L orgueil du père
206 pages
Français

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L'orgueil du père , livre ebook

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206 pages
Français

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Description

Dans le Rif marocain, Fatima, une jeune paysanne, accouche de sa troisième fille. Son mari, Ali, lui reproche de ne pas lui avoir donné le fils qu'il attend. Par orgueil, il abandonne sa famille et quitte le village. Ainsi Fatima doit-elle survivre et élever ses enfants; elle décide de tout quitter et de partir pour la ville, ce monde inconnu...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2010
Nombre de lectures 335
EAN13 9782296230651
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’orgueil du père
Lettres du monde arabe
Collection dirigée par Maguy Albet
et Emmanuelle Moysan


Amir TAGELSIR, Le Parfum français , 2010.
Ahmed ISMAÏLI, Dialogue au bout de la nuit , 2010.
Mohamed BOUKACI, Le Transfuge , 2009.
Hocéïn FARAJ, Les dauphins jouent et gagnent , 2009.
Mohammed TALBI, Rêves brûlés , 2009.
Karim JAAFAR, Le calame et l’esprit, 2009.
Mustapha KHARMOUDI, Ô Besançon. Une jeunesse 70, 2009.
Abubaker BAGADER, Par-delà les dunes , 2009.
Mounir FERRAM, Les Racines de L’espoir, 2009.

Dernières parutions dans la collection écritures arabes

N° 232 El Hassane AÏT MOH, Le thé n ’ a plus la même saveur , 2009.
N° 231 Falih Mahdi, Embrasser les fleurs de Venfer, 2008.
N° 230 Bouthaïna AZAMI, Fiction d’un deuil , 2008.
N° 229 Mohamed LAZGHAB, Le Bâton de Moïse , 2008.
N° 228 Walik RAOUF, Le prophète muet , 2008.
N° 227 Yanna DIMANE, La vallée des braves , 2008.
N° 226 Dahri HAMDAOUI, Si mon pays m’était conté , 2008.
N° 225 Falih MAHDI, Exode de lumière , 2007.
N° 224 Antonio ABAD, Quebdani , 2007.
N° 223 Raja SAKKA, La réunion de Famille , 2007.
Halima Ben Haddou


L’orgueil du père

Roman


L’Harmattan
DU MÊME AUTEUR

Aïcha la rebelle, éditions Jeune Afrique, 1982.


© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-09220-4
EAN : 9782296092204

