Histoiresde fantômes
51 pages
Français

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Histoiresde fantômes , livre ebook

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Français

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Description

Quel bonheur de suivre Ambrose Pierce, grand maître en prose fantastique, dans cet inventaire successif de maisons hantées, disparitions inexpliquées, soldats morts et en vie...


Comment un auteur comme Ambrose Bierce a pu passer à ce point entre les mailles de la traduction en langue française, hors son Dictionnaire du diable et 2 ensembles traduits par Jacques Papy, le premier traducteur de Lovecraft (comme par hasard), bien difficiles à trouver maintenant.


Pourtant, il ne s’agit pas seulement d’un des maîtres de ce fantastique américain sans lequel il n’y aurait rien eu de la science-fiction.


Ce qui donne à Ambrose Bierce sa dimension, c’est sa phrase. Tendue, abstraite. Presque rien de paysage ni de matériel, psychologie encore moins. Mais comme un très sec compte rendu d’autopsie ou rapport policier – il construit délibérément ainsi les images fulgurantes et puissantes qui émergent l’une après l’autre de sa phrase.


Est-ce dû à l'étrangeté de sa vie, jusqu’à sa disparition en 1914, à 71 ans, en expédition chez les rebelles du Mexique ? Mais la réticence française qui le qualifie d'écrivain "et" journaliste comme si c'était un crime, n’est-ce pas précisément cette force particulière de ces récits présentés comme des enquêtes réelles, et qui vous projettent dans le surnaturel sans qu'on puisse rien remettre en cause?


Explication complémentaire : lui-même témoin impliqué de la guerre civile, l’ouest américain, ses hameaux et villes perdues, ses errants et ses solitaires, est le matériau même de sa fiction. Ce qui pouvait déranger ou effrayer les traducteurs d’il y a 50 ans, est-ce que ce n’est pas justement ce qui nous le rend si troublant et fascinant ?


Les 18 récits de ses Histoires de fantômes (1899), chacun tenu dans l’espace serré de 5 ou 7 pages, nous les reconnaissons comme nôtres : apparition des mourants et revenants vengeurs, sinistres maisons dans le coeur ordinaire de la ville et autres terreurs populaires, ce sont presque les mêmes que les nôtres, ou que l'Ankou breton des "Légendes de la mort" d'Anatole Le Braz. Pas d'exotisme chez les fantômes, rien que la peur.



Fantômes qui surgissent sur les routes de campagne ou en pleine ville, puis explorations de maisons hantées, ou épisodes singuliers et occultes de la guerre civile, enfin une incursion dans les disparitions non élucidées, chaque récit d’Ambrose Bierce est un monde à lui seul.



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Informations

Publié par
Date de parution 27 juillet 2015
Nombre de lectures 186
EAN13 9782814510128
Langue Français

