D une vie à l autre    RECIT
87 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

D'une vie à l'autre RECIT , livre ebook

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87 pages
Français

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Description

Une petite ville au bord d'un lac entouré de montagnes comme décor pour mettre en scène quatre personnages. Maxime, Léda, Robert et Suzanne se retrouvent pour un dernier adieu à Lou, une amie commune. Les souvenirs de chacun enrichiront cette journée bien particulière.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2011
Nombre de lectures 36
EAN13 9782296465725
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

D’une vie à l’autre
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-55240-1
EAN : 9782296552401

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Pauline Seigneur


D’une vie à l’autre


récit


L’Harmattan
Chapitre 1
I ls sont assis côte à côte sur le banc de l’église. Discrètement, ils se penchent pour se compter, se rassurer. Ils sont tous là, Suzanne, Léda, Maxime. Robert lève les yeux vers la chaire où trône le pasteur. Sa voix forte s’envole sous les voûtes, s’accroche aux croisées d’ogive, retombe et se pose en douceur sur le cercueil où s’épanouit un beau lis blanc. Les orgues tonitruantes assourdissent les condoléances des inconnus qui défilent, le pas lent, la tête penchée sous le poids de la compassion, un pauvre sourire coincé entre leurs lèvres sèches.
Au bord de la tombe, l’odeur de la terre fraîchement retournée, mêlée à la suavité fade des gerbes de fleurs déjà fanées soulève le cœur de Suzanne.
Lou qui n’aimait que les fleurs des champs !
Désolée, Suzanne se tourne vers Léda qui, un doigt sur la bouche, la fait taire.
Une bénédiction marmonnée et c’est l’envoi au ciel.
Elle s’y tient déjà ! affirme Maxime, bouleversé.
A l’horizon la barre des montagnes, telle une frontière infranchissable, brise l’étendue du lac. Pas d’échappée belle vers l’au-delà. Maxime songe aux cimetières marins… Les tombes dévalent la pente, invitant leurs locataires à l’embarquement pour des croisières sempiternelles sans débarcadères.
Ici l’alignement au cordeau des pierres dressées entre les cyprès mortifères invite à un repos bien rasant.

Il faut bien se saluer et se mettre en route. Suzanne et Maxime ensemble. Derrière Robert traîne les pieds. Léda le suit, déjà préoccupée par sa prochaine création dédiée à Lou, une grande croix taillée dans un bloc de verre.
Avant de quitter l’esplanade, ils se retournent pour un dernier adieu à Lou prisonnière des entrailles de la terre. Sur le clocher de l’église flotte le drapeau de la ville. Suzanne le souhaiterait en berne, Lou aurait bien mérité cet hommage.

Entre exaspération et reconnaissance les gens de la ville ne savaient quel parti prendre. Lou avait créé des œuvres sociales inédites et performantes hors des procédures habituelles. Ses propositions audacieuses agaçaient. Lou défendait la sauvegarde des vieux quartiers, la reconversion en parc de loisirs des friches industrielles encerclant la bourgade.
Ses projets concernaient surtout l’accompagnement et le bien-être des enfants. Elle leur avait réservé une chambre dans son appartement pour mettre en œuvre une garderie à sa façon. Dès le seuil franchi, les enfants enlevaient de leur cou la chaîne où pendait la clé de leur maison. Libérés, ils s’adonnaient à des jeux bizarres mais combien amusants. Rien n’altérait leur plaisir d’être pris en défaut d’hilarité et d’émerveillement.
Trop de succès avait obligé la commune à ouvrir une vraie crèche répondant aux consignes d’hygiène et de sécurité. Les parents rassurés y placèrent leur marmaille désormais embrigadée dans les règles d’une triste pédagogie.
La chambre des enfants garde encore les relents des sueurs sucrées des petits et les murs l’écho de leurs cris de joie, les battements de mains, les piétinements de leurs impatiences enfantines.
Lou s’y enfermait souvent. Les sens mis en éveil, elle humait avec délectation cette chose unique qui n’appartient qu’à l’enfance, un parfum d’innocence.

