Le ventre de l arbre
165 pages
Français

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Le ventre de l'arbre , livre ebook

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Description

Un récit poétique aux marges de la rêverie hallucinée fait le portrait d'une femme fragile portée par l'amour d'un arbre, entre féérie et réalité : femme d'une bonté profonde visitée par la tentation du mal ; femme sensible à tous les souffles de la vie... Une très vieille femme aux portes d'une mort paisible dresse le bilan d'une vie intense où la nature vibre de tous ses oiseaux, de toutes ses fleurs , de toutes ses eaux.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2005
Nombre de lectures 92
EAN13 9782336275000
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2005
5-7, rue de l’École-Polytechnique 75005 Paris — France
L’Harmattan, Italia s.r.l. Via Degli Artisti 15 10124 Torino L’Harmattan Hongrie Hargita u. 3 1026 Budapest
9782747580663
EAN : 9782747580663
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Ouvrages du même auteur Dedicace PROLOGUE CHAPITRE UN CHAPITRE DEUX CHAPITRE TROIS CHAPITRE QUATRE CHAPITRE CINQ CHAPITRE SIX CHAPITRE SEPT CHAPITRE HUIT CHAPITRE NEUF CHAPITRE DIX CHAPITRE ONZE CHAPITRE DOUZE CHAPITRE TREIZE CHAPITRE QUATORZE EPILOGUE Ecritures
Le ventre de l'arbre

Anne Labbe
Ouvrages du même auteur
« Cheval-Soleil » Le livre de poche jeunesse Hachette
A paraître : Contes et légendes du pays des mille étangs Editions Royer
Pour Céline, danseuse de corde, actrice muette, cordeliste, apprentie-violoncelliste, toujours en recherche de la perfection.
Roman écrit d’après le spectacle de Céline Perrot : « Un pan de jour - Inachis Io », fable circassienne pour une “Mort”, une “funambule”, un “Cheval”, un “Lutin”, un “Arbre” et des “violons”.

