Le carré des indigents écrou 21288
134 pages
Français

Le carré des indigents écrou 21288 , livre ebook

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134 pages
Français

Description

Le bonheur est simple, évident, silencieux. Le malheur est terrifiant, incompréhensible, fracassant. La vie bascule vite de l'un à l'autre, sans préavis. En prison, il faudra s'accommoder du crime et du néant. Le remords et l'isolement saccageront, sans ménagement, le peu d'humanité restant. De la cellule 527, un homme parle tout seul. Personne ne l'entendra.

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Informations

Publié par
Date de parution 02 décembre 2016
Nombre de lectures 4
EAN13 9782140024832
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

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Dominique BohPetit
Le carré des indigents écrou 21288 Roman
La Justice au Quotidien
Le carré des indigents écrou 21288
Dominique Boh-Petit Le carré des indigents écrou 21288
© L’Harmattan, 2016 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-10571-0 EAN : 9782343105710
« Ce que je veux dire, c’est qu’elle avait des yeux où il fai-sait si bon vivre que je n’ai jamais su où aller depuis. »
La promesse de l’aube.Romain Gary
1 J’aime : le fond d’écran de ton ordinateur, la douce lumière qui éclaire ta salle de bains, ton écriture sur une enveloppe, le désordre de ta chambre, ta manière d’assaisonner la salade, l’odeur de tes cheveux, ta main sur mon front, ton sourire, tes combats passion-nés, ta voix, ta force, tes amis, ton métier et ton élégance surtout.
Le premier soir, des paillettes dorées brillaient sur ton décolle-té. Un de tes amis l’a remarqué, t’interpellant, il prétendait que tu n’avais pas besoin de cet artifice pour briller. De ma place, j’ai osé ajouter que tu étais, peut-être, une séductrice. Tu n’as rien répon-du. J’ai été séduit, tout de suite.
Tu m’as plu tout entière : ton épaisse chevelure, tes seins que je devinais, ta taille fine que très vite j’ai prise dans mes mains, tes longues jambes moulées dans un jean parfaitement coupé, tes fesses… Tu étais entourée d’amis, votre complicité était belle, aus-si. Un peu étourdi par l’alcool, j’ai osé te prendre dans mes bras et danser avec toi. J’ai compris que je ne te lâcherai plus. Jamais.
Dans la nuit, tu m’as entraîné dans un minuscule appartement, à deux pas du bar où nous avions passé une bonne partie de la soirée à boire et nous amuser. L’image que je garde de cette intimi-té soudaine est singulière, celle de tes escarpins posés sur le rebord de la fenêtre de cette chambre toute blanche et presque vide. Les réverbères de la rue éclairaient la pièce. Je ne sais plus exactement comment les choses se sont passées ensuite, je ne sais plus rien d’autre que l’intensité de cette nuit-là.
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À notre réveil, nous étions collés l’un à l’autre, alors que nous ne nous connaissions à peine. J’étais sans conscience. Il m’a fallu du temps pour savoir que j’avais existé avant, qu’il fallait que je retourne dans ma vie. Tu dormais, les cheveux en bataille, les épaules, délicatement puériles, posées sur un oreiller blanc. Je t’ai embrassée encore et tu as ouvert les yeux sur moi. Ton visage, si doux, si pâle s’est illuminé. Ton regard m’a transpercé, j’ai senti comme une douleur. Tu m’as dit tout bas que tu voulais rester moi.
Au petit matin, seul dans la rue, j’ai fumé, espérant me calmer un peu. J’étais abasourdi et désorienté. Je ne pensais qu’à toi. Des événements de la journée, il ne reste rien que le souvenir d’être revenu, dès la nuit tombée, t’attendre au bar où je t’avais rencon-trée la veille. Noël était si proche que je n’ai revu personne et sur-tout pas toi, je suis rentré. Tu me manquais. Ton souvenir me pre-nait le ventre, cognait contre mes tempes, accélérait mon rythme cardiaque.
Après une nuit sans sommeil, assis devant mon bol de café, j’ai compris que tu m’occupais. J’étais sans souffrance, sans reven-dications, sans peur. Ton existence me rassurait. La fête de famille est passée bien vite. Il a neigé, la ville était immaculée. Le ciel bleu était immense, tout étoilé la nuit. Le froid me piquait le corps. Je sentais ma vie dans mes veines, mon entourage intrigué me voyait si différent. Notre rencontre m’avait métamorphosé, je ne donnais aucune explication. Je vivais un enchantement.
Rien ne me préoccupait, je marchais sur la terre avec aisance et certitude. Mon cerveau se laissait vivre et c’était bon. Ton re-gard me suivait, je n’étais plus seul. J’étais avec toi. Ma sensation de plénitude était si confortable que je n’éprouvais pas le besoin de communiquer avec les autres, je gardais tout pour moi. Je ne pouvais dire ce que je ressentais ou même expliquer ce qui se pas-sait. En une seule nuit, ma vie avait basculé dans la tienne et j’étais heureux.
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Plus rien d’autre ne comptait à présent. Les jours suivants, j’ai dormi, mangé, travaillé, chanté, lu et rêvé. La tête à l’envers, j’ai perdu mes clés, oublié ma voiture dans un parking, manqué des rendez-vous que je pensais si importants. J’étais accaparé par toi. Mon existence était un monologue intérieur. Je te parlais beau-coup, tout le temps, je me racontais à toi, les mots venaient natu-rellement, j’osais tout te dire. Tout ce que j’accomplissais au cours de la journée, c’était sous tes yeux. Tu me regardais vivre. J’entendais en écho le son de ta voix restée dans ma mémoire. Ta présence multicolore mettait de la couleur dans mon existence. J’étais complètement envahi par toi. Je connaissais ton prénom et ton adresse, je t’ai donc écrit. La rédaction de trois lignes m’a occupé deux jours durant. Impossible de me décider entre te proposer de prendre un verre ou de vivre avec moi. Pour mettre fin à mon dilemme, j’ai choisi de te deman-der de dormir avec toi la nuit suivante. Arrivé dans l’immeuble où nous nous étions retrouvés quelques jours plutôt, je n’ai pas trou-vé trace de ton prénom sur les boîtes aux lettres. Tu n’habitais donc pas là. Je n’avais que deux indices, ton prénom et toute la géographie de ton corps imprimée dans ma tête. J’étais parfaite-ment bien armé pour te retrouver. Je me suis installé au comptoir du bar où nous nous étions rencontrés. J’ai eu raison de ne pas m’inquiéter parce que le gar-çon, aussitôt ton prénom prononcé, m’a proposé tout simplement et sans que je le lui demande, de me communiquer ton numéro de téléphone. Dans un gros cahier portant le nom de l’établissement sur la couverture sont inscrites en désordre les coordonnées télé-phoniques des habitués du lieu. Ton numéro enregistré, je t’ai en-voyé un message. La réponse a été instantanée : rendez-vous demain treize heures à la cathédrale. Le lendemain, je me suis levé à l’aube, déci-dé à me rendre sur place. D’ordinaire, je ne vais pas dans les églises. L’envergure du lieu m’a impressionné et inquiété en même
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