Le fils de la maison
130 pages
Français

Le fils de la maison , livre ebook

-

130 pages
Français

Description

Jean Larriaga est né à Paris en 1945. Après un bac philo, il devient monteur de films, puis assistant metteur en scène à la Gaumont. En 1971 il écrit et réalise son premier film pour le cinéma: La Part des lions avec RobertHosein, Charles Aznavour, Michel Constantin, Raymond Pellegrin et Elsa Martinelli. Il dirige Piéplu et Villeret, Denner et Leslie Caron, Guiomar et Victor Haïm dans des comédies qu'il réalise pour FR3. Le théâtre lui vient par son jardin secret : la radio. Piéplu portera à la scène son Extra à Paris et dans toute la France.
Fils de Boulanger-pâtissier, Jean Larriaga note :... dans la boulangerie de mes parents qui était comme un théâtre ouvert sur tout un quartier, j'ai emmagasiné très tôt une foule d'observations sur les gens et un quotidien que j'ai envie de faire décoller.
Être adolescent à Paris pendant les années De Gaulle-Bardot
1959. Le temps du microsillon, du Nouveau Franc, d'un Président, Charles de Gaulle, et d'une star, Brigitte Bardot, dont celui-ci dira : Elle rapporte plus d'argent à la France que la régie Renault
Désir d'être et de paraître de deux adolescents parisiens, Pierrot, fils de boulanger-pâtissier, et Jean-Michel, fils d'hôtelier, dans un monde d'adultes, de tabous, de non-dit, et de petites révoltes... qui annoncent Mai 68.
Une littérature 68hard grandement populaire et nostalgique d'un Paris...
.
EXTRAIT
Minuit sans filles. Salopes ! Les garçons burent aux salopes du monde entier pour entamer leur réveillon en tête-à- tête. Il y avait largement à manger pour deux tellement Jean-Michel s'était plaint qu'il aurait faim. Sa grand-mère, montée se coucher, lui avait réservé un copieux repas de fête et offert son cadeau, un mini-transistor Hitachi. Tournant la bague des stations, Jean-Michel en cherchait une qui déménage. Mais il n'y avait partout que des messes.
Tous deux détestaient les chansons de Noël, surtout ces gros tubes mielleux, châtrés de rythme et de batteurs. Quand Jean-Michel tomba sur Max Roach et Coltrane en 58, il mit le son à fond et ils gueulèrent : Sauvés ! Ils retrinquèrent. Entre le scotch, le rouge et le cham-pagne rosé acheté par Pierre, ils con-jureraient la nuit chrétienne à coups de mélanges. Je commencerai 60 en beauté ! Jean-Michel qui n'avait rien dit lui paria qu'il n'y arriverait pas... Parce que les vendeuses de la rueTronchet ne baisaient pas avant d'être mariées et de faire des gosses. Même coiffées comme B.B, la copiant, copiant son sex-appeal, elles avaient le cul coincé, serré, bouclé.
Tu fais chier, je la baiserai !
On parie le dernier Art Blakey ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2009
Nombre de lectures 64
EAN13 9782296298408
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