Spectacle mis en scène par Raymond Peyramaure.
La chanson « Un champignon rose » a été écrite par Raymond Peyramaure, poète anarchiste, sans qui rien de tout cela n’aurait existé.
« Saviez-vous que les arbres parlent ?
Ils le font, cependant.
Ils se parlent entre eux, et vous parleront si vous écoutez. »
Iatanga Mani,
Indien Stoney
PROLOGUE
La Mort se faufile sous les branches. Elle offre aux rayons de la lune son long visage d’écorce, et balance son corps drapé d’étoffe noire. Elle est grande, très grande. Elle marche à pas raides, un peu hésitants. On pourrait la croire montée sur des échasses. Des vibrations subtiles me préviennent de son approche. Avertie par mes instincts les plus profonds, je devine que c’est elle.
J’ai presque cent ans, je crois. Je ne sais plus très bien. A mon âge, en tout cas, la Mort n’a plus grand chose de redoutable. Elle va prendre son temps, tourner autour de ma maison, qu’importe, je serai prête. Elle vient de m’enlever l’être qui m’était le plus cher au monde. Au fond, je préférerais qu’elle se hâte. Puisqu’elle a volé mon âme, ma sève, mon sang, oui, il vaudrait mieux qu’elle se dépêche. Je le croyais indestructible. Je savais pourtant depuis toujours que c’était un être vivant ; que tous les êtres vivants, sans exception aucune, finissent par mourir. Même ceux que l’on voudrait croire éternels. Mais pourquoi ne m’a-t-elle pas emportée avant lui  ? N’en avait-elle pas le pouvoir ? Etait-ce l’ultime épreuve ? Voulait-elle une nouvelle fois prendre la mesure de ma force d’âme ?
La Mort vadrouille, nonchalante, plutôt sympathique. Reposante. La nuit, elle frôle les murs délabrés, juste derrière ma chambre. Elle tâte imperceptiblement les pierres, à la recherche de la brèche par laquelle, l’heure venue, elle se glissera pour venir caresser mon front ridé. Je la devine, je l’imagine, je ne la vois presque jamais. Aurai-je le courage de la regarder en face ?
Depuis deux ou trois ans, je soupçonnais qu’ il n’allait pas bien. Je ne me rappelle plus exactement quand l’inquiétude a commencé à me tarauder. C’était un printemps en tout cas. J’ai l’habitude de lui rendre une visite quotidienne. Aujourd’hui encore, bien qu’ il ne reste plus de lui qu’un squelette muet. J’espère qu’ il m’entend, au moins, même s’ il ne peut pas me répondre. La première fois que j’ai senti la peur serrer ma poitrine, le changement n’était qu’imperceptible. Mais je le connaissais si bien... Mon intuition ne m’avait pas trompée. Au printemps suivant, ses petites feuilles neuves sont restées recroquevillées beaucoup trop longtemps au fond de leurs bourgeons. La moitié des branches est restée nue. L’année dernière, il s’est essoufflé davantage. Quelques branches portaient encore des feuilles ratatinées, d’un vert bizarre, un peu pâle, marbré de jaune. Il parvenait encore à me parler lorsque j’appuyais mon oreille contre son tronc rugueux adouci par la mousse. Mais d’une voix si rare, si sèche, si ténue, que je ne pouvais plus me bercer d’aucune illusion. Tout l’été durant, j’ai passé des heures et des heures auprès de lui , à le caresser, à le consoler, à le supplier de me laisser partir avant lui . J’ai senti l’écorce sonner creux, là, tout contre son pied, et j’ai compris qu’un mal terrible le rongeait de l’intérieur. Je crois qu’ il devinait ma détresse, et qu’ il aurait voulu me protéger. Pourtant, c’était désormais hors de son pouvoir. Oh ! Toutes ces années durant lesquelles ses branches m’avaient bercée, m’insufflant leur force vive, ravivant l’ardeur de mon sang et les forces de mon esprit ! Toutes ces années durant lesquelles il portait ma vie sur les ailes du rêve et de la réalité !
La Mort approche à pas veloutés, enveloppée d’un sombre manteau, avec son visage d’écorce sans yeux, sans nez, sans bouche, sans oreille... Son visage sans visage.
Aujourd’hui, il n’est plus... Plus rien d’autre qu’un cadavre de bois, avec des branches tordues. Au début du printemps, j’ai passé des journées entières, sous les dernières neiges, sous le souffle du vent, sous la chanson de la pluie, sous les premières caresses du soleil, à guetter l’apparition des bourgeons. Rien n’est apparu. Jusqu’en juin, j’ai espéré. Si j’avais cru en Dieu, peut-être aurais-je prié. Mais il y a beau temps que j’ai compris que Dieu n’exauce jamais les prières. Que seule notre force intérieure parvient à franchir les obstacles. Prier ? Trop facile. La vérité, c’est que nous devons passer notre vie à nous battre pour réaliser nos désirs et surmonter nos souffrances. Maintenant, voici les premiers jours de juillet. Il ne ressuscitera pas. A quoi bon se leurrer ? Je vais devoir apprendre à supporter cela aussi, jusqu’à ce que la Mort prenne pitié de moi. Car désormais, plus rien ne viendra égayer ma vie solitaire. Peut-être des personnes souffrantes monteront-elles encore du village dans l’espoir que j’apporte un soulagement à leurs peines. Je ne pourrai rien de plus pour elles que de leur offrir quelque banale tisane. Je ne leur mentirai pas. Car c’était en lui que je puisais ma force de guérisseuse. C’était lui qui me dictait les secrets. Et il ne me parle plus. La voix de sa sève s’est tue. A son pied, l’écorce s’est arrachée, dévoilant un trou béant. Il est devenu source de vie pour les insectes xylophages. Source de vie pour les oiseaux mangeurs d’insectes xylophages. Malgré tout, il tient encore debout, et la montagne semble le protéger de son ombre douce.
La Mort a un long visage d’écorce. Où l’a-t-elle volé ? N’est-ce pas un morceau de son écorce qui lui sert de visage ? Me parlerait- il encore, à travers le visage de la Mort ? Est-ce ce visage d’écorce qui donne à la Mort cet aspect paisible qui m’envoûte ?
En bas, ils me surnomment « la Vieille de la Montagne ». Ils chuchotent à mon sujet des secrets dont j’ignore tout. L’été, ils m’envoient les touristes. Je ne sais pas ce qu’ils peuvent leur raconter. Je dois faire partie d’un certain folklore. Je ne suis pas dupe. Je leur apparais sans doute comme un être bizarre. Ni tout à fait humaine, ni tout à fait animale, peut-être un peu végétale. Quels étranges pouvoirs peuvent-ils m’imaginer ? Qu’importe ! J’utilisais les forces des plantes, et le pouvoir des mains. Les plantes peuvent beaucoup. Le pouvoir des mains m’avait été transmis par ma mère. Mais c’était lui qui m’insufflait l’énergie nécessaire. C’est fini. Je n’irai plus cueillir les simples après l’aurore, juste à l’heure où s’évapore la rosée. A quoi bon ? On trouve partout des livres qui divulguent au premier lecteur venu les vertus des fleurs. Il suffit de prendre la peine de les lire. Le monde n’a plus besoin du savoir des vieilles femmes. Il me reste, sur mes étagères, assez d’onguents et de plantes séchées pour le peu qui me reste à vivre.

Quelques jours ? Quelques semaines ? La Mort est apparue pour me prévenir. Il est temps que je me prépare.
CHAPITRE UN
La nuit s’est posée sur la montagne. Le crépitement des braises me berce, petite musique familière. Je suis allongée sur mon lit, bien détendue. Mon vieux matelas de laine est un peu creux au milieu. Il a pris tout juste la forme de mon corps. Je m’y sens en sécurité. J’écoute, et la nuit me parle. Le sommeil tarde à venir ; j’aime ce long silence, cette tiédeur tranquille. C’est l’heure où mon esprit s’ouvre aux souvenirs, où les images reviennent. L’heure des rêves éveillés et volontaires. Je ferme les yeux, je pose doucement les paumes de mes mains sur mes paupières, jusqu’à ce qu’un flux de chaleur vienne détendre mon visage. Les images se forment, s’entrecroisent, galopent, virevoltent, aussi fraîches et nettes q

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