Suzanne s’accroche au bras de Maxime. Ils ont tant à se dire. Ils préfèrent pour l’instant le silence, se serrer l’un contre l’autre suffit.
Robert s’attarde, hésitant il emprunte l’allée centrale du cimetière. Il lui faut à tout prix rejoindre les autres là-bas et cela lui demande un effort considérable.
Maxime, Suzanne et Léda rejoignent le mur de l’esplanade dominant le lac. Le soleil brasse des filons d’or et de braise en ondes tournoyantes, ils auréolent au passage quelques nuages épars. Robert s’est assis sur un banc, lui ne regarde pas le ciel mais ses souliers vernis.
Toujours fâché avec le ciel ? Lance Suzanne.
Robert s’était fait l’avocat de Suzanne auprès du Dieu sauveur. Chaque jour il le suppliait de lui accorder une trêve, le gel d’une tumeur maligne. Saloperie de cancer, les cellules gloutonnes tramaient dans son corps magnifique les projets d’une mort certaine.
Robert s’était préparé au pire.
Mais voici que l’Eternel exauce gratuitement, sans cris, sans chantage, sans lutte avec l’Ange. Un vrai miracle pour Suzanne. Cette guérison offerte casse le bel écran protégeant Robert et le renvoie à la misère d’un Job à quatre sous. Robert, dépossédé de sa rage à vaincre l’adversité se prive de cette relation à haute tension avec ce Dieu qui ne l’avait pourtant pas épargné.
Quel feu l’embrase soudain ? Trop de malheurs trop de solitude, ses bien-aimés enlevés à jamais, mis en terre dans ce quadrillage de tombes vouées à l’espérance d’un au revoir. Leur cruelle absence lui donne la mesure du temps, une lenteur salutaire et l’éloignement des mortels. Faut-il porter en soi le deuil des autres pour oublier sa propre douleur ? Ce mystérieux transfert s’avère impuissant. Aujourd’hui Lou s’en va.
Comment peut-on tant regretter la mort d’une personne que l’on ne connaît pas que par les dires de Suzanne, s’interroge Robert ?

Au loin le lac se repose dans un bain de satin. Un oiseau brise les lignes du silence et salue d’un coup d’aile l’éclat de midi. Sur ce point il n’y a rien à redire.
Chapitre 2
L a petite ville dans la tournure élégante d’une villégiature, frémissante d’activité et de ragots les attend.
On en faisait vite le tour. Elle s’alignait le long d’un lac cerné d’une tombée abrupte de montagnes puissantes et sombres. Leurs pics invitaient aux rêves d’ascension vers les demeures célestes. Entre le recul épique du Général Souvorov et la folle traversée des éléphants d’Hannibal, l’histoire s’embrouillait. Pris de vertige, le touriste se contentait d’une méditation raccourcie sur l’attirance de l’homme pour l’exploit. Aux conquêtes périlleuses des plus hauts sommets, il préférait se les approprier dans le reflet des eaux claires du lac. Cette image inversée des massifs s’allongeait parfois jusqu’aux rives offrant aux pieds du promeneur ébahi la blancheur immaculée des glaciers et des neiges éternelles. Une ride à la surface des eaux et le panorama de carte postale fondait dans les profondeurs lacustres, vision d’un âge de glace immergé, spectaculaire et fugitif.
Les quais de la ville s’allongent entre les plantations écologiques des choux violacés, des fanes de légumes variés ou celles, plus exotiques, des bougainvillées aux fleurs de carmin, de myrtes suaves, des camélias romantiques. Ce catalogue botanique, souvent misérable sous des climats assassins, s’offre aux balades familiales, aux amateurs de cocktails aux couleurs criardes servis aux terrasses ouvragées des grands palaces. Quelques retraités aux tempes gominées, aux vestes d’alpaga, les sirotent avec distinction. Leurs gestes mesurés animent l’espace d’un autre temps régi par le code réservé aux riches et aux vieillards. Rien ne vient troubler l’ordonnance de leurs bonnes manières. Assis aux tables nappées de lin rose défraîchi, derrière une haie taillée, leurs silhouettes tronquées dominent les déambulations de la foule en contre-bas. Sourds aux appels des marchands de barbe-à-papa et aux aboiements furieux des chiens tenus en laisse, ils s’adonnent à leur cure d’ennui en rêvant aux jours d’autrefois, l’anse d’une tasse de porcelaine chinoise pincée entre leurs doigts manucurés.

La nostalgie n’est pas sa « tasse de thé ». Lou préférait les balades en train. Elle s’endimanchait et grimpait sans effort les marches d’un vieux tortillard, rêvant d’un fabuleux Orient-Express où les voyageurs rejoueraient un roman d’Agatha Christie.
Lou somnole. Le train emporte ses songes à la dérive des courants, des risées à la surface du lac. Les courbes molles du rail la bercent et la maintiennent dans une douce torpeur.
L’arrêt brutal dans la gare de la petite ville la réveille. Elle sursaute et cherche fébrilement du pied l’escarpin rouge abandonné sous la banquette. Trop tard, l’annonce du départ l’oblige à quitter précipitamment le wagon.
La voilà bancale sur le quai. Elle

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