Extrait

HISTOIRES DE FANTÔMES
AMBROSEBIERCE
traduction François Bon
Tiers Livre Éditeur
ISBN : 978-2-8145-1012-8 DERNIÈRE MISE À JOUR LE 23 JUILLET 2015
Ma relation particulière à l’auteur des récits qui vont suivre est telle que je dois demander au lecteur de passer outre à l’absence d’explication quant à comment ils sont venus en ma possession. J’en sais dailleurs si peu sur lui que je ne puis même pas prétendre qu’il soit lui-même persuadé de la vérité de ce dont il nous fait part ; de telles enquêtes, dont j’ai pensé qu’elles méritaient d’être imprimées, ne semblent pas avoir été corroborées pour obtenir confirmation de ce dont il est fait état. Aussi bien son style, pour l’essentiel dépourvu d’art et d’artifice, s’en tenant au plus simple et direct, semble difficilement compatible avec la distinction qui résulterait d’une intention littéraire plus marquée, et témoignerait alors des manières de quelqu’un nettement plus concerné par l’objet de sa recherche que d’en fleurir l’expression. En transcrivant ses notes et renforçant ce qu’elles réclament d’attention en leur donnant un semblant d’ordre, je me suis consciencieusement retenu d’y ajouter ces petits ornements de la diction qui l’embellissent, comme je me serais senti capable d’y procéder – ce qui non seulement aurait été impertinent, même si plaisant, mais m’aurait demandé une implication plus forte dans ce travail, ce que je n’oserais prétendre ni dont j’ai disposé. A.B.
UNE PENDAISON ES VOISINS SUSPECTAIENTun vieil homme nommé Daniel Baker, qui vivait près deS Lebanon, dans l’Iowa, d’avoir assassiné un colporteur, auquel il avait donné la permission de passer la nuit chez lui. C’était en 1853, quand il y avait dans l’Ouest beaucoup plus de colporteurs que maintenant, et que le métier comportait de considérables dangers. Le colporteur traversait le pays avec son baluchon par toutes sortes de routes solitaires, et était contraint de se fier aux paysans pour l’hospitalité. Cela le mettait en contact avec d’étranges personnages, dont certains peu scrupuleux quant aux méthodes pour gagner leur vie, le meurtre étant un des moyens considérés acceptables à cette fin. Il arrivait parfois qu’on puisse reconstituer la trace d’un colporteur au baluchon devenu léger mais la bourse à peu près remplie jusqu’au puits solitaire de quelque personnage mal dégrossi, et plus rien au-delà. Il en fut ainsi dans l’affaire du «vieux Baker », comme on l’appelait en général. (On nommait seulement ainsi dans les colonies de l’Ouest les paysans âgés pour lesquels on avait peu d’estime ; le dédain social et le discrédit qu’on y attache étant commodément masqués par l’assignation de l’âge.) Un colporteur était arrivé à sa maison et n’en était jamais reparti, c’est tout ce qu’on en savait. Sept ans plus tard, le révérend Cummings, un pasteur baptiste bien connu dans cette part du pays, s’arrêta un soir à la ferme de Baker. Il ne faisait pas vraiment noir : il y avait un peu de lune sur le léger voile de brume qui recouvrait la terre. Le pasteur Cummings, qui de tout temps fut un joyeux personnage, sifflait une chanson, s’interrompant seulement pour lancer quelques mots d’encouragement amical à son cheval. Alors qu’il arrivait à un petit pont sur un ravin à sec, il aperçut la silhouette d’un homme arrêté là, qui se détachait clairement sur l’arrière-fond gris de la forêt brumeuse. L’homme avait quelque chose d’harnaché sur son dos et tenait un lourd bâton – à l’évidence un colporteur itinérant. Sa posture évoquait quelque chose d’abstrait, comme celle d’un somnambule. Quand il arriva devant lui, le pasteur Cummings retint ses rênes, lui adressa un salut cordial et lui proposa de s’asseoir dans son véhicule – « si vous allez dans ma direction », ajouta-t-il. L’homme releva le visage, le regarda dans les yeux, mais ni ne répondit ni ne fit d’autre mouvement. Le pasteur, avec l’obstination de son bon naturel, répéta son invitation. À cela, l’homme pointa sa main droite en avant de son de côté et montra quelque chose vers le bas, alors qu’il se tenait sur l’extrême rebord du pont. Le pasteur Cummings regarda derrière lui, scruta le ravin, ne vit rien d’inhabituel et se retourna vers l’homme de nouveau. Il avait disparu. Le cheval, qui pendant tout ce temps s’était montré inhabituellement agité, émit un hennissement de terreur et commença de galoper. Avant qu’il ait repris le contrôle de l’animal, le pasteur était au sommet de la colline, à trois cents mètres de là. Il se retourna et vit de nouveau la silhouette, à la même place et dans la même posture qu’il l’avait d’abord observée. Alors pour la première fois il fut conscient d’une impression de surnaturel et rentra chez lui aussi vite que son cheval le voulut bien. Une fois chez lui, il raconta son aventure à sa famille, et tôt le lendemain, accompagné par deux voisins, John White Corwell et Abner Raiser, il revient sur les
lieux. Ils trouvèrent le corps du vieux Baker pendu par le cou à une des voûtes du pont, exactement sous l’endroit où se tenait l’apparition. Une épaisse couche de poussière, rendue légèrement humide par le brouillard, recouvrait le parapet du pont, mais les seules traces de pas étaient celles du cheval du pasteur Cummings. En détachant le corps, les trois hommes dispersèrent la terre molle et friable du talus, mettant à jour des os humains déjà presque à découvert par l’action de l’eau et du gel. On les reconnut pour être ceux du colporteur disparu. À la double enquête du coroner, le jury déclara que Daniel Baker était mort de sa propre main, souffrant d’incapacité mentale temporaire, et que Samuel Moritz avait été tué par une ou plusieurs personnes inconnues du jury.
