Les voies sécantes
243 pages
Français

Les voies sécantes , livre ebook

-

243 pages
Français

Description

Marc, un jeune minéralogiste, à l'occasion d'un séjour à Rabat, fait la connaissance d'un groupe qui l'attire, le fascine, un certain Bob, homme un peu plus âgé que lui, qui est son mentor, Inès, une femme peintre, séduisante et mystérieuse, ainsi que leurs nombreux amis et connaissances. Au moment de revenir en France, il cherche à faire le point, en s'aidant de ses souvenirs et d'un journal que lui a laissé Bob. Le récit de Marc et le journal racontent à leur tour les péripéties d'un séjour que Marc n'est pas prêt d'oublier.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2007
Nombre de lectures 232
EAN13 9782296165694
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Marc AJRAM
Les voies sécantes
L'HarmattanEcritures
Collection dirigée par Maguy Albet
Déjà parus
Alain LORE, À travers les orties, 2007.
Nicole Victoire TRIVIDIC, Pleure, 2007.
Liliane ATLAN, Même les oiseaux ne peuvent pas toujours
planer, 2007.
Liliane ATLAN, La bête aux cheveux blancs, 2007. Les portes, 2007.
Liliane ATLAN, Petit lexique rudimentaire et provisoire des
maladies nouvelles, 2007.
Liliane ATLAN, Les ânes porteurs de livres, 2007.
Hanania Alain AMAR, Le livre inachevé et autres textes, 2007.
Thomas KARSENTY-RICARD, Les poings serrés, 2007.
Geneviève CLANCY et Philippe TANCELIN, La question aux
pieds nus, 2007.
Marie GUICHARD, Le vin du souvenir, 2006.
Pauline SEIGNEUR, Les bonnes intentions, 2006.
Michelle LABBÉ, Le bateau sous le figuier, 2006.
Giovanni RUGGIERO, Tombeau de famille, 2006.
Jacques BIOULÈS, La Petite Demoiselle & autres textes,
2006.
Pierre FRÉHA, Sahib, 2006.
Françoise CLOAREC, Désorientée, 2006.
Luigi Aldino DE POLI, Bel Golame, 2006.
Manuel PENA MUNoz (trad. de l'espagnol (Chili) par Janine
PHILIPPS et Renato PA VERI), Sud magique, 2006.
Maurice RIGUET, Unfuyard ordinaire, 2006.
Eric RODRIGUEZ, Sur les chemins du Honduras et de Bora
Bora, 2006.
Elaine HASCOËT, La file use de temps, 2006.
Serge PAOLI, L'astre dévoré, 2006.
Janine CHIRP AZ, La violence au cœur, 2006.
Lucette MOULINE, Sylvain ou le bois d'œuvre, 2006
Paul ROBIN (t), La guerre de mouvement, 2006.
Jean-Marc GEIDEL, Le voyage inachevé, une fantaisie sur
Schubert, 2006.
Léa BASILLE, La chute de Josef Shapiro, 2006.
AICHETOU, L 'Hymen des sables, 2006.JOURNAL DE BOB: DU 12 AU IS
SEPTEMBRE
12 septembre, 8 heures du matin
Autrefois le train battait une cadence. Ce matin, il me
berce. J'attends un départ. Aura-t-il lieu ? Je veux une distance
entre le regard d'Inès et le mien, un écart entre sa voix et mes
lèvres. Je pars au point de non-retour.
Adieu, départ, un mot, un acte. Illusion ou imprudence,
nous avons parlé. Aujourd'hui, je dois faire ce que nous avons
dit. Faire, c'est fuir.
Quatre heures de train, en première. Seul ou presque. A
l'autre bout du compartiment, deux messieurs vêtus de gris
plongent le nez dans leurs dossiers. Ils énumèrent les gens qu'il
faut décider ou séduire, convaincre ou suborner.
Le train s'arrête. Ils rangent leur portable, se lèvent,
époussettent leur veston froissé par d'innombrables réunions.
Ils me saluent d'un petit coup de menton. Ils ont raison. Je suis
des leurs.
J'avais dit deux mots avant de me lever:
- Au revoir.
- Au revoir, avait-elle répondu en se levant à son tour.
Deux mots venaient de nous séparer.
5Le train repart. Les immeubles montent vers un ciel que
je ne peux voir. Des arbustes rabougris passent sous mon
regard, immobiles, figés dans la poussière et les détritus. Du
linge pendu entre deux fenêtres expose l'impudeur de la
pauvreté. Une femme accoudée regarde au loin. Les toits lui
cachent l'océan.
12 septembre, onze heures du matin
Les heures s'allongent soulignées par une plaine qui
s'étend à l'infini. Nous traversons des bourgades rares, aux murs
de pisé. La voie coupe d'un trait rectiligne des terres grises ou
ocre. Un pick-up qui brinquebal~it sur une piste à peine
dessinée entre les pierres s'est arrêté devant le train. Le
chauffeur est descendu de son véhicule. La main sur la portière
entrouverte, il fume une cigarette et nous regarde passer.
12 septembre, midi
Le contrôleur me rappelle que nous arriverons à
Ksarouidane dans une heure. Nous échangeons quelques mots.
L'intimité du voyage commence et finit entre deux gares.
Inès. Que fait-elle à présent?
13 septembre
