La troisième moitié de soi
244 pages
Français

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La troisième moitié de soi , livre ebook

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244 pages
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Description

Les nouvelles que contient ce recueil sont étranges et fascinantes à la fois. Ecrites dans un style tour à tour ciselé, heurté ou lyrique, elles dévoilent un monde de villes fantasmées, où se meuvent des personnages attachants et meurtris, cruels parfois, pris dans le tourbillon de la vie. D'Alger à Riyad, en passant par Orléans, Sed Maroub, ou l'antique Auzia, tous les lieux de ce recueil, réels ou imaginés, vibrent d'une vie aussi intense que celles des protagonistes qui les traversent.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2011
Nombre de lectures 38
EAN13 9782296800816
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Troisième moitié de soi
Lettres du monde arabe Collection dirigée par Maguy Albet et Emmanuelle MoysanAhmed-Habib LARABA,L’Ange de feu, 2011. Mohamed DIOURI,Chroniques du quartier, 2011. Nadia BEDOREH FAR,Les aléas de ma destinée, 2010. Sami Al Nasrawi,L'autre rive, 2010. Lahsen BOUGDAL,La petite bonne de Casablanca, 2010. El Hassane AÏT MOH,Le Captif de Mabrouka,2010. Wajih RAYYAN,De Jordanie en Flandre. Ombres et lumières d'une vie ailleurs, 2010. Mustapha KHARMOUDI,La Saison des Figues, 2010. Haytam ANDALOUSSY,Le pain de l’amertume, 2010. Halima BEN HADDOU,L’Orgueil du père, 2010. Amir TAGELSIR,Le Parfum français, 2010. Ahmed ISMAÏLI,Dialogue au bout de la nuit, 2010. Mohamed BOUKACI,Le Transfuge, 2009. Hocéïn FARAJ,Les dauphins jouent et gagnent, 2009. Mohammed TALBI,Rêves brûlés, 2009. Karim JAAFAR,Le calame et l’esprit, 2009. Mustapha KHARMOUDI,Ô Besançon. Une jeunesse 70, 2009. Abubaker BAGADER,Par-delà les dunes, 2009. Mounir FERRAM, Les Racines de l’espoir, 2009. Dernières parutions dans la collection écritures arabesN° 233 Rachid OULESBIR,Le rêve des momies, 2011. N° 232 El Hassane AÏT MOH,Le thé n’a plus la même saveur, 2009. N° 231 Falih Mahdi,Embrasser les fleurs de l’enfer, 2008. N° 230 Bouthaïna AZAMI,Fiction d’un deuil, 2008. N° 229 Mohamed LAZGHAB,Le Bâton de Moïse, 2008. N° 228 Walik RAOUF,Le prophète muet, 2008. N° 227 Yanna DIMANE,La vallée des braves, 2008. N° 226 Dahri HAMDAOUI,Si mon pays m’était conté, 2008. N° 225 Falih MAHDI,Exode de lumière, 2007. N° 224 Antonio ABAD,Quebdani, 2007. N° 223 Raja SAKKA,La réunion de Famille, 2007.
Mustapha Bouchareb
La Troisième moitié de soi
Nouvelles
Du même auteur Romans - Fièvre d’été,Éditions Enal, Alger, 1990. - Ciel de feu,Éditions Enal,Alger, 1991. Nouvelles -Ombres dans le désordre de la nuit, Éditions Laphomic, Alger,1989.© L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-54157-3 EAN : 9782296541573
Nuit pourpreLa Niva beige s’arrêta dans un crissement de pneus strident devant le distributeur d’essence. Une grande enseigne lumineuse s’allumait et s’éteignait par intermittence; des dizaines de petites lampes bleues et blanches traçaient, en lettres latines et arabes, le nom de la compagnie de distribution d'essence de la ville. Un petit homme aux cheveux ébouriffés s’approcha en trottinant, dans ses savates trop grandes, du véhicule feulant rageusement, animal pâle aux gros yeux ronds et jaunes. Les phares l’aveuglaient et il distinguait vaguement les quatre occupants du véhicule. Il lui semblait les entendre rire à gorge déployée. Encore un de ces groupes de jeunes fous des fins de semaine. Il faut faire attention, on ne sait jamais. Autour de lui un vent de sable commençait à se lever, ocre à la lumière des lampadaires de la station d'essence. Bientôt, il le savait d'expérience, il se transformerait en véritable tempête, noyant toute la ville de Dorrah dans ses amples plis poussiéreux et son odeur âcre. Amad serra le volant de la voiture en soufflant furieusement entre ses dents à la vue du petit homme : ! J’ai bien envie de luicette face rat  Regarde-moi écrabouiller le nez ! Ses trois copains, Allem, Fadhel et Messad, l'approuvèrent en riant très fort : as raison. Il est pas beau ce plouc de merde. Tu Souillent toute la ville. Des milliers qu'ils sont. Des centaines de milliers qui dévorent jusqu’aux poubelles, les baggar. Y’ a d’ailleurs plus de poubelles à Dorrah, mais par contre y’ a plein d’étrangers à la ville. Toutes ces hordes de bouseux, étrangers à la ville, qui nous volent notre argent. Prennent nos boulots aussi et nous on ne fout