Fabrication numérique: Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
A la mémoire de ma mère
CHAPITRE 1
Dans la pièce principale, la jeune femme étendue sur un matelas de laine, gémit à intervalles réguliers. Elle affronte dans l’indifférence de la sage-femme les ultimes douleurs de l’accouchement. Après tout, pourquoi s’agiter ? Ce n’est qu’une naissance. La longue robe de la jeune femme enceinte est toute relevée sur son ventre et elle pétrit ce tas d’étoffe entre ses mains, puis elle ouvre les bras en croix et crie. Sa mère, assise dans un coin de la chambre la regarde sans bouger, égrenant un chapelet. La sage-femme retrousse ses manches et fait un signe de la tête à son assistante qui vient appliquer ses genoux contre le dos de la femme enceinte et la tire de toutes ses forces vers elle. La femme s’accroche à elle comme aux branches d’un arbre et agrippe ses vêtements. La sage-femme passe ses mains épaisses sur le ventre en travail, demande qu’on chauffe l’eau et que tout le monde quitte la pièce à l’exception de la mère qui, calme et résignée, attend, occupée à ses prières psalmodiées.
La jeune femme écarte les cuisses et pousse de toutes ses forces en silence, sans respirer, puis reprend haleine en criant et retombe sur le matelas, sa tête battant de droite à gauche.
Courage encore Fatima, pousse ! crie la sage-femme qui voit apparaître une petite tête humide. Elle recule et essaie de maintenir les jambes de la jeune femme qui lui échappent.
Toute la famille était mobilisée pour que l’enfant ne souffre pas trop. Ce serait une grande fête si c’était un garçon ! Le grand-père s’était occupé du mouton, le sacrifice, au septième jour après la naissance, pour accéder au prénom de l’enfant. Le père, lui, priait pour que ce soit un garçon. Il s’occuperait plus tard des provisions d’huile, de sacs de farine, de pains de sucre et se chargerait de tout le reste. Pour l’instant, il se consacrait à la prière, les yeux fermés, les dents serrées. Mon Dieu, faites que ce soit un garçon !
Le visage de Fatima se crispe et elle hurle de toutes ses forces. La sage-femme se met à genoux. L’assistante tire vers elle. La mère prie à haute voix. Soudain la jeune femme ne bouge plus. Elle paraît morte, blanche comme la glace et sans souffle. Entre ses jambes écartées, une boule de chair crie.
Une lumière douce règne sur la maison. Les deux filles aînées jouent dans la cour ouverte sur le ciel.
Les mains tremblantes, la sage-femme coupe le cordon, fait un nœud, se mord les lèvres et dit :
C’est encore une fille.
Le bébé lavé en silence, elle le roule dans un drap, le pose près de sa maman et couvre la femme. L’enfant halète doucement. Sa petite bouche se tord en silence. Fatima, elle, affronte tant bien que mal, les douleurs d’après la délivrance et soupire. La sage-femme ouvre la porte sans bruit et sort, suivie de son assistante. Dehors, c’est une fin de journée qui sent le foin sec et le feu.
La sage-femme annonce la nouvelle à la famille.
Encore ! s’écrie le père en se levant d’un bond.
Calme-toi Ali, c’est la volonté de Dieu, dit le grand-père.
La volonté de Dieu ! Chaque année j’entends cette phrase !
Le grand-père ne sachant comment calmer la colère aveugle de son fils cadet, se lève, paye la sage-femme d’un sac de blé et de volailles, la raccompagne jusqu’à sa demeure, à une centaine de mètres de là, puis se dirige vers la maison de son fils aîné où il loge avec la grand-mère depuis que ses forces l’ont abandonné. Selon la coutume, c’est l’aîné qui lui a succédé comme chef de famille.
Dans le val, les chiens aboient. Impressionnée par la colère de leur père, l’aînée, qui a à peine cinq ans, s’arrête de jouer et traîne contre le mur de la maison sa sœur, dont les pas ne sont guère assurés.
Donc, tu n’es capable de rien ! gronde le mari debout sur le seuil de la pièce.
Fatima reste sans répondre et ferme un moment les yeux en baissant la tête comme une coupable qui reconnaît ses erreurs. Puis, les yeux toujours baissés, dit :
Ce n’est pas ma faute.
Et elle se met à pleurer sans bruit. Un grand tremblement monte en elle qu’elle ne peut arrêter. Elle tremble comme un arbre battu par le vent. La petite se met à gémir dans ses langes. Brutalement, le père appelle l’aînée et lui ordonne de ramener sa sœur avec elle. Tout apeurée, elle obéit et quand elles sont près de lui sur le seuil, il les pousse brutalement à l’intérieur de la pièce et crie :
Garde tes filles avec toi et fais-en ce que tu veux ! Moi je m’en vais ! Et ne m’attends surtout pas !
Sur ces mots, il fait un paquet de ses habits, puis le dénoue pour y ajouter un couteau et sort presque en courant.
Dehors il fait un temps tiède et clair. Un voile de brume cache les sommets de la montagne. De l’autre côté de la rivière, un troupeau de bœufs avance lourdement. Au milieu du troupeau sautille la silhouette d’un homme. A l’horizon, quelques moutons marchent dans l’herbe courte. Loin derrière lui, il entend ses filles pleurer.
Quand les bœufs ont traversé la rivière, Ali s’approche. Les bêtes tournent autour de lui, puis elles s’arrêtent en soufflant. Le berger s’arrête à son tour et dit quelque chose qu’Ali ne comprend pas, l’homme répète :
Il commence à faire froid, il est temps de rentrer chez soi.
Je n’ai pas de chez moi !
Ne croyant guère à cette réponse, l’homme sourit et s’en va avec son troupeau qui s’engouffre dans un vallon.
La nuit est venue. Ali marche sur le chemin silencieux qui l’éloigne de sa demeure. Puis, seul demeure le bruit de ses pas. Vers l’est, les derniers rayons du soleil frappent le sommet des arbres.
Ali sait que le printemps va s’aigrir. Le voyage sera long, car il lui faut franchir les montagnes.
Parvenu sur le flanc de la colline, il marche sans bruit sur le chemin herbeux, il émerge sans heurt. De temps en temps, il lève la tête et regarde vers les montagnes. Il continue sa marche par le chemin du bois, du pas lourd de l’homme qui part pour longtemps.
Chaque fois qu’il prend un moment de repos, il se remet à parfaire son raisonnement. Au départ, il ne comptait que sur la chance de retrouver la paix de l’esprit et l’oubli du passé. Maintenant, il est sûr de ne trouver que du regret, du remords d’avoir abandonné un foyer, une femme au moment où elle avait le plus grand besoin de lui, du remords pour avoir fait de ses filles des orphelines de son vivant. Il revoit le jour de la naissance de Faîza, il aurait voulu que ce soit un garçon, mais il était quand même content. C’était leur premier bébé… puis Mouna, et mainte

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