L Afrique indéfinie
246 pages
Français
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Description

Qu'est-ce que l'Afrique ? Cet ouvrage présente les réflexions complémentaires de différentes disciplines sur les définitions de l'Afrique. Sont réévaluées les façons de définir l'Afrique produites par la philosophie et l'historiographie. Les récits de l'Afrique sont ensuite réexaminés du point de vue de l'histoire culturelle et politique, dans l'imaginaire islamique médiéval et dans les mouvements panafricains, puis les langues africaines et l'Afrique en littérature. Enfin, sont avancées des définitions excentrées de l'Afrique, vue de la France et des Antilles.
Avec des contributions de Marce André, Hélène Charton, Pierre-Yves Dufeu, Antoine Hatzenberger, Samia Kassab-Charfi, Abderrazak Sayadi, Sihem Sidaoui, Ridha Tlili.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2012
Nombre de lectures 16
EAN13 9782296501607
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

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Extrait

P I E R R E  Y V E S D U F E U A N T O I N E H A T Z E N B E R G E R( D I R . )
L’Afrique indéfinie
SEFAR (4)
15/03/12 14:48
L’AFRIQUE INDÉFINIE
Collection dirigée par SAMIAKASSABCHARFI
PaRUTIONs 1VAUDAY,) Patrick Gauguin, voyage au bout de la peinture, 2010. 2) Ilaria VITALI,Intrangers (I). Post-migration et nouvelles frontières de la littérature beur,2011. 3VITALI,) Ilaria Intrangers (II). Littérature beur, de l’écriture à la traduction,2011. 4) Pierre-Yves DUFEU et Antoine HATZENBERGER, L’Afrique indéfinie,2012.
PierreYves Dufeu et Antoine Hatzenberger(dir.)
L’AFRIQUE INDÉFINIE
SEFARN° 4
Mise en page : CW Design
D/2012/4910/7
© L’Harmattan /Academia s.a. Grand’Place, 29 B1348 LOUVAINLANEUVE
ISBN: 9782806100535
Tous droits de reproduction, d’adaptation ou de traduction, par quelque procédé que ce soit, réservés pour tous pays sans l’autorisation de l’éditeur ou de ses ayants droit.
www.editionsacademia.be
Introduction Ifriqiya :l’Afrique à Tunis, Tunis en Afrique
PIERRE-YvEs Dufeu ET ANTOINE HAtzenberger
« C’est donc ici qu’abordèrent jadis le courage et l’audace En cette Afrique ici, qu’affadis par la lymphe consanguine, les Tyriens s’en vinrent chercher Une seconde fois le fondement et oraison. Souvenir souvenir ! » Léopold Sédar Senghor,Élégie de Carthage
« Un peuple vient ; on lui allouera sa mesure de sel sur le labour des plaies. Libre enn il lamente sur les cendres.» Édouard Glissant,Carthage
Afer,Ifri,;nom berbère d’une tribu eafar,aefâr, nom arabe qui réfère à la poussière, à la terre ;FRQ,racine verbale sémiti-que qui signie partager, et qui a fourni un nom punique dési-gnant des terres colonisées. Tels seraient les trois étymons les plus probables du nom propre latinAfrica(en grec,Aphrikè), qui désignait la partie du continent africain qu’en connais-saient les Romains, « essentiellement la province occupée par e Rome au milieu duiis. [avant JC] et auparavant nommée, d’après le grec,Libya, province correspondant à l’est [de
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1 l’actuel] Maghreb » . D’autres hypothèses étymologiques existent puisqu’on peut répertorier jusqu’à une dizaine de 2 pistes ; il convient donc de prendre acte, pour introduire notre question « Qu’est-ce que l’Afrique ? », de l’ancienneté de la question de la nomination, et de la malléabilité diachroni-que de ce nom,Afrique. Valentin Y. Mudimbe tient ainsi que « le nom du continent est en lui-même déjà un problème 3 majeur » :
Les Grecs le nommèrentLibyaet appelaient toute personne noireunAithiops. La confusion commence avec les Romains. Leur empire comprenait une province appeléeAfrica, et leurs savants avaient recours au même nom pour désigner la «tertia orbis terrarum pars» (voir par exemple Salluste,La Guerre deJugurtha, 17,3), le continent tel que nous le connaissons n’étant que le troisième, après l’Europe et l’Asie. Avec la « découverte » euro-e péenne du continent auxv siècle, la confusion devient com-plète.
La référence géographique de ce nom propre usuel,Africa, Ifriqiya,Afrique,et de l’adjectif dérivé, s’étendra ou se restrein-dra en effet au gré des enquêtes et des conquêtes ou, plus récemment, des réquisits idéologiques qu’expriment la lan-gue et ses mouvements. Ainsi, à partir du français moderne, les noms (substantifs ou adjectivaux)B/barbaresque, A/arabe puisM/maghrébin, historiquement successifs mais non exclu-sifs dans leur emploi, concurrencentA/africaindans la dési-gnation des régions ou populations du Nord et tendent ainsi à en réduire la référence, par un glissement de valeur, à la
1. Article « africain, -aine »,Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le Robert,1992, p.30. 2.Christopher Miller,: Africanist Discourse in FrenchBlank Darkness , Chicago/London, University of Chicago Press,1985 («“Telle figure que l’on veut”: Deriving a Discourse. Names for a distance », pp.10-11). 3.V. Y. Mudimbe,The Idea of Africa, Bloomington, Indiana University Press, L’Afri1qu9e94i,npdrééfifnaicee, p. xi. Notre traduction.
zone sud, noire, subsaharienne. L’on sait aussi que l’anglais américain a inventé le terme hybrideAfrican American, en lequel cette référence restreinte noire exclusive est plus net-tement xée, mais qui, dans le même temps, démultiplie les hoirs, sinon les territoires, de l’Afrique. Qu’est-ce que l’Afrique ? Par-delà et à travers les détours de l’Histoire, qu’est-ce qui est, qui estA/africain,African, afriqi», nous ont appris lesberceau de l’Humanité ? Afrique, « préhistoriens : si la question « qu’est-ce que l’Afrique ? » n’est pas sectorielle, mais bien universelle, c’est peut-être d’abord parce que l’origine mystérieuse, plurielle, discrète, du mot, la variété de ses référents historiques, nous rappelle celle de l’être humain, ses qualités identiques.Eafar, Afer, faraqa: l’Afrique nenous montre-t-elle pas, pêle-mêle, cettepoussière– que, selon la parole sacrée, nous fûmes et vers laquelle nous retourne-rons –, cestribus, enfance et à la fois tentation adulte de nos modes d’organisation politique, et cepartage, que la néces-sité lui impose ? Qu’est-ce que l’Afrique ? Dès la plus lointaine origine, Africaest aussi le nom d’une colonie. Nom et pouvoir imposés par d’autres, puissants, venus d’ailleurs, à une terre et à des peuples dont le nom originel s’est souvent perdu.Provincia africana, Wilayat al-Ifriqiya, Afrique occidentale française: la colonisation, l’appropriation des terres, des esprits, des riches-ses naturelles – parmi lesquelles les hommes eux-mêmes –apparaissent, dans l’histoire millénaire de l’Afrique, comme une troublante, une violente récurrence plutôt que comme un accident qu’aurait clos et absous le demi-siècle écoulé. Richesses, pouvoir, violences : qu’est-ce que cette Afrique qui suscita, et suscite encore tant d’appétits étrangers ? Qu’est-ce que l’Afrique ? Jusqu’où s’étend-elle, rayonne-t-elle ? Si la référence du mot s’est étendue dans l’Histoire, dans une période plus récente, pareillement, le prestige, l’aura
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du continent. La musique ou la mode comptent par exemple aujourd’hui parmi les formes spéciques de ce rayonnement de l’Afrique. En plus de ses matières premières qui rent et font encore souvent son malheur, l’Afrique est riche en éner-gies renouvelables, éolienne, solaire. Elle connaît des zones d’exceptionnelle biodiversité, à Madagascar par exemple, et une richesse linguistique unique, comme au Nigeria ou au Cameroun, où coexistent des centaines de langues. Cette Afrique diverse suggère un avenir. Pour la première fois dans l’Histoire, un président américain récemment élu a pu venir dire à Accra : «I have the blood of Africa within mele sang» (« 4 africain coule dans mes veines ») .
Afrique, (Géog.) l’une des quatre parties principales de la Terre. Elle a depuis Tanger jusqu’à Suez environ800lieues ; depuis le Cap-verd jusqu’au cap Guardafui1420; & du cap de Bonne-Espérance jusqu’à Bone1450.Long.1-71. lat. mérid.1-35. & lat. 5 sept.1-37.30.
Qu’est-ce que l’Afrique ? Qu’appelle-t-on l’Afrique ? De qui parle-t-on lorsqu’on parle des Africains ? À partir de ces inter-rogations d’apparence naïve, nées de la prise de conscience d’une multiplicité d’usage de ces termes et de leur dimension historique, de leur probable relativité, notre enquête collec-tive s’est donnée pour objectif de recueillir les réponses de spécialistes de différentes disciplines à toutes ces questions. Quelle a été la part des récits de voyage dans la construction du continent africain ? Quels sont les éléments mis en avant par la géographie pour rendre compte d’un ensemble aussi vaste ? Qu’ont retenu les historiens, depuis Ibn Khaldûn au moins, pour produire le récit unié d’histoires multiples ? Que
4. Discours de Barack Hussein Obama à Accra au Ghana le11 juillet 2009. L’Afri5q.ueDiindedréofitn,i«eAfrique »,Encyclopédie, vol.1[1751].
peuvent répondre la linguistique, la philosophie, ou encore l’étude du fait religieux ? Quelles dénitions les sciences humaines ont-elles contribué à fournir, depuisL’Afrique fan-tôme? Et quelles représentations de l’Afriquede Michel Leiris la littérature nous livre-t-elle ? Toutes ces questions, assez générales, c’est à Tunis que nous avons souhaité les poser. Ce point de vue est signicatif. Par bien des aspects en effet, le Maghreb peut apparaître comme une zone intermédiaire ou décrochée par rapport à l’ensemble géographique du continent, un espace méditer-ranéen que l’Histoire a tourné vers le monde arabe, faisant du Sahara, jadis lieu des échanges, une coupure symbolique entre deux espaces construits et distincts. Le Maghreb, angle mort, point aveugle de l’Afrique ? C’est justement de ce point, au cœur de cette faille, que la question « Qu’est-ce que l’Afrique ? » peut être posée aujourd’hui avec une acuité renouvelée. 6 DansLeLivre du souvenir, le poète Tahar Bekri rapporte quelques situations emblématiques de la complexité de cet impensé africain. De Fort-de-France, en Martinique, où il s’est rendu en2006avec d’autres écrivains, venus du Sénégal, du Bénin, du Cap-Vert, du Burkina Faso et de Tunisie, pour rencontrer Aimé Césaire et « célébrer son amitié avec Léopold Sédar Senghor », Tahar Bekri se remémore l’époque des années1970Tunis, à quand les étudiants lisaient Frantz Fanon, scandaient des passages duCahier d’un retour au pays natalà la Maison de la culture Ibn Rachiq – « Et elle est debout la négraille » –, et avaient fondé à la Faculté des lettres le Cercle des études afri-caines et antillaises. Les intellectuels tunisiens étaient alors intéressés par les thématiques de la négritude et des rap-
6. Tahar Bekri,Le Livre du souvenir, Tunis, Elyzad,2007.
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Introduction
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