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rien à longueur de journée. Pas de travail, pas de mariage, pas d'avenir. Leurs voix s'entremêlaient à la musique langoureuse d’un chanteur à la mode pleurantà tue-tête un amour perdu. Les quatre amis s'étaient donné rendez-vous chez Amad. C’était un rite pour eux : chaque week-end, ils se rencontraient chez l'un d'entre eux, accomplissaient ensemble la prière dans la mosquée du quartier, puis prenaient place dans la voiture de celui qui recevait et s'en allaient errer dans les rues encombrées de la ville. Parfois l'un des quatre copains parvenait à dénicher quelques comprimés par l'intermédiaire d'étudiants en médecine, une plaquette de haschich dans les bas-fonds de la ville, ou même une bouteille de whisky, probablement frelaté, que revendaient sous le manteau des petits voyous du quartier. Alors ils s'emplissaient la tête de rêves écarlates et mauves avant de sortir faire les fous dans les rues. Au printemps, quand le climat devenait agréable, ils allaient rêvasser, loin de la ville tentaculaire où les multitudes bigarrées et silencieuses s’adonnaient à leurs multiples tâches de fourmis. Ils passaient de longues journées en musique, en festins, en fumerie et en prière parfois. Lorsqu’ils pouvaient se procurer plusieurs véhicules, ils organisaient des courses de voitures et faisaient virevolter, déraper et rugir leurs tacots déglingués. Ce soir-là, chez Amad, après la dernière prière, Allem avait tiré de sa poche un petit sachet en plastique transparent et avait fait danser, à hauteur des yeux de ses amis, les petits comprimés rose rouge. ? demanda Fadhel, le plus jeuneQu'est-ce que c'est d'entre eux, avec sa petite voix d'ange. Ah, ça c'est un secret, susurra Allem, mais si tu veux essayer, à toi l'honneur.
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Fadhel secoua la tête et dit : Non, je ne veux pas être le premier. Il se méfiait toujours de Allem, qu'il détestait, au fond de lui, parce qu'il lui faisait un peu peur avec son visage aplati et trop brun, presque noir. Tant pis pour toi ! lança Allem à Fadhel d'un ton enjoué. Ces fleurs sont de première catégorie, dit-il en pointant son index vers les petits comprimés. Le rêve garanti. Le bonheur mou et nacré pour deux ou trois heures. Il ouvrit le sachet et le tendit à ses deux autres amis, Amad et Messad qui, l'un après l'autre, avec des doigts fébriles, prirent un comprimé puis un autre et les avalèrent, sans discuter, avec une gorgée du thé chaud posé devant eux sur une table basse en bois aggloméré, et servi dans des tasses de fausse porcelaine chinoise. Fadhel fut le dernier à se servir et n'avala ses comprimés que lorsqu'il vit que les yeux de Allem s'alourdissaient et qu'il se mit a fredonner une chanson d'amour frustré. L'effet des comprimés avait été immédiat sur les quatre amis. Une langueur tout ouatée les avait saisis d'abord, et qui peu à peu se transforma en rires saccadés et en une féroce envie de bouger, de sauter, de voler de faire éclater les murs de la chambre, qui leur semblait soudainement trop étroite. Ils se levèrent alors d'un bond, presque tous ensemble, comme mus par un ressort identique, et sortirent de la modeste villa trapue, peinte en vert froid, des parents de Amad, leurs mouvements échappant à tout contrôle. Ils grimpèrent dans la grosse Niva en riant fort et démarrèrent en quatrième vitesse. Feu rouge. Amad le vit de loin. Une longue file de voitures commençait à s'arrêter devant lui. Il accéléra, slaloma entre les véhicules butant en marée lente contre la digue invisible du feu rouge. Il avait la tête rejetée loin vers l’arrière et son corps glissait contre le siège de vieux
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cuir. Allem et Messad, à travers les vitres baissées, insultaient les automobilistes : Fils de chiens ! Nous vous ferons tous sauter la cervelle ! Amad passa en trombe au rouge, faillit percuter deux ou trois véhicules, jeta un coup d'œil au rétroviseur et vit une immense rangée de phares, comme le regardant avec ébahissement : Enfoirés ! cria-t-il, tout en tirant à fond sur le frein à main. La Niva tourna sur elle-même puis Amad accéléra et se précipita vers le flot de phares qu'il avait laissé derrière lui et qui lui faisait face maintenant. Enfoirés ! Fils de chiens ! Puis de nouveau, à quelques mètres à peine de la barrière de lumière jaunâtre, il fit virevolter sa voiture en tirant encore sur le frein à main à fond, et repartit à toute vitesse, droit devant lui, suivi par un fleuve de voitures vrombissant et klaxonnant. Amad fonça vers les souks informels de la ville haute. Une foule