Chronique d une malediction
140 pages
Français

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Chronique d'une malediction , livre ebook

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140 pages
Français

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Description

Chronique d'une malédiction raconte le périple du capitaine Edmond le Mut. La terre et la mer, la malédiction qui frappe les hommes de sa famille depuis quatres générations et les secrets qui se terrent dans le silence des femmes... Et si Edmond n'avait navigué, au fond, que sur l'océan des croyances ? Alors Chronique d'une malédiction raconterait l'histoire de toutes les certitudes qui guident les hommes.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2010
Nombre de lectures 85
EAN13 9782296715622
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Chronique d’une Malédiction
 
 
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
 
http://www.librairieharmattan.com
 diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
 
Fabrication numérique : Socprest, 2011
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
 
ISBN : 978-2-296-13804-9
EAN : 9782296138049
 
Pascal Roy
 
Chronique d’une Malédiction
 
Roman
 
 
L’Harmattan
 
À mon grand-père
 
Prologue
 
C e fut un quatorze juillet que la mer devint rouge. Un astre y avait été englouti ; son cœur, ses mains et son regard étaient ceux de mon père, son aura celle d’un dieu. J'avais cinq ans et on ne m'a rien dit. On m'a envoyé quelques jours chez des amis du village voisin, puis je suis rentré.
 
Pas un mot,
 
le goût du malaise juste,
 
pâteux en bouche au point d’engluer les langues de la famille, mais irritant au point de faire suinter l’évidence par leurs yeux : quelque chose d’irréversible était survenu.
A part cela, rien n'a changé. Maman a continué à venir chaque matin guetter sur le port, son petit siège en osier sous le bras et son air absent au visage. Ce que je ne savais pas, c'est qu'elle n'attendait plus un retour, mais un miracle.
Jean Le Mut,
marin pêcheur,
cinquante-deux ans,
ne reviendrait plus.
Quelques jours avant d’embarquer, mon père avait pourtant déclaré : À la nouvelle lune, j'aurai vaincu la Malédiction ! Mais la voix sonnait faux et ma mère lui avait fait signe de se taire. Je ne savais pas de quoi il parlait, mais fantasmais que par-delà les mers des génies maléfiques l'avaient maudit parce qu'il avait osé les défier. Je croyais mon père plus fort que les éléments et plus fort que les démons. Mais de son ennemi véritable, je ne soupçonnais même pas l'existence. Pourtant, l’adversaire était là, il s'appelait Malédiction et remporta sa victoire sur lui comme sur les autres.
 
Les autres : son père et son grand-père.
 
Eux non plus n'achevèrent pas leur cinquante-deuxième année. Ma sœur m'expliqua bien plus tard que c'était pour me protéger que ces drames m’avaient été cachés. La famille avait tellement peur de cette Fatalité que plus personne n'osait l'évoquer. Mon père ne revenait pas, c’était tout, il fallait l'accepter.
 
Je fis semblant.
 
Mais la colère. Si tu savais, comme la colère peut remplir le ventre d’un enfant...
 
Edmond Le Mut,
13 juillet 2010
 
1ère partie
 
Été 1977
Reste 33 ans
 
D e son lit, Agathe avait voyagé davantage que tout le village réuni. Les hommes appréciaient autant la chute de ses reins que l'ourlet de ses oreilles. Ils causaient, débitaient, leurs voyages, leurs histoires ; ils savaient qu'Agathe recevait mais gardait tout. C'était d'ailleurs une philosophie chez elle, prendre le plaisir, souvent, l'argent, toujours, les secrets, parfois, mais ne rien rendre. Enfin presque rien. Car cette prostituée n'hésitait pas à donner congé à ses clients. Quand elle n'en voulait plus, pour une raison ou une autre, c'était fini, interdiction de revenir. Une femme libre disaient certains, une femme dangereuse affirmaient d'autres, libre ET dangereuse pensait Edmond Le Mut, fils du marin pêcheur Jean Le Mut.
Parce qu’il parlait très peu et inspirait le silence, Edmond intrigua la dame pendant plusieurs mois. Secret, il ne se livrait pas, ne prenait pas son épaule pour un reposoir ni son oreille pour un déversoir, et laissait son physique de jeune homme souple et sec la charmer autant que l’énerver. En voyant cet homme ne s’occuper que de son corps, elle se sentait rabaissée. Tu fais de moi une pute ! disait-elle. D'instinct, Agathe savait se réchauffer contre les hommes sans se brûler. Or le regard clandestin d'Edmond commençait dangereusement à l'embraser. Un regard couleur amour, peut être pour elle, mais aussi couleur colère, violence, vengeance, peut-être pour le monde entier.
Pour provoquer les sentiments du jeune Le Mut et ainsi mieux les saisir, la stratège décida de déroger à l’une de ses règles fondamentales en dévoilant le secret d’un client.
La disparition de ton père en pleine mer, ça t'intéresse ? lança Agathe. Mise en scène par les bras experts d’une danseuse de l’amour , ajouta-t-elle en ondulant gracieusement les bras, d'après le récit d'un certain Gilles, un doux, un fidèle, mais rongé par le remords...
À l'évocation de ce prénom, Edmond se raidit. Le seul Gilles connu dans le coin avait été l'ami de la famille et l'unique témoin du drame.
La proposition fut si inattendue pour Edmond qu'il dut prendre un temps pour bien reconsidérer le contexte où il se trouvait. Les jours suivants, il referait de même, plusieurs fois. Pour être sûr.
 