WWW. mokeddem.fr
ISBN 978-2-916903-06-4 Janvier 2009 © MOKEDDEM LE FILS DE LA MAISON
Jean LARRIAGA
À Laura, à Manuel et à mes parents P ierrot lève-toi Catherine est pas là !
Arraché au sommeil, debout à enfiler son slip et ses
chaussettes rangés sur sa chaise, Pierre n'avait aucun
besoin d'autre explication, il savait ce qui l'attendait,
connaissait chaque geste d'une partition quotidienne,
immuable. Débarbouillé, il descendit, mit son blouson
et après un bref passage par la boutique illuminée, il se
retrouva dehors, serrant sous chaque bras un carton de
croissants et de brioches fumants qui lui chauffaient les
côtes et l'enveloppaient dans le parfum fondant qu'il
déplaçait.
Il faisait noir et froid. Les trottoirs encore déserts
offraient à Pierre la possibilité de trajectoires idéales.
Livrer quand la ville dormait ne lui déplaisait pas. Une
fois lancé sur ses enjambées, hors d'atteinte, il goûtait
la sensation puissante de dominer la rue sous ses pas.
La rue Tronchet. La rue de Sèze. La rue
Chauveaula-garde. La rue Vignon. La rue de l'Arcade. Toutes les
rues autour de la Madeleine. Ses rues.
Lorsqu'il livrait tôt, cela lui arrivait avant d'aller en
classe, les fois où une employée faisait faux-bond,
n'entendait pas le réveil, était malade, Pierre livrait les
cafés du quartier plus vite que le vent. Et il se mesurait
au temps. Courait contre la montre. Car les lève-tôt ont
une horloge dans la tête et aucun impondérable ne
vient contrarier la netteté de leurs premiers actes. Cela
ne dure pas mais les premiers levés sont complices de
l'aube. Pierre retrouvait ce fonds commun d'humanité
dans le silence observé par les rares silhouettes à
l'haleine soufflée qu'il croisait ou dépassait avec ses
cartons chauds.
- Ah c'est toi ce matin, fit le gérant du
MadeleineTronchet à six heures cinq chrono.
Dans son costume rayé noir, chemise blanche,
noeud papillon noir, il prit ses trente croissants et
brioches directement des cartons jusqu'au zinc briqué Le fils de la maison
et en garnit les coupes, les bras haut levés en demi
cercle, comptant méthodiquement quatre !... huit !...
douze !... d'une voix nette et fatale d'arbitre de boxe au
moment d'un K.O.
Et à six heures huit, ce fut le patron de l'Empire au
bout de la rue de Sèze, un Béarnais brillantiné qui
recompta les siens d'un air soupçonneux avant d'offrir un
diabolo grenadine à Pierrot qu'il avait vu grandir et qui
prenait toujours un diabolo grenadine quand on lui
offrait quelque chose.
- Papa et maman vont bien ? Tu leur donnes le bonjour.
Ses cartons vides, il se déplaçait d'un bar à la
boulangerie comme à vol d'oiseau. Est-ce que c'est
comme ça au ski ? Ses virages serrés au cordeau, ses
diagonales sur les passages cloutés, le froid mordant
son visage, cette sorte de glisse rallumèrent sa curiosité
à ce propos. Plus que deux jours, les deux premiers des
vacances de Noël avant le départ pour Megève ! Est-ce
que c'est comme ça ?... demeura en suspens car déjà il
regagnait la boutique effervescente. Georgette, la fille de
boutique assez vaillante selon les parents de Pierre
sortait du cagibi en boutonnant sa blouse.
- Elle est malade Catherine ? Elle a quoi ?
redemandat-elle sans obtenir plus de réponse, elle qui ne l'était
jamais, malade, malgré sa maigreur.
Concentré, le père de Pierre garnissait une manne
de croissants amenés encore fumants du fournil. Il
comptait la commande qu'il recouvrit à la fin d'un
délicat papier de soie. Ici comme ailleurs on disait la
messe d'ouverture sans paroles inutiles.
- Ça c'est l'hôtel Opal !
- Je sais.
Et déjà Pierre fonçait d'un coup de jambe.
- Heureusement qu'on l'a, soupira sa mère.
Sur les onze heures, Catherine ayant toujours disparu,
c'étaient des paniers de quarante baguettes que Pierre Jean Larriaga
livrait aux plus forts clients : le Royal-Printemps et le
Madeleine-Tronchet. À cette heure-là, changement de
décor. Le quartier exhalait l'approche de Noël de tous
