A TIRE D AILE   NOUVELLES
178 pages
Français

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A TIRE D'AILE NOUVELLES , livre ebook

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Français

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Description

Des nouvelles primesautières ou graves, souvent teintées d'humour, que l'auteur cueille au hasard selon l'inspiration du moment pour les dispenser ensuite, comme l'on ferait une offrande à un ami. En tous lieux, sous toutes les latitudes. Tous azimuts. Tantôt la France, l'Allemagne, l'Espagne, le Maroc, voire l'espace, qui sont ses lieux de prédilection et où on passe tour à tour de l'attendrissement à la haine, du burlesque au drame sans coup férir.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2011
Nombre de lectures 45
EAN13 9782296459960
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

À TIRE-D’AILE
 
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
 
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
 
ISBN : 978-2-296-54561-8
EAN : 9782296545618
 
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Jeanne BENIGNO
 
 
À TIRE-D’AILE
 
Nouvelles
 
 
L'Harmattan
LE RAT DES CHAMPS
 
 
Rouler à une heure pareille en pleine nuit et par un temps de chien, faut le faire ! grogna René. C'est tout juste s'il retrouvait son chemin délavé sous une pluie torrentielle. Et les phares, déjà chétifs, qui tremblotaient sous les assauts diluviens, rendaient la perspective plus nébuleuse encore. En outre, établi depuis peu dans la région, René n'en connaissait pas les astuces ou raccourcis quelconques.
Aussi, avait-on idée d'aller mourir par une telle tourmente ! un ciel si bas, qu'il devait mettre en peine l'âme qui tentait de s’élever.
Cahin-caha, il poursuivit sa randonnée, se remémorant sa joie lorsque au bout de longues années d'études, il avait enfin pu exercer ses talents de notaire à la campagne ; le monde rural l'avait toujours attiré par opposition à la vie factice et agitée des villes, des universités, des stages qui n'en finissaient pas. Autant de raisons qui l'avaient rebuté des grandes cités. Il n'allait tout de même pas, aujourd'hui, jouer les défaitistes au premier écueil venu ! La campagne, c'était tout autre chose, Dieu merci. C'était le bon sens de l’homme de la terre qui arrimait ses racines au plus profond du sillon. C'était la nature merveilleuse qui incitait le soir venu au recueillement. C'était… Basta ! Il était arrivé devant la ferme où on l'avait mandé.
Il klaxonna malgré la gravité des circonstances, ne voyant pas le moyen de faire autrement sous les trombes d'eau qui s'abattaient de plus belle. Une lampe blafarde s'alluma sous le porche et jeta un voile tremblant sur le décor immobile et silencieux ; la désolation des lieux était telle qu'on eût pu les croire inhabités...
René pénétra dans la cour, roula lentement jusqu'au perron où un homme tout de noir vêtu et surmonté d'un parapluie aussi sombre et austère que lui apparut.
Bonsoir, maître. Vilain temps, n'est-ce pas ? Si vous voulez bien vous donner la peine.
Le préposé à l'accueil se pencha pour ouvrir la portière de la voiture d'où descendit le jeune notaire, qu'il escorta tout en l'abritant jusqu'à la porte d'entrée. Arrivé dans le vestibule, René secoua les gouttes d'eau qui avaient réussi à asperger son manteau malgré la protection avancée que lui avait prodiguée l'homme en noir. La vaste maison semblait figée dans la froidure. On s'attendait à voir affleurer la moisissure sur les murs tant l’humidité était grande et pénétrante.
En traversant le couloir, René remarqua dans l'enfilade des chambres qui le bordaient une immense salle au fond de laquelle crépitait un maigre feu de bois. Devant la cheminée trônait une imposante table dressée, sur laquelle des collations attendaient…
« Il faudra que je me fasse aux coutumes de la campagne », se dit-il tout en suivant son compagnon dans les méandres de l'escalier.
Et puis, la chambre, quasi-mortuaire… On ne voyait que « Lui ». L'éclairage falot d'une ampoule esseulée, juste au-dessus du chevet, nimbait les contours puissants du corps ; redessinait ses formes comme pour l'immortaliser. Il était affalé sur d'énormes oreillers, la tête penchée sur le côté allant à la dérive.