compacte flânait dans les rues. C’était toujours comme cela à l’approche des fêtes : les familles sortaient en masse pour acheter tout ce qui pouvait l’être. Infestée de ploucs, la ville haute ! Sentent la tourbe et les épices ! hurla Messad. Et pleine de femmes. DesfemmeVous avez vu,s ! hein, il y en a vraiment plein et de tout âge ! cria Allem. Amad s'arrêta brusquement. Il avait vu deux grosses dames respectables marchant sur le bord de la chaussée. dit-il. On les kidnappe et on se paye du bonVite ! temps ! Les quatre jeunes gens descendirent de la Niva et se saisirent violemment des deux femmes qui se mirent à hurler de toutes leurs forces. Ils essayèrent de les pousser vers la voiture, mais ils ne le purent pas. ! hurlait Fadhel,Montez, salopes, putains, traînées
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dont la face angélique était toute contorsionnée par la colère et le désir soudain de chair féminine qui s'était emparé de lui. On ne va pas rester puceaux jusqu'à la fin de nos jours! riait furieusement Messad. Les deux femmes avaient glissé par terre en pleurant. De partout se précipitèrent des hommes vers les quatre amis : Lâchez ces femmes ! Voyous ! Dégénérés ! Amad passa sa main dans les touffes de sa barbe naissante ; il avait senti le danger malgré le désir qui l'aveuglait et se mit à crier a l'adresse des deux femmes en robes strictes : Couvrez-vous, espèce de mécréantes dévergondées ! Plusieurs passantes aidaient les deux femmes à se relever et à se remettre de leur émotion, tout en lançant aux quatre jeunes gens insultes et imprécations. Un géant aux yeux légèrement bridés se pencha sur eux, menaçant : Foutez le camp ou on appelle la police ! Amad répliqua: Oui, c'est ça, appelez la police! Elle peut plus rien faire la police ! Elle trop occupée avec ce qui se passe. Puis il monta dans la Niva, suivi par ses amis et démarra en trombe en lançant des insultes à l'adresse de la foule. La voiture remonta la rue des Vents puis s'engagea dans la rue Yalat. Amad remarqua un taxi flambant neuf. À l'arrière, il y avait deux jeunes filles, strictement voilées d’un foulard multicolore, et dont les yeux sombres brillaient comme des micas dans la pénombre du taxi. Suivons-les ! lança Fadhel. À qui tu le dis! répliqua Amad par dessus son épaule à l'adresse du visage angélique que le désir rendait méconnaissable. Au bout de quelques instants, le chauffeur de taxi sembla remarquer que les quatre jeunes gens le suivaient ; il accéléra, mais la Niva continuait à le talonner. Les jeunes
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filles, à l'arrière de leur voiture, se retournaient pour vérifier si elles étaient toujours suivies, puis parlaient au chauffeur de taxi. Amad et Allem leur faisaient de grands signes et leur envoyaient des baisers, tout en riant comme des fous. Le taxi bifurqua soudainement vers la rue Maniyya et Amad le suivit dans un grincement d'essieux. Il essaya de doubler la voiture et fit des signes aux jeunes filles qui se mirent à rire entre elles. Ça y est, ça marche! dit Allem. Oblige-les à s'arrêter et on les prend avec nous. De force. On assomme le chauffeur et à nous le paradis, ici et maintenant. Le chauffeur de taxi faisait semblant de ne rien voir. Une des deux jeunes filles se pencha vers lui et lui murmura quelque chose à l'oreille; il hocha la tête, tourna brusquement à la première rue à droite puis à gauche et disparut dans un dédale de villas blanches, grimpant le long d’une rue étroite, et bordées de jasmin et de bougainvillées. Les quartiers chics de la ville. Amad n'eut pas le temps de réagir. Il freina sec, fit une marche arrière acrobatique, perdit du temps pour tourner dans la rue qu'avait prise le chauffeur de taxi et se rendit à l'évidence: les deux jeunes filles leur avaient échappé. Merde! jura-t-il en frappant le tableau de bord du poing, puis il s’engagea dans une rue en pente, toute crevassée, qui faisait face au cimetière de Benour, dont les tombes blanches, à flanc de colline, luisaient faiblement à la lumière blafarde des lampadaires de la rue. La vie côtoyait la mort à Dorrah depuis des années maintenant. Ils roulaient depuis longtemps maintenant. Il commençait à se faire tard. Les rues se vidaient peu à peu de leurs voitures. On n’était jamais assez prudent, avec toutes ces rumeurs de bandes armées descendues des montagnes. L'aiguille du réservoir d'essence du 4x4 indiquait zéro. Amad cherchait des yeux une pompe à essence. Messad en vit une sur la droite et l'indiqua à
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