ses étalages. Les trottoirs grouillaient de l'animation
fiévreuse des veilles de fêtes. La rue Tronchet en
particulier avait créé la sensation par une initiative aussi
inhabituelle que parisienne. Tous ses commerçants
étaient tombés d'accord pour installer à leur frais des
chauffages à infrarouge en haut des devantures.
Chauffer la rue, réchauffer les passants en cet hiver
glacial de 59 faisait énormément parler dans le périmètre
et bien au-delà car on venait de loin, jusque de la rive
gauche pour prendre sa douche de chaleur et narguer
le froid refoulé. Les infrarouges rapidement idolâtrés
incitaient au regroupement spontané, à la conversation
aisée, engageante, rieuse, et le lèche-vitrine traditionnel
s'enrichissait d'une attraction mieux que foraine.
Joliment inspirée, la rue Tronchet faisait salle comble.
Elle crânait aussi. Pierre n'en avait cure. Son unique
souci désormais était non seulement de livrer vite mais
surtout de passer inaperçu. Invisible s'il avait pu. Car il
avait quinze ans, presque seize. L'âge de vouloir paraître
plus. Et repéré au moins deux vendeuses de boutiques
de luxe de la rue Tronchet. Deux paires d'yeux
perçants qu'il cherchait à croiser, soutenir, embraser, à
chacun de ses passages quotidiens. Mais pas question
qu'elles le surprennent en porteur de pain ! Là, c'était
la disgrâce assurée, le déclassement fatal aux prémices
de l'accroche. Une ruine. Porter du pain au grand jour,
c'était porter du pain pour toujours. C'était bannir tout
espoir d'élévation. N'être que ça. Que rien. Et changer
de trottoir n'était pas la solution puisque aussi bien il
lui fallait se rendre invisible des deux côtés : la bijouterie
et la dentellerie. Pierre devait donc ruser par force,
ruser sec, par exemple en recherchant l'effet d'écran
d'un groupe de badauds. Et garni comme il l'était, son
panier à roulettes tracté d'une main, son second panier
à anses sous le bras, il lui fallait passer masqué derrière
un groupe compact. À l'approche de la dentellerie, il Le fils de la maison
freina et guetta. L'infrarouge posé de la veille lui sauva
la vie. Une puis deux familles nombreuses vinrent
s'agglutiner sous le radiateur magique, incitées par les
enfants ébahis. Pierre s'élança derrière ce paravent
inespéré et fonça. Elle était là. Belle. Intacte. M'entrevit.
Plus belle encore ne se doutant pas. Car il ne put
retenir un coup d'oeil furtif entre les nuques serrées.
Sûrement qu'elle pensait à lui. Il reviendrait. En civil.
Sapé. Fils de. Prometteur. Ah il avait un sacré ticket !
Le patron du Royal-Printemps en personne vint
saluer Pierre. Béarnais, lui aussi, il possédait la plus
belle affaire de Paris comme il aimait à le répéter. En face
du Printemps. Seul. Le plus bel emplacement. Des
commandes énormes à tout instant et là, à onze heures,
la ruée sur les sandwichs. Pierre n'avait pas plutôt vidé
son panier que la préposée au Quick lunch les
convertissait en jambon beurre, jambon crudités, empalait des
quarts entiers sur ses piques d'acier pour y fourrer
presto la saucisse du hot-dog. Souriante jusqu'à ses
pommettes roses, elle était pas mal non plus notait
Pierre et leur brève association aussi technique
qu'aboutie devait sûrement la remuer elle autant que
lui. Autre ticket, décidément...
- Papa va bien ? Catherine est pas là ?
Non c'est moi. -
Et tes vacances ? Sacré Pierrot... -
Il avait beau avoir l'oeil à tout, le patron ne voyait
rien de l'idylle violente entre son employée du Quick et
le fils d'Albert, ce môme qu'il avait vu naître.
De l'autre côté du boulevard Haussmann, comme
un signal d'appel émis par les sandwichs garnis, le
Printemps de Noël se vida d'un coup de ses hordes
d'acheteurs qui rappliquèrent s'engouffrer dans la plus
grosse affaire de Paris.
Pierre fila au Madeleine-Tronchet sans repasser par
la rue Tronchet. Un emplacement en or ! nuançait son Jean Larri aga
père

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