J'ai refusé les guides qui s'offrent aux visiteurs dès la
sortie de l'hôtel. J'ai pénétré dans la vieille ville jusqu'aux rues
où les boutiq"ues laissent place à des maisons cacllées sous des
murs fendus de minces lucarnes comme autant de regards
miclos sous une bure. Je m'arrête au bord d'une échoppe. Le
vendeur est un jeune homme mince et nonchalant au teint pâle
et aux yeux rieurs. Il sort la tête de sa boutique et lance un ordre
bref. Un garçonnet disparaît et revient portant un verre de thé.
Le jeune homme désigne un tabouret minuscule posé sur le
seuil :
6- Tu es chez toi, dit-il.Je m'appelle Ismail.
- Moi, Boubker. Tout le monde m'appelle Bab.
L'air est immobile, imprégné de cuir frais. Les
babouches empilées débordent des étagères.
- Tu viens de loin ?
Je ne réponds pas.
- De France ou d'Allemagne?
Je souris.
- Un jour, je vais partir, dit-il après un silence.
-Où?
- En Europe. Tu parles bien l'arabe, avec un accent,
mais tu le parles!
- Oui, je le parle de temps en temps.
J'ai la paresse d'expliquer que j'ai vécu longtemps en
France et que j'ai fini par ressentir le mal du pays.
- Mais toi, Ismail. Explique-moi: pourquoi veux-tu
partir? Tu ne gagnes pas ta vie ici?
- L'argent, ça va ; mais je veux voir d'autres gens! Ici,
ciest la routine.
La voix du jeune homme est calme, ses gestes mesurés.
Son sourire ne le quitte pas. Très loin, un petit poste de radio
diffuse une chanson.
- Tu aimes cette chanson? demande Ismail.
- Elle est triste.
- Elle est triste comme l'amour.
Là-dessus, il se met à rire.
Je viens à peine de faire quelques pas dans la ruelle
qu'Ismail me rattrape:
- Monsieur Bab, c'est pour toi.
Il me tend une paire de babouches enveloppées dans un
sac plastique.
- Pourquoi ce cadeau?
- Pour le souvenir de moi. Un jour, je te reverrai.
7A l'hôtel, le gardien de nuit avise le sac:
- Tu as acheté quelque chose?
- Le marchand m'a offert une paire de babouches. Je ne. .
saiS pas pourquOi.
- Aujourd'hui, il te fait un cadeau. Demain, ce sera ton
tour. Tu pourras l'aider s'il veut partir.
Je lui explique que je veux louer une bicyclette. Il
m'écoute, les yeux pensifs:
- Viens!
14 septembre
A six heures du matin, le veilleur de nuit m'attend, un
vélo à la main. Il vient de regonfler les pneus. Il essaie les freins
devant moi.
Je longe les remparts, laisse à main droite la route des
montagnes. Les noms des villages inscrits sur les panneaux
indicateurs m'ont rappelé les randonnées de mes quinze ans.
Nous habitions en France. C'était l'été, les vacances.
Je m'arrête dans le premier jardin que j'ai traversé. L'eau
bruit dans des rigoles maçonnées. J'ai posé mon vélo contre le
tronc d'un olivier, marché sous les chants d'oiseaux. Près d'un
mur éboulé, j'aperçois une longue robe bleue immobile devant
un chevalet. Mon cœur bat la chamade. Je m'en approche.
- Vous vous êtes égaré? dit le peintre en posant le
pinceau sur la palette.
C'est un homme âgé, au visage émacié, aux cheveux
gris. La voix est douce, l'articulation parfaite. Le regard intense
et pâle me rappelle celui d'Inès:
- Pardonnez-moi! J'ai une amie qui est peintre et qui
porte une tenue comme la vôtre. J'ai cru la voir.
- Oh ! Une coïncidence.
Il laisse échapper un petit rire inquiet.
- Je dois venir très tôt, explique-t-il. Je préfère la
lumière oblique, celle du matin ou du soir. Tous les jours, je ne
8travaille que dix minutes. Le jour écrase les couleurs. C'est
terrifian t.
Sur ces derniers mots, il tressaille.
Je ne suis jamais entré dans l'atelier d'Inès. Je sava!s
qu'elle m'aurait opposé un refus.
Depuis l'aube, les remparts réverbèrent la chaleur du
soleil qui n'a pas encore atteint le zénith. Par des petits escaliers
creusés dans le sol, j'ai grimpé jusqu'aux terrasses où les
tanneurs font sécher des peaux après les avoir laissé tremper
dans des bacs circulaires gainés d'argile. Ils me saluent, debout,
torse nu. La teinture dégouline sur leurs bras et sur leurs
mollets. Leurs lèvres sont sèches et leur visage mangé de barbe.
C'est l'heure de la pause. Ils s'assoient sur une natte, au fond
d'une grotte aménagée dans le rempart et protégée par une
pièce de toile. Ils m'offrent un verre de thé que j'accepte, un
morceau de pain rond que nous trempons dans une assiette
pleine à ras bord d'huile d'olive.
Quand elle travaille - elle ne dit jamais qu'elle peint - ,
Inès est prise de fringale. Son atelier e

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents