J appartiens au monde
170 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

J'appartiens au monde , livre ebook

-

170 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Née dans un quartier défavorisé de Montréal d'une mère africaine, archétype du parent absent et irresponsable, et d'un père canadien qui a pris la poudre d'escampette bien avant sa naissance, Lucie-Espoir Grenier-Ngassam grandit dans l'immeuble du « prince du taudis ». C'est dans cet espace insalubre, qu'elle fait la connaissance d'hommes et de femmes issus de différentes communautés culturelles... Le roman aborde la principale question identitaire : « Qui suis-je ? », que se posent les enfants issus de l'immigration.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2012
Nombre de lectures 22
EAN13 9782296491731
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

J’appartiens au monde
Encres Noires
Collection dirigée par Maguy Albet
et Emmanuelle Moysan

La littérature africaine est fortement vivante. Cette collection se veut le reflet de cette créativité des Africains et diasporas.

Dernières parutions

N°355, Kolyang Dina Taïwé, La rupture ou les déboires d’une conversion, 2011.
N°354, Blaise APLOGAN, Gbêkon, je journal du prince Ouanilo, 2011.
N°353, Sa’ah François GUIMATSIA, Des graines et des chaînes, 2011.
N°352, Sémou MaMa DIOP, En attendant le jugement dernier, 2011.
N°351, Lottin WEKAPE, Montréal, mon amour, 2011.
N°350, Boureima GAZIBO, Les génies sont fous, 2011.
N°349, Aurore COSTA, Les larmes de cristal. Nika l’Africaine III, 2011.
N°348, Hélène KAZIENDE, Les fers de l’absence, 2011.
N°347, Daniel MATOKOT, La curée des Mindjula. Les enfants de Papa, 2011.
N° 346, Komlan MORGAH, Étranger chez soi, 2011.
N°345, Matondo KUBU TURE, Des trous dans le ciel, 2011.
N°344, Adolphe PAKOUA, La République suppliciée, 2011.
N°343, Jean René OVONO MENDAME, Les zombis de la capitale, 2011.
N°342, Jean René OVONO MENDAME, La légende d’Ebamba, 2011.
N°341, N’do CISSÉ, Les cure-dents de Tombouctou, 2011.
N°340, Fantah Touré, Des nouvelles du sud, 2011.
N°339, Harouna-Rachid LY, Les Contes de Demmbayal-L’Hyène et Bodiel-Le-Lièvre, 2010.
N°338, Honorine NGOU, Afép, l’étrangleur-séducteur, 2010.
N°337, Katia MOUNTHAULT, Le cri du fleuve, 2010.
N°336, Hilaire SIKOUNMO, Au poteau , 2010.
N°335, Léonard MESSI, Minta, 2010.
N°334, Lottin WEKAPE, Je ne sifflerai pas deux fois, 2010.
N°333, Aboubacar Eros SISSOKO, Suicide collectif. Roman, 2010.
N°332, Aristote KAVUNGU, Une petite saison au Congo, 2009.
N°331, François BINGONO BINGONO, Evu sorcier. Nouvelles, 2009.
N°330, Sa’ah François GUIMATSIA, Maghegha’a Temi ou le tourbillon sans fin , 2009.
N°329, Georges MAVOUBA-SOKATE, De la bouche de ma mère , 2009.
N°328, Sadjina NADJIADOUM Athanase, Djass, le destin unique, 2009.
N°327, Brice Patrick NGABELLET, Le totem du roi, 2009.
Lottin Wekape


J’appartiens au monde


L’H ARMATTAN
© L’H ARMATTAN , 2012
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-96229-3
EAN : 9782296962293

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Pour Maria Jabrane, mon élève, dont la plume
vigoureuse fera bientôt danser le monde.


Toute culture naît du mélange, de la rencontre, des chocs. À l’inverse, c’est de l’isolement que meurent les civilisations. Octavio Paz
Chapitre I
Ce matin encore, il m’est impossible de résister à l’appel pressant de mon passé qui me fait de grands gestes, me hèle si bruyamment qu’il m’est presque impossible de rester silencieuse. J’ai beau fermer les oreilles et les yeux, j’ai beau faire semblant de ne pas entendre, ces voix anonymes sont là et grondent sans relâche dans ma conscience meurtrie. Il ne me reste plus qu’à jeter les armes de ma frêle résistance après avoir répondu d’une voix boudeuse : « Présente ! »

Au balcon de notre appartement à partir duquel j’admire, extasiée, le festival enivrant des flocons de neige qui se trémoussent gracieusement dans les airs avant d’habiller artistiquement les arbres orphelins de leur robe blanche, je me retourne nonchalamment et plonge mon regard interrogateur dans le rétroviseur de mes souvenirs. C’est alors que je repense à toi, oh, vieux clochard ! Toi qui as tendrement bercé mon passé turbulent.