UNSALUT GLACIAL
C ’EST UNE HISTOIREque raconte le défunt Benson Foley de San Francisco : « Lors de l’été 1881, je rencontrai un homme nommé James H. Conway, domicilié à Franklin, Tennesse. Il séjournait à San Francisco pour sa santé, où on le lui avait fait croire, et m’apporta une lettre d’introduction de Lawrence Barting. J’avais connu Barting alors qu’il était capitaine de l’armée fédérale pendant la guerre civile. Quand ce fut terminé, il s’installa à Franklin et devint avec le temps, j’avais raison de le penser, un éminent avocat. Barting m’avait toujours semblé un homme franc et honorable, et la chaude amitié qu’il évoquait dans sa lettre pour M. Conway était pour moi une preuve suffisante que ce dernier était tout à fait digne de mon estime et confiance. En dînant, un soir, Conway me dit qu’il avait été solennellement convenu entre lui et Barting que le premier qui mourrait devrait, si possible, communiquer avec le survivant depuis l’autre côté de la tombe, de la façon la plus reconnaissable – ainsi qu’il en serait décidé, avaient-ils spécifié (sagement, me semblait-il) par le défunt, selon les opportunités que ces circonstances involontaires pouvaient lui offrir. « Quelques semaines après la conversation où Conway m’avait parlé de cet arrangement, je le rencontrai marchant lentement le long de Montgomery Street, et plongé apparemment, j’en jugeais à son air, dans des pensées profondes. Il m’accueillit froidement, avec à peine un salut de la tête et s’en fut son chemin, me laissant debout sur le trottoir, la main demi-tendue, surpris et naturellement quelque peu vexé. Je le revis le lendemain, et le jugeant capable de répéter la désagréable prouesse de la veille, le coinçai dans un porche avec un salut amical, et requis sans ménagements une explication quant à ce nouveau comportement. Il hésita un moment ; puis me regardant franchement dans les yeux, me dit : « “Je ne pense pas, M. Foley, que j’aie droit plus longtemps à votre amitié, puisqu’il semble que M. Barting m’ait retiré la sienne – pour quelle raison, voilà ce que je vous jure ne pas savoir. Et s’il ne l’a pas déjà fait, il vous en informera probablement... « – Mais, répliquai-je, je n’ai eu aucune nouvelle de Barting... « – Vous en aurez, répéta-t-il, apparemment surpris. Pourquoi ? Parce qu’il est là, je l’ai croisé hier, dix minutes avant de vous rencontrer vous. Et je vous ai rendu exactement le même salut que celui dont il m’avait gratifié. Et je l’ai de nouveau croisé il n’y a pas un quart d’heure, et ses façons se sont révélées les mêmes. À peine un signe de tête et il a disparu. Je n’oublierai pas de sitôt votre civilité à mon égard. Je vous souhaite le bonjour ou bien, comme vous le préférerez, mes adieux.” « Tout ceci me sembla considérations singulières, et une honnête prévenance de la part de M. Conway. « Comme les effets dramatiques et les situations littéraires sont étrangers à mon propos, je vous dirai tout trac que Barting venait de mourir. Il était mort à Nashville, quatre jours avant cette conversation. Appelant M. Conway, je l’informai de la mort de notre ami, et lui montrai la lettre qui m’en faisait part. Il fut si visiblement affecté que cela m’interdit d’entretenir le moindre doute sur sa sincérité. «“Cela semble incroyable, dit-il, après un instant de réflexion. Je suppose que je me
suis trompé, que j’ai pris un autre homme pour Barting, et que la froideur de son salut c’est ce qu’il devait civilement à un inconnu de ma sorte. Je me souviens, bien sûr, qu’il n’avait pas la moustache de Barting... « – C’était certainement quelqu’un d’autre”, approuvai-je ; et aucun de nous n’aborda plus jamais le sujet. Mais j’avais dans ma poche une photographie de Barting, que sa veuve avait jointe à la lettre de faire-part. Elle avait été prise une semaine avant sa mort, et Barting n’y avait pas de moustache.
MESSAGE SANS FIL A U COURS DE L’ÉTÉ 1896, M. William Holt, un prospère industriel de Chicago, s’était temporairement établi dans une petite ville du centre de l’État de New York, dont l’auteur de l’histoire n’a pas retenu le nom. M. Holt « avait eu des ennuis avec sa femme », dont il s’était séparé un an plus tôt. Quant à savoir si le problème était plus grave qu’une simple «incompatibilité d’humeur », il est probablement la seule personne vivante qui le sait ; mais il n’était pas enclin aux confidences. Même s’il a raconté l’incident ci-dessous établi à au moins une personne, sans exiger aucun gage de confidentialité. Il vit désormais en Europe. Il avait quitté un soir la maison d’un frère à qui il rendait visite, et se promenait dans la campagne. On peut présumer – quelle que soit la teneur des hypothèses en lien avec qu’on dit s’être produit – qu’il avait l’esprit plein de ses réflexions sur l’infidélité conjugale et du douloureux changement dans lequel sa vie s’était effondrée. Quelles qu’aient pu être ces pensées, elles l’accaparaient tant qu’il ne se préoccupa ni du temps écoulé ni d’où ses pas l’avaient mené ; il se souvint seulement qu’il avait dépassé depuis longtemps les limites de la ville et...
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