Le décor. Le lit sur lequel Agathe recevait était un théâtre à lui seul. On y accédait après avoir suivi un couloir long et étroit au bout duquel se trouvait un rideau lourd. Mais attention,
attention,
attention,
pas question de le franchir sans s’être annoncé par trois notes. Trois, exactement. S'accordant harmonieusement les unes aux autres. Et jouées sur cette guitare en forme de cœur pendue au mur. Attention. Certains s’en souviennent. Deux heures. Pour le moins. Être restés ainsi plantés comme des cons devant l’antre de l’amour par défaut d’oreille inspirée. Un homme sans oreille ne saura jamais accorder son corps au mien. Et si son statut de prostituée l’aidait à souffrir l’obstination de certains, l’orgueil d’Agathe renvoyait à jamais l’impudent qui osait revenir avec une mélodie déjà jouée une fois précédente.
Pour les plus chanceux, le lever de rideau avait ensuite lieu sur une chambre patchwork constituée des cadeaux de tous horizons offerts par ses amants clients, le tout mis en relief par un jeu de lumières travaillé. Les pays s’y côtoyaient avec goût, et s'ils ont eu un centre, un point d’équilibre harmonieux, il est fort à parier qu’il s’est trouvé au cœur de cette pièce, et plus précisément au cœur de ce lit-radeau, et plus précisément encore, estimait Edmond, au cœur de l'âme d'Agathe.
 
L’actrice. Les seins nus agités, les bracelets nombreux auréolant des attaches fines qui se mouvaient avec grâce et énergie, des cheveux sauvages qui sentaient l’enfance et l’inconnu dans un même effluve, et les yeux, à peine maquillés pour éviter toute surenchère visuelle, attiraient tout ce que la Création avait fait de désir. Conscient de l’émoi que son regard provoquait chez les hommes, la dame avait d’ailleurs pris l’habitude de ne jamais regarder ses interlocuteurs dans les yeux, réservant ce poignant honneur pour la ponctuation d’une action ou d’une conversation. Jouir ou se taire, voilà à quoi en était réduite la gent masculine face au regard de la reine Agathe.
Edmond, lui, aurait en plus voulu être aimé.
Mais il ne se l'avouait pas et préférait lutter avec violence pour contenir ses sentiments. Il n'avait pas choisi de fréquenter les prostituées pour rien. Pas d'amour ni de promesses illusoires avec ces gens-là.
 
La tragédie. Tout avait commencé par une querelle soixante-dix ans plus tôt entre le grand-père de Jean et le rebouteux du bourg voisin. Personne ne connaissait l'origine exacte de la dispute. Une querelle de cœur était bien subodorée par certains, mais par manque de rôle féminin crédible, la médisance populaire avait dû se concentrer sur la menace du rebouteux : il maudirait Le Mut et les mâles de sa descendance sur trois générations, et ferait de
la mer
son instrument de vengeance
s'il ne s'excusait pas
avant la nouvelle lune.
 
Mais ton arrière-grand-père était aussi fier qu'un breton peut l'être ! lâcha Agathe comme si elle l’avait connu. La prédiction de sa mort prochaine et de celle de sa descendance au même âge que lui fut annoncée dès le lendemain. Bien des histoires circulaient alors dans la région, des histoires qui par peur ne se racontaient plus qu’en groupe et si possible en jour

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