Autour du lit, des hommes et des femmes. Une bonne demi-douzaine. Sans doute les membres de la famille qui, le dos courbé sous le poids du chagrin, l'assistaient dans ses derniers moments. L'arrivée de l'étranger interrompit les prières ; les visages se tournèrent simultanément vers lui, saluèrent discrètement, puis se replongèrent dans le recueillement. L'une des personnes présentes se leva pour céder son siège à René, qui éprouva en cet instant des scrupules à venir ainsi troubler de si graves moments. Mais, quoi, il était là sur leur demande instante, non ? essayait de se conforter le jeune tabellion.
« Il faudra que j'apprenne, aussi, à m'aguerrir » ; se promit-il, tout en commençant à sortir les papiers de la serviette installée sur ses genoux, en guise d'écritoire pour la circonstance.
« Va-t-il être en état de parler ? » s’angoissait déjà René. Le moribond ne proférait mot. L'une des femmes qui se trouvaient autour du lit s'approcha tout près de lui.
Pépé, le notaire que tu as fait demander est arrivé. Tu m'entends ? Réponds, suppliait-elle, des sanglots dans la voix.
Elle avait pris la main du mourant dans les siennes, la serrait fébrilement. Les paupières du grand-père se soulevèrent avec peine, un murmure s'exhuma du silence.
Qu'est-ce que tu dis ? Parle plus fort, conjurait la parente qui semblait ne pas saisir le langage confus.
Oui, oui, c'est très bien. Approchez, prononça assez distinctement le vieillard à René, qui se trouvait bien heureusement du côté où la tête penchait.
C‘est donc vous le nouvel homme de loi ?
René se sentit soulagé en le voyant s'animer. Jusqu'à paraître bien portant, voire en pleine forme. En tous cas, il s'avérait être sain d’esprit ; la séance allait donc pouvoir commencer.
Le plus dur restait à faire : obtenir, au regard de la loi, que les membres de la famille quittent la chambre durant l'exécution de l'acte testamentaire... Ils ne l’entendirent pas de cette oreille-là ! René eut beau essayer de les raisonner, les piquets restaient obstinément rivés autour du lit, continuant d'égrener fébrilement leurs chapelets. Ce fut l’homme en noir qui dut leur parler dans une sorte de patois hermétique, pour qu'ils consentent enfin à évacuer la pièce. Tout en s'arrachant des lieux, l'une des personnes présentes étira un long regard vers le vieillard dont l'œil soutint un instant l'anxiété…
Malgré le sérieux de la situation, les choses commençaient à prendre une tournure vaudevillesque au gré du notaire. Mais il se dit qu'après tout, cela faisait peut-être aussi partie des mœurs de la campagne !
Dernier point à régler : les deux témoins indispensables en la circonstance et dont on lui avait assuré la présence lors de 1'entretien téléphonique échangé la veille. De nouveau, il eut recours au « maître de cérémonie » improvisé, marchand de chevaux de son état.
C’est que, à cette heure, vous savez… À la campagne les gens se couchent tôt ; comme les poules ! Personne, finalement, n’a voulu se dévouer. Mais, diable, on ne pourrait pas s’arranger autrement ? Quelle importance, au fond ?
Pas d'arrangement possible !
Et comme René faisait mine de ramasser ses affaires pour se retirer…
Je peux toujours aller voir sur la place si le patron du bistrot est encore là ? Je pense, à la réflexion, que celui-ci ne fera pas de difficulté pour nous rendre ce petit service, suggéra le maquignon.
Ainsi en fut-il fait et un court laps de temps plus tard, se retrouvaient dans la chambre, le pauvre vieillard, le notaire, le patron du bar… Manquait le second témoin !
J'ai l'impression que vous n'avez pas compris ou bien, me serais-je mal exprimé, articula René qui s'efforçait de garder son calme. Je ne peux strictement rien faire sans DEUX témoins étrangers à la famille.
Mais si ça peut vous arranger, déclara 1’homme en noir toujours empressé à ses côtés, je ne fais pas partie de la famille, moi ! J'étais de passage pour une question de saillie à débattre avec le propriétaire. Hélas… Et au moment où je m’apprêtais à partir, vous êtes arrivé. De fil en aiguille, je suis encore là. Si ça peut vous arranger ?
Perplexe, René hésita ; et puis, ma foi, se dit-il, pourquoi pas ?
Dès lors, la séance se déroula sans plus d'interruption si ce n'est de temps à autre la faible toux du moribond qui ponctuait chaque effort de prononciation ; le malheureux, c'était visible, avait à cœur de laisser tout en o

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