CHANGEMENT A ZURICH   NOUVELLES
216 pages
Français

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CHANGEMENT A ZURICH NOUVELLES , livre ebook

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Description

Le père attend, sur un quai de la gare de Zurich, une correspondance pour Budapest et se dispute âprement avec le fils. Le premier a passé toute sa vie dans le pays que le fils a quitté un quart de siècle auparavant. Leurs visions du monde diffèrent radicalement. Le rejeton ne vit-il pas simultanément dans de multiples univers ? ŠLes voies ferrées se déploient en éventail et conduisent le lecteur sous des cieux différents.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2011
Nombre de lectures 310
EAN13 9782296460140
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

C hangement à Z urich
Titre original: Átszállás Zürichben,
© L'Harmattan Hongrie, 2011
Könyvesbolt ; Kossuth L. u. 14-16
1053 Budapest
http://www.harmattan.hu
harmattan@harmattan.hu
 
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
 
© L'Harmattan, 2011
5-7, rue de l'Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
 
ISBN : 978-2-296-54582-3
EAN : 9782296545823
Péter Hendi
 
 
Changement à Zurich
 
 
nouvelles
traduites du hongrois par
Sophie Aude, Borbala Galanthay et
Georges Kassai
en collaboration avec
Gilles Bellamy et Agnès Járfás
 
 
L'Harmattan
Le contrôleur bulgare à Strasbourg
 
I l se rendit à Strasbourg avec une étudiante genevoise de dix-huit ans. Pas pour se présenter, investi de quelque mission, au Parlement européen, non, ils débarquèrent à l'Ecole des Arts décoratifs dont elle suivait les cours. Il n'était ni son amant ni son ami, mais... disons-le, au risque d'anticiper, donc d'émousser la curiosité du lecteur... un livre. Oui, il était un livre. Dont l'auteur, une cinquantaine d'années auparavant, alors qu'il était déjà mortellement malade, s'était arrêté, dans une ville étrangère, devant une vitrine étincelante et avait soupiré : Il serait bon de vivre encore un peu !
L'étudiante s'appelait Nicole Baretti. Je poursuivais sa maman de mes folles assiduités, à travers les déserts et les oasis de mon amour. Certaines traversées du désert avaient duré plusieurs années, alors que les oasis... Peut-être ne devrais-je pas employer le passé, car peut-être allons-nous bientôt célébrer le vingtième anniversaire de notre relation... J'habite à présent tout près du Mont Blanc et je peux, à tout instant, prendre sur les rayons de ma bibliothèque le poème mélancolique que János Vajda a consacré à ce géant de la montagne.
Mes Grands Frissons ! Un jour, j'ai essayé, en sa présence, de citer Ady ou tout au moins d'évoquer son esprit. En français, bien sûr. Cela s'est passé dans un café, vers le milieu des années quatre vingt, avant ou après Tchernobyl, à cinq heures du matin, au beau milieu d'un oasis, même si déjà quelques grains de sable étaient venus se déposer sur les taxis alentour. Le Sahara s'était glissé jusque dans Genève.
Mais, auparavant, il y avait eu Noël et Dezső Koszto-lányi. J'avais aperçu l'un de ses livres à la libraire Payot (encore rue de Coutance, et non rue Chantepoulet, à l'époque). Ce « szt », cet « á » et cet « i grec » suivi d'un « i » avaient, tels les traits d'un visage familier, semblé surgir au milieu de la foule pour me crier : Tu ne me reconnais donc pas, Péter ?
Chut ! lançai-je à Dezs ő, pendant que nous nous dirigions vers les livres en langue allemande pour voir ce que le petit Jésus apporterait à la tante qui vivait à Stuttgart. Ce jour-là, je fus particulièrement brillant littérairement parlant, capable de commenter chaque livre que je prenais sur les rayons. Déjà auparavant je m'étais montré coutumier d'un tel exploit. A l'intention des débutants qui seraient désireux de m'imiter, j'indiquerai ici la démarche à suivre. D'abord il faut se trouver en plein oasis... Ensuite, il faut choisir soi-même les auteurs et les livres dont on envisage de parler.
Vous feriez un excellent vendeur, dit-elle en me regardant dans les yeux, pendant que nous cherchions un cadeau pour la tante. Si je m'écoutais, j'achèterais tous les livres que vous commentez.
Avant de quitter la librairie, je jetai un dernier coup d'œil au livre de Dezső. Le traducteur cleptomane. Tel était son titre. J'avais déjà mon plan, mais je ne me doutais pas encore du triomphe que je remporterais avec ce livre. Je l'achetai quelques jours plus tard. A la vue du titre, le jeune vendeur éclata de rire. Il semblait ainsi, sans le vouloir, devenir complice de mon entreprise. A quoi ne s'expose-t-on pas quand on vend des livres, en pleine période de Noël !
N'ayant pas défait le paquet, je n'ai jamais su ce que ce traducteur pathologique avait pu dérober : les biens terrestres de son employeur ou, plus simplement, les idées des auteurs qu'il traduisait ? Je devrais emprunter le livre à mon amie, mais nos rapports, autrefois si prometteurs, traversent actuellement un désert. Nos Grands Déserts ! Dezső a traité le sujet, je m'en souviens vaguement. Ayant appris de source sûre que la fin du monde est proche, il se rend auprès de l'objet de sa flamme, se demandant ensuite pourquoi il faudrait attendre la fin du monde pour tenter de vivre avec l'être aimé.
Mais revenons à notre oasis. Au lieu d'ouvrir le paquet, je l'assortis, selon la coutume hongroise, de deux bonbons de Noël, et l'abandonnai discrètement, honteusement, sur la banquette arrière de la voiture, en descendant un 24 décembre, à quatre heures, Place des Philosophes. Quartier que j'habitais, avec ma femme. Ce n'était pas la fin du monde, seulement Noël, c'est-à-dire, en l'occurrence, l'impossibilité de nous voir pendant huit jours. Et avant le Nouvel An, je l'appelai d'une cabine. Je ne sais plus si ce fut son ami qui me répondit ou Nicole, sa fille. Peu importe, je finis par l'avoir, elle, au bout du fil. Sa voix me fit l'effet d'un impromptu de Schubert. Elle avait lu certaines nouvelles du recueil et avait particulièrement aimé l'histoire du contrôleur bulgare. Mais je la connaissais, celle-là ! Tiens, elle figurait donc dans le recueil ? Son héros, c'était moi ! Que de fois Kosztolányi n'a-t-il pas évoqué ma modeste personne ! N'était-ce pas moi, le voyageur, qui ne connaissant pas plus de deux mots de bulgare, conversa toute une nuit avec le contrôleur de ce train balkanique ? N'est-ce pas moi qui, lorsque je voyage en Europe de l'Est, m'adapte et accueille avec un brin d'indulgence les problèmes linguistiques qui ne manquent pas de se poser ? Il m'a sacrément bien dépeint, ce Kosztolányi ! Et pas seulement sous les traits du voyageur qui parcourt les pays de l'Est ! Car n'est-ce pas encore moi, le contrôleur bulgare qui se raconte à l'Occident ? Pensons à tous les poèmes, à tous les billets doux que j'ai écrits pendant ces longues traversées du désert, entrecoupées de quelques rares oasis. En français, certes, mais, en fin de compte, aussi un peu en bulgare.
Bien entendu, pas question de dire tout cela au téléphone. En attendant d'avoir à tirer la leçon des longues années qui allaient suivre, j'étais heureux de constater que j'étais aussi important pour elle qu'elle l'était pour moi. C'est si rare dans la vie. Bref, d'un commun accord, nous décidâmes de nous lever une demi-heure plus tôt le premier jour de travail après les fêtes : c'est ensemble que nous prendrions le premier café de l'année, place des Nations, non loin de nos lieux de travail respectifs.
Mais, pour avancer l'histoire du contrôleur bulgare à Strasbourg, franchissons un immense désert et retrouvons-nous Parc des Bastions. Nous nous y étions donné rendez-vous par une belle journée de printemps, temps propice aux amours. Déboucherions-nous sur un oasis ou sur un désert ? On ne pouvait pas encore le savoir. Nous nous dirigeâmes vers le monument des Réformateurs où, entouré de Calvin et de ses compagnons, notre István Bocskai, à son tour, salue le lever du soleil à Genève. Pendant que nous marchions, elle tourna légèrement la tête vers moi. J'étais fasciné par l'harmonie de ses mouvements, de leurs mille détails infimes.
Figure-toi, dit-elle de sa voix enchanteresse qui, aujourd'hui encore, fait vibrer en moi certaines cordes, figure-toi que ton Kosztolányi a eu un énorme succès à Strasbourg. Nicole a prêté ton livre à toute la classe et les filles en raffolent. Elle a décidé, pour son examen, de présenter un travail d'illustration du Contrôleur bulgare.
Ne renonce jamais à tes rêves ! Même s'ils ne se réalisent pas exactement comme tu l'aurais souhaité, ils peuvent toujours faire naître un nouvel espoir. Je ferme les paupières et je vois cette classe

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