À l’heure où ton image déchue,
Masque de glace crémeuse,
Grimace dans la triste brume hivernale
À l’heure où ton souvenir défait se compose et se recompose
Dans ma mémoire en lambeaux
À l’heure où le vent montréalais capricieux
Feuillette à mes yeux étonnés
Tes longues pages de joie et de peine
À l’heure où le puzzle de ton énigme centenaire,
Magiquement, se déploie dans mon cœur et dans ma voix,
Je pense à toi, oh Afrique absente et si présente !
Triste clochard que je voyais toujours noyé dans le tourbillon de folie de la rue Vézina, te rappelles-tu ce chant lointain qui rythmait chacun de tes douloureux battements de cils ? Te rappelles-tu cette musique lente et langoureuse qui a maintes fois déchiré ton cœur déjà meurtri quand ses notes, comme des balles de soldats, fondaient littéralement sur tes sens ? Tu vagabondais nonchalamment sur la rue Vézina, éternellement flanqué de ton chien, plus malingre et plus à plaindre que toi, le regard hagard, la mine cadavérique, la bouche béante. Lui et toi formiez alors un drôle de duo quand il rythmait ta marche titubante de ses pitoyables jappements qui filtraient à peine. Te rappelles-tu cet habituel concert de ma mémoire défaite dont tu étais toujours, malgré toi, l’unique spectateur ? Dis, te rappelles-tu, étranger ? Ne me dis pas non, je t’en prie. Je souhaite tant que tu te rappelles.

À l’heure où la neige poudreuse meurt silencieusement
Sous mes pieds gelés
À l’heure où ma peau arc-en-ciel blanchit
Sous le fouet laiteux des flocons glacés
Je pense à toi, Afrique-mère seconde
À tes grands îlots de soleil
Aux rayons berceurs de ton ciel argenté
Qui réchauffent toujours mes nuits canadiennes
À tes Himalaya de fêtes ininterrompues
À tes matins riches de chaleur et de joie
Dans les yeux, dans les bouches et dans les jambes en transe…
Je pense à toi, Afrique.
Gueux infortuné, constamment en bute aux crocs de la misère, otage de la fièvre maladive de la rue Vézina, te rappelles-tu ce pitoyable chant de fillette qui cadençait tes marches nocturnes tandis que tes jambes maigrelettes martelaient timidement l’asphalte lézardée ? Avec ton vieux manteau de clochard égaré, tu flânais paresseusement sur la rue Vézina, la bouche béante, le col défraîchi de ton manteau dansant dans le vent boudeur comme un drapeau de misère. Te rappelles-tu ces notes émouvantes qui t’arrachaient par moments des larmes solidaires lorsqu’en retournant la tête, mon regard de mendiante d’affection plongeait dans le tien comme une lame vicieuse dans une plaie béante ? Te rappelles-tu seulement ces faibles cris de ma conscience que tu recevais toujours avec des hochements de tête spasmodiques lourds de silence ? Te rappelles-tu aussi ces hoquets convulsifs, ultime marque moribonde de mes journées de douleur, que tu accueillais presque toujours avec la rage tenace du boxeur en proie à une volée de bois verts ? Je veux que tu te rappelles, fidèle témoin, ces matins sans vie, ces nuits sans étoiles, que tu as longuement partagés avec moi jusqu’au jour où tu as rasé les murs de Vézina sans crier gare, comme les centaines de rêveurs déçus qui désertent chaque jour le Québec, sur la pointe des pieds, à la recherche des prairies plus vertes et plus broussailleuses. Peut-être as-tu aussi été victime de la fièvre de l’or noir dont souffrent tous les chasseurs de trésors qui écument les villes de l’Alberta à la recherche du pétrole à siphonner. Où que tu sois, je veux que tu te rappelles, triste clochard, ces cris étouffés dans une vie sans âme, je veux que tu te rappelles.


À l’heure où d’insolentes tempêtes de glace
Meurent piteusement sur mon crâne endolori
À l’heure où le froid sadique des soirs d’hiver
Nargue méchamment mes oreilles meurtries
Afrique inconnue, les larmes aux yeux, je pense à toi
Pourtant, dans mon costume noir et blanc
Dans mon somptueux manteau multicolore
Je ne suis ni le fruit du fertile limon africain
Je ne suis ni la graine du champ québécois
Je ne suis ni la gousse du sol canadien
Je suis l’entre-deux pluriel tant vanté
M’abreuvant au confluent de deux fleuves paisibles
Je suis l’admirable trait d’union
Je suis le solide cordon ombilical
Reliant le Canada, la mère première
Au Tout-Monde si proche et si loin
Je suis la marmite généreuse
Qui gave le monde entier
De sa savoureuse canadiafricanité
Je suis le fruit composé et recomposé
Du limon de tous les continents amo

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents