M COMME DURAS   ROMAN
224 pages
Français

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M COMME DURAS ROMAN , livre ebook

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Description

Nourrir une énigme policière à l'oeuvre de Marguerite Duras, il fallait oser! Deux hommes sont morts. Le commandant Ange Giuliani sait désormais comment. mais sait-il vraiment pourquoi ? Le procès de Maud Fournier est imminent. Jusqu'à quel point est-elle coupable ? Une écriture rythmée, acérée et résolument moderne, où l'auteur nous mène de Saigon, à Nouméa, à Duras... Duras, où la petite Marguerite Donnadieu vécut un temps et dont elle s'est souvenue au moment de se choisir un nom de plume..

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2011
Nombre de lectures 91
EAN13 9782336250007
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296139749
EAN : 9782296139749
Sommaire
Page de Copyright Du même auteur Page de titre Prologue I II III IV V VI VII VIII X X XI XII XIII XIV Epilogue Écritures - Collection fondée par Maguy Albet Directeur : Daniel Cohen
Du même auteur

Romans
Liens mortels en Pays de Serres , Éditions du Bord du Lot, Villeneuve sur Lot, 2006.
Saphir Bonheur , Éditions du Bord du Lot, Villeneuve sur Lot, 2008.
Fenêtre sur Lot, Pleine Page Éditeur, Bordeaux, 2009.

Nouvelles
Contes d’une chatte perchée, nouvelles érotiques, Éditions du Bord du Lot, Villeneuve sur Lot, 2010.
À Dien Bien Phu, nouvelle lauréate du concours de nouvelles, Éditions du Barrage, Bordeaux 2010.
M COMME DURAS ROMAN

Emilie Kah
Ainsi finissent nos secrets dès qu’on les porte à l’air et en public. Il n’y a de terrible en nous et sur terre et dans le ciel peut-être que ce qui n’a pas été dit. On ne sera tranquille que lorsque tout aura été dit, une bonne fois pour toutes, alors on fera silence et on aura plus peur de se taire.
Ça y sera.
Louis-Ferdinand Céline
Prologue
P ourquoi vous écrire, madame Fournier, plutôt qu’écrire encore sur vous ? Des pages et des pages de mon carnet personnel, celui qui m’accompagne durant chacune des enquêtes qui me sont confiées, vous concernent. J’ai rédigé et transmis au Parquet un rapport de plusieurs dizaines de feuillets sur votre affaire. Ma mission d’officier de police judiciaire est terminée. Et je serais encore préoccupé de vous ! D’où me vient ce besoin irrépressible de me frotter encore et encore à vos mystères, de me coltiner à vous ? Pourquoi aller jusqu’à ce corps à corps ?
I
Q uand votre affaire commence-t-elle ? Ce jour d’automne, au marché d’Astaffort ? Bien avant, dans cette attente si longue, si consentie, que vous en avez perdu jusqu’à la notion même ?

Ce qu’il y a à voir au milieu des étals, en dehors des canards gras, dont le cou enrubanné de rouge pend des tables, vous ne le voyez pas. Comme souvent, vous voyez sans voir. Surtout qu’il pleut, ce qui, on le sait, perturbe la vision. Reste une sensation, sur laquelle vous ne mettez pas de mots, dont vous vous souviendrez plus tard. Vous êtes comme ça. À vous laisser imprégner par les choses et par les gens, au gré de la vie. Souriante, charmante, jamais hostile, au pire indifférente. Ayant compris, comme les marins, que la ligne droite n’est pas le meilleur chemin, vous prenez toujours par le biais. Vous parvenez ainsi, en toutes circonstances, à être celle qui convient. Ayant amadoué votre douleur, vous la vivez sans souffrance. Sans vanité. Là sont votre intelligence et votre lucidité.

Vous portez un très vieux trench, encore beau, qui, à lui seul, vous raconte. Votre chapeau de pluie goutte. Vous vous dépêchez. Qui pourrait s’intéresser à vous, dont la silhouette un peu lasse semble dire la fatigue de vivre, mis à part ceux qui vous connaissent et auxquels vous rendez leur salut ? C’est pourtant ce qui survient : quelqu’un s’intéresse à vous. Bougrement même… Trop habitée, trop perdue dans vos pensées, pour remarquer qu’un homme, portant chapeau lui aussi, jette des regards furtifs dans votre direction. Vous achetez votre poisson, attentive à ce que vous dit le marchand. Très attentive même. Trop attentive pour l’écouter vraiment. Car vous êtes rêveuse, Maud Fournier. Être là, vraiment présente à ce qui vous entoure, à ce que vous vivez, n’est pas dans votre façon d’exister. D’ailleurs existez-vous vraiment ? Il vous arrive d’en douter. Est-ce que flotter, c’est exister ? Vous vous absentez. Pour un oui, pour un non. Pour quoi ? Pour où ? Allez savoir. S’il arrive qu’on vous pose ces questions : pour rien, pour nulle part, répondez-vous. Quelque chose que vous avez su, mais que vous avez oublié. Il y a si longtemps. Non vraiment, vous ignorez quand vous avez commencé à vous mettre en partance. C’est venu subrepticement. Au début dans des occasions particulières. Lesquelles ? Vous êtes incapable de le préciser. Vous souvenir est un effort que vous ne souhaitez pas faire. Et puis très vite, à la moindre occasion. Il vous plaît de vivre sans mémoire. Pourquoi ? Pour rien, dites-vous, c’est ainsi depuis ma jeunesse. Je ne crois pas que je changerai. À l’importun qui insiste, vous ajoutez : laissez-moi, ne cherchez pas à me guérir. Ce n’est pas un mal, c’est une particularité. Ce n’est pas guérissable.

Vous vous hâtez. La pluie, les cabas ! Le marché est morne. Il y a bien cet étalage de chrysanthèmes jaunes... Vous vous arrêtez pour l’admirer. Peu d’acheteurs. Où sont passés les Anglais qui, cette dernière décennie, ont donné un coup de jeune au bourg ? On dit que le taux de change de la livre ne leur est plus favorable, que beaucoup sont retournés dans leur pays. Vous mettez vos achats dans le coffre de votre Alfa. Vous revenez sur vos pas. Il vous faut un chrysanthème. Pour la tombe familiale, puisque c’est jour de Toussaint. Trois ans déjà que votre mère a rejoint dans la mort Papou et Cousin Félix… L’homme au chapeau vous observe toujours.
Vous roulez. Vite retrouver la chaleur de votre salon, ses meubles anciens, ses tapis, ses porcelaines et ses laques ! Et boire un thé de Chine fumé. Vous aimez passionnément votre maison. Elle qui vous reste. D’ailleurs vous avez des copies à corriger, des dissertations de votre classe de terminale littéraire. Car vous êtes professeur de lettres au lycée Bernard Palissy d’Agen. Professeur agrégé. Vous adorez votre métier. Les heures que vous lui consacrez sont, depuis longtemps, les seules durant lesquelles vous vous trouvez en phase avec la vie. Dans une salle de cours, vous êtes là. Vous ressourcer à la jeunesse vous repose de vous-même. « Vous avez lu L’Amant et L’Amant de la Chine du Nord. De ces deux romans de Marguerite Duras, lequel préférez-vous ? Pourquoi ? » Vous aimez tout Duras, même ce que vous aimez moins, même ce qui vous agace. Vous aimez donc les deux livres, le bon et le moins bon. Votre avis est d’ailleurs sans importance. Il est intéressant et formateur pour des jeunes lecteurs de se poser des questions sur les différentes façons de raconter la même histoire. Les vacances de Toussaint commencent. Vous les passerez, vos quelques obligations familiales remplies, solitaire, dans le bonheur d’un unique travail à accomplir : lire et annoter les travaux de vos élèves. Vous cherchez dans la pile de copies, celle d’Armelle Pinto, la meilleure sans doute. Vous regardez longuement la fine écriture, serrée sur ce qu’elle a à dire. Vous lisez les premières phrases : « Les deux livres racontent la même histoire. Celle d’un amour qui commence sur un bac quelque part en Indochine, dans les années trente. Ce bac permet de franchir un fleuve en l’absence de pont. Voilà, les deux romans parlent de ça, de passage : d’une rive à une autre rive, d’un univers à un autre univers, d’une vie à une autre vie. Deux êtres, que tout sépare, se rencontrent à cause de ce bac, puisque tout le monde le prend, puisqu’il n’y a pas d’autre moyen de franchir cette eau jaune dans ce pays jaune. » Vous vous arrêtez . Que c’est bien dit ! À votre connaissance, Armelle Pinto n’est jamais allée au Vietnam. D’où sort-elle que les eaux épaisses du Mékong ont comme ses habitants la peau jaune ! À cause de cette remarque si inattendue, si littéraire, vous êtes prise de langueur. Vous vous appuyez au dossier de votre bergère. Vous posez la copie sur vos genoux, tirez votre pull-over des deux mains sur votre ventre — une manie qui vous reste de l’enfance et qui déforme tous vos vêtements. Les yeux fermés, vous imaginez votre élève sur le bac, avec le chapeau d’homme « en feutre-souple-couleur-bois-de-rose-avec-large-ruban-noir ». Vous la voyez. Comme le chapeau lui va bien ! À la rendre presque jolie ! Après, vous êtes Armelle Pinto, vous avez seize ans comme elle. Pour finir, vous êtes la jeune fille du bac. Celle qui a peur parce que le courant est fort à tout emporter et qu’il se pourrait que les câbles cèdent. Vous vous regardez, accoudée au bastingage dans cette moiteur blanche, avec vos nattes et votre robe impossible et vous vous plaisez. L’émotion vous vient : la fondamentale, la charnelle, la toujours

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