurs les valeurs de la modernité. Leur « émancipation » en serait la preuve. Il constitue donc, paradoxalement, une poursuite de l’impérialisme par d’autres moyens, comme le montre chaque jour le poids de grandes puissances industrielles occidentales dans l’économie réelle des pays qui, voici un demi-siècle, purent devenir « indépendants ». Un troisième récit a surgi plus récemment, apporté par la mondialisation. La mondialisation, en effet, a conduit à une redéfinition des espaces politiques et, ici ou là, à une véritable érosion de la souveraineté nationale comme le montrent au moins les diverses « communautés » (économiques d’abord) qui ont vu le jour entre pays souverains. La conséquence en est une substitution, qui voit l’idée de gouvernement s’amenuiser au profit de la « gouvernance ». La communication est directement impliquée dans cette évolution, d’une double façon ; d’abord parce qu’elle est indispensable à la construction d’une identité, ensuite parce qu’elle est le moteur des médiations qui permettent la réussite ou l’échec de ce « progrès » de la modernité. Or les multiples conflits qui déchirent les peuples africains depuis les indépendances montrent en particulier qu’au récit de l’indépendance nationale s’oppose celui des identités ethniques. Une grande part du discours africain
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depuis un demi-siècle porte sur la critique des frontières héritées des empires, du jeu des puissants dans l’accroissement des tensions inter-ethniques, et des pratiques clientélistes qui en découlent. L’enjeu est ici celui de la constitution d’une communauté de citoyens susceptible d’englober, et non d’opposer les identités ethniques. Il reste que la modernité a doté les jeunes États d’une dimension émancipatrice indéniable. Ce pourquoi une interprétation simplement impérialiste de leur histoire contemporaine serait terriblement réductrice. Le présent ouvrage participe de cette ambition qui vise à élaborer une critique de la raison et de la civilisation telle qu’envisagées en Occident à travers, notamment, la conscience de son impuissance pratique et de son inaptitude à penser l’univers, et en particulier l’Afrique. Le jeu de questions-réponses auquel nous nous livrons ici est donc d’abord un jeu d’échange d’idées, de propositions. C’est un jeu de communication dans lequel celui qui répond est déjà celui qui pose des questions et vice-versa, dans un double écho qui impose à l’un d’écouter l’autre parlant en s’invitant lui-même à parler en écoutant. Comment assouvir cette ambition ? A cette question, il m’a semblé qu’il fallait tout d’abord inviter Jean François Tétu à repenser la communication. L’on sait que dans son ouvrage «Penser la communication», Dominique Wolton fonde l’hypothèse de la double dimension fonctionnelle et normative de la communication. Il est nécessaire d’en rappeler ici les développements essentiels : ne crois (..) pas plus à l’évènement de la société de« Je l’information et de la communication, que je ne crains l’installation du pouvoir totalitaire d’une société de communication organisée sur le modèle du Big Brother. Tout simplement parce que les contradictions entre l’idéal et la réalité sont suffisamment fortes pour briser les promesses d’une société irénique, ou les stratégies d’un pouvoir totalitaire communicationnel. -Il n’y a jamais eu un eden de la communication qui se serait ensuite dégradé en autant d’intérêts et de mensonges. Il existe, au contraire, depuis toujours, une ambivalence entre les deux significations de la communication. Et même si les progrès
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techniques et les besoins de communication sociale renforcent aujourd’hui les dimensions de la communication fonctionnelle, par rapport à la communication normative, il n’y a pas de recouvrement de la seconde par la première. Ou, pour le dire en d’autres mots, il peut y avoir, avec la communication, de la domination, mais pas d’aliénation. L’aliénation supposerait la disparition du libre arbitre, donc de cette fameuse capacité critique liée au statut du citoyen. La domination renvoie en revanche à l’expérience de chacun : la communication peut être l’occasion d’un rapport de pouvoir, ou de violence, dans les relations privées ou sociales, mais il est toujours possible de la critiquer ». L’objectif de ce livre n’est pas de démentir la thèse de Wolton, mais d’en proposer le dépassement à partir d’une idée centrale : cette forme de liberté que D. Wolton voit dans la communication comme indissociable de son pouvoir de domination, n’est pas ontologique, mais relève plutôt d’une construction politique. Autrement dit, il ne faut pas attendre une liberté qui serait inhérente à la communication comme condition d’assomption de la citoyenneté. Bien au contraire, le travail de production du citoyen propre à la démocratie est d’abord un travailsurla communication, qui ne soit pas simplement la production de nouvelles conditions de production résultant par exemple des technologies de l’information et de la communication, mais l’instauration de nouveaux rapports de production à rebours du capitalisme classique. Notre posture est donc assez proche de celle de l’Ecole de Francfort, mais ne se confond pas avec elle. En somme, si nous sommes convaincus, avec ce courant intellectuel allemand, que la croissance des industries culturelles et la multiplication des techniques de communication relayent la domination des grands groupes industriels et contribuent à la déstabilisation des équilibres sociaux, culturels et politiques, nous considérons que l’émancipation sociale est conditionnée par la capacité des peuples à penser une communication qui les libère des rapports de production induits par la société de consommation. Or pour l’Ecole de Franckfort, le concept de communication connaît une rupture entre deux générations de l’après-guerre : celle de la Dialectique de la raison, représentée par Horkheimer et Adorno,
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d’une part et celle d’Habermas d’autre part. Pour les auteurs de la Dialectique de la raison, la communication se réduit à la forme instrumentalisée du langage, et par extension, la chute de la culture dans la marchandise, favorisée par les développements techniques : « la rationalité technique est la rationalité de la domination même. Le terrain sur lequel la technique acquiert son pouvoir sur la société est le terrain de ceux qui la dominent économiquement ». La rationalité technique est le « caractère coercitif » de la société aliénée. Ainsi, la communication de masse, visant l’uniformité des relations entre les hommes, produit l’isolement, en ce sens qu’elle constitue une substitution fallacieuse à une solidarité par avance réprimée par l’univers réifié à laquelle elle appartient. Dans les travaux de Horkheimer et Adorno, la critique de la communication s’inscrit dans le cadre général de la critique de la réification, en tant que processus par lequel le langage se transforme en fétiche marchand. « Ce qui relève des ressources expressives du langage, de sa puissance mimétique, en particulier dans l’art, ne se laisse pas expliquer sous les catégories de la communication ». A ce propos, soulignent Yves Cusset et Stéphane Haber (2002, 12), on ne sait si, dans cette critique souvent allusive, les auteurs visent directement la fonction de communication du langage qui serait considérée comme inauthentique au regard de sa fonction mimétique, ou la perversion de cette fonction à travers son instrumentalisation par les médias de masse. Le développement actuel des techniques d’information, sur quoi repose aujourd’hui la mondialisation, impose de ne pas oublier cela : sous les apparences de rationalité d’un monde de plus en plus organisé par la technologie, le mode d’organisation de la société, en un renversement radical de la rationalité, au lieu de libérer l’homme, l’asservit. Pour Habermas au contraire, une telle critique est sans fondement si elle n’éclaircit pas les conditions d’une communication réussie et non fallacieuse. La communication ne peut pas être critiquée comme telle, pense-t-il, mais seulement comme une pathologie (aliénée) ou pseudologique (mensongère) soumise à une logique instrumentale qui n’est pas la sienne propre. Il suppose ainsi qu’il existe une dimension fondamentalement communicationnelle de la pratique du langage, sontelos,qui ne se confond pas avec lui, mais que cette dimension en